Le groupe pharmaceutique japonais Eisai et l'américain Biogen ont annoncé mardi que leur traitement, le lecanemab, avait permis de réduire le déclin cognitif de patients aux premiers stades de la maladie.
Ces résultats préliminaires sont issus d'essais cliniques menés sur près de 1800 personnes, dont la moitié ont reçu le traitement, et l'autre moitié un placebo. Selon les entreprises, le médicament a permis de réduire de 27% le déclin cognitif des patients traités, sur une période de 18 mois.
Eisai et Biogen prévoient de publier les résultats complets dans une revue scientifique, et de déposer des demandes d'autorisation pour la commercialisation du traitement aux Etats-Unis, au Japon et en Europe avant la fin mars 2023.
Gros enjeux médicaux et financiers
Ces résultats ont provoqué un bond de 50% de la valeur de l'action Biogen en bourse. Le défi médical est gigantesque et l'enjeu à sa mesure: avec le vieillissement de la population, la planète compte chaque année dix millions de nouveaux cas. Rien qu'en Suisse, Alzheimer affecte quelque 150'000 personnes et non moins de 32'000 nouveaux cas sont dénombrés chaque année.
>> Lire aussi: Alzheimer, une maladie très répandue et toujours sans remède et Gilles Allali: "La maladie d'Alzheimer commence ses dégâts 10 à 15 ans avant le diagnostic"
La maladie coûte des centaines de millions de dollars aux systèmes de santé et d'autres centaines encore sont investis pour trouver des moyens de la combattre.
Roche aussi dans la course
Les résultats de Biogen sont aussi une bonne nouvelle pour des concurrents, comme Roche, car les entreprises ont pris un chemin similaire. Le lécanémab chez Biogen et le ganténérumab chez Roche s'attaquent à l'accumulation de ce qui s'appelle des plaques d'amyloïdes dans notre cerveau.
Les malades d'Alzheimer présentent des plaques de protéines, dites amyloïdes, qui se forment autour de leurs neurones et les détruisent à terme. Mais le rôle précis de ces plaques dans la maladie (en sont-elles la cause, ou la conséquence d'autres phénomènes?) est de plus en plus sujet à débat dans la communauté scientifique.
De son côté, Roche est aussi en phase finale de développement, mais il faudra attendre plus tard pour connaître ses résultats. Le géant bâlois a aussi dans sa manche un deuxième candidat qui suit la même approche, en partenariat avec la biotech vaudoise AC Immune. Mais ce deuxième traitement candidat a subi un gros revers en juin dernier.
Résultats prometteurs
Les bénéfices du médicament d'Eisai et Biogen pour les patients "sont modestes, mais réels", et ces résultats sont donc "vraiment encourageants", a réagi le professeur de neurosciences John Hardy, de l'University College de Londres.
"Si les données résistent à un examen approfondi, il s'agit d'une nouvelle fantastique", a pour sa part commenté Tara Spires-Jones, de l'Université d'Édimbourg. Le traitement n'entraîne pas "une 'guérison'", mais "freiner le déclin cognitif et ainsi préserver la possibilité de mener des activités quotidiennes normales est déjà une victoire énorme".
Le médicament devra toutefois être examiné "au regard des risques d'effets secondaires" détectés, "dont des inflammations et des saignements dans le cerveau", a tempéré le Dr Charles Marshall, de la Queen Mary University of London.
cab avec ats
Des espoirs déçus
Un autre traitement du laboratoire américain Biogen, nommé Aduhelm et visant également les plaques amyloïdes, avait suscité beaucoup d'espoirs en 2021 en étant le premier médicament approuvé aux Etats-Unis contre la maladie depuis 2003