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L'étrange son de météorites tombant sur Mars enregistré par InSight

InSight a détecté des impacts de météorites pour la première fois, le 5 septembre 2021, sur Mars. Mars Reconnaissance Orbiter a ensuite pris cette image des impacts, teintés en bleu afin de les mettre en évidence. [NASA - JPL-Caltech/University of Arizona]
L'étrange son de météorites tombant sur Mars enregistré par InSight / Le Journal horaire / 25 sec. / le 20 septembre 2022
Le robot InSight de la NASA, en mission sur Mars, a détecté des ondes sismiques et acoustiques provenant de l'impact de quatre météorites. Une équipe de recherche a ensuite réussi à calculer l'emplacement des cratères qu'elles ont laissés. C'est la première fois que cela est réalisé sur une autre planète que la Terre.

"Bloup"... c'est peu ou prou le son que produit une météorite s'écrasant sur le sol martien. Un bruit surprenant, capturé par le robot InSight de la NASA, depuis la surface de la planète rouge.

>> Ecouter le clip audio d'InSight :

L'impact du météore crée des ondes acoustiques et sismiques. Les scientifiques ont converti en son la vitesse de déplacement du sol: "Le sol est utilisé ici comme la membrane vibrante d'un micro", note Raphaël Garcia, premier auteur de l'étude: "La séquence sonore d'une fréquence d'environ 1 Hertz dure en réalité 400 secondes; elle a été accélérée pour être dans une fréquence audible par l'oreille humaine", dit-il par téléphone à RTSinfo.

Une planète exposée

La ceinture principale d'astéroïdes située entre Mars et Jupiter, en blanc.. D'autres objets géocroiseurs sont représentés et nommés en vert, rouge et brun. [wikimedia.org - public domain]
La ceinture principale d'astéroïdes située entre Mars et Jupiter, en blanc.. D'autres objets géocroiseurs sont représentés et nommés en vert, rouge et brun. [wikimedia.org - public domain]

En raison de son atmosphère ténue – elle possède seulement 1% de la densité de celle de notre Terre – et de sa proximité avec la ceinture d'astéroïdes de notre Système solaire, Mars est beaucoup plus vulnérable que la Terre et peut bien plus facilement être percutée par des roches venues de l'espace.

Les scientifiques sont en train de mieux comprendre cette caractéristique, avec l'aide de l'atterrisseur InSight (lire encadré).

Dans une étude publiée le 19 septembre dans Nature Geoscience, Raphaël Garcia et ses collègues décrivent comment le robot et son sismomètre SEIS développé par l'Europe a détecté ces ondes sismiques et acoustiques provenant de l'impact de quatre météorites. Comme la composition de l'atmosphère de Mars est connue, tout comme la vitesse de propagation du son dans celle-ci, l'équipe a pu déterminer l'endroit où ces objets ont touché la surface martienne.

Emplacement calculé grâce aux ondes

L'emplacement des cratères a été calculé par les scientifiques et leur localisation précise a été repérée grâce à Mars Reconnaissance Orbiter (MRO), depuis l'espace. Les calculs avaient une marge d'erreur de 10%: un résultat tout à fait honorable.

L'imageur CTX du MRO a repéré les poussières soulevées par les trois nouveaux impacts de météorites grâce aux calculs des emplacements estimés (triangles). Puis HiRise a pris des images plus rapprochées aux positions exactes (ronds). [Raphaël Garcia & al./Nature Geoscience - NASA/JPL/MSSS/U Arizona]
L'imageur CTX du MRO a repéré les poussières soulevées par les trois nouveaux impacts de météorites grâce aux calculs des emplacements estimés (triangles). Puis HiRise a pris des images plus rapprochées aux positions exactes (ronds). [Raphaël Garcia & al./Nature Geoscience - NASA/JPL/MSSS/U Arizona]

"Sans le travail conjoint d'InSight et du MRO, cela n'aurait pas été possible. C'est tout d'abord l'imageur CTX de la sonde spatiale qui a fait des images dans les zones indiquées par nos calculs", explique le planétologue de l'Institut supérieur français de l'aéronautique et de l'espace (ISAE) de l'Université de Toulouse.

"Avec la possibilité d'avoir des images avant et après la chute des objets, ainsi qu'une résolution de six mètres, nous avons repéré de la poussière soulevée. HiRISE, la caméra à résolution de 25 centimètres du MRO, a ensuite confirmé les observations du CTX".

Les météores qui ont laissé ces cratères étaient de taille relativement modeste, leur poids étant estimé à 200 kilos et leur diamètre à 50 centimètres. Les cratères creusés ont atteint jusqu'à 7,2 mètres de large. Ils se trouvent entre 85 et 290 kilomètres de la position d'InSight, localisée dans une région de Mars nommée Elysium Planitia, à proximité de l'équateur.

"Nous pouvons relier le type, l'emplacement et la taille d'une source connue à l'aspect du signal sismique. Nous pouvons appliquer ces informations pour mieux comprendre l'ensemble du catalogue d'événements sismiques d'InSight, et utiliser les résultats sur d'autres planètes et lunes également", a remarqué Ingrid Daubar, scientifique planétaire de la Brown University, l'une des coautrices de l'étude.

>> En bleu, les trois cratères creusés par la météorite tombée le 5 septembre 2021 : Ces cratères ont été créés après la chute d'une météorite sur Mars le 5 septembre 2021. L'impact a été détecté par InSight et l'image prise par Mars Reconnaissance Orbiter, avec sa caméra à haute résolution HiRISE. [NASA - JPL-Caltech/University of Arizona]
Ces cratères ont été créés après la chute d'une météorite sur Mars le 5 septembre 2021. L'impact a été détecté par InSight et l'image prise par Mars Reconnaissance Orbiter, avec sa caméra à haute résolution HiRISE. [NASA - JPL-Caltech/University of Arizona]

D'autres événements à trouver et analyser

Chercheuses et chercheurs pensent que maintenant que la signature sismique de tels impacts a été identifiée, d'autres événement similaires pourront être trouvés dans les données d'InSight, en remontant jusqu'en 2018, année à laquelle la sonde à trois pattes s'est posée dans sa vaste plaine martienne.

"La lune est également une cible pour la détection future des impacts de météorites", ajoute Raphaël Garcia. "Et il se peut que ce soient les mêmes capteurs qui le fassent, car les capteurs de rechange d'InSight sont actuellement intégrés dans l'instrument Farside Seismic Suite pour un vol vers la Lune en 2025". Le scientifique fait référence à un instrument qui devrait être placé dans le bassin de Schrödinger, près du pôle sud lunaire, sur la face cachée de notre satellite qui est en permanence opposée à la Terre.

"Sur la Lune, impossible de se baser sur du son, puisqu'il n'y en a pas à cause de l'absence d'atmosphère. Nous ne pourrons utiliser qu'un sismomètre. Et comme le sol lunaire est très fracturé, ce ne sera pas facile de savoir d'où vient l'impact: c'est un peu comme la lumière diffusée dans du brouillard... les ondes sont diffractées et il n'est ainsi pas facile d'obtenir la direction d'arrivée", commente le scientifique.

"Autour de la Lune, il y a le Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO) qui peut aussi prendre des images. Et comme les impacts sur la Lune créent des flashs lumineux, ils sont observables depuis la Terre. Grâce à ce qu'on appelle des 'flashs lunaires', il est aisé de déterminer le temps précis de l'impact en plus de déterminer sa localisation".

Stéphanie Jaquet et les agences

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Magnitude des séismes

Lancé en 2018, InSight a déjà détecté plus de 1300 séismes sur Mars. Le plus grand, en début d'année, a été mesuré à une magnitude 5. En comparaison, les tremblements martiens générés par les impacts de météorites n'ont pas enregistré plus d'une magnitude 2.

Dans une recherche publiée en 2021, les ondes sismiques détectées par InSight ont aidé à déchiffrer la structure interne de Mars, y compris les premières estimations de la taille de son grand noyau métallique liquide, l'épaisseur de sa croûte, et la nature de son manteau.

>> Lire aussi : Un séisme a été détecté sur la planète rouge pour la première fois et Des secousses sismiques enregistrées sur la planète Mars et "sonifiées"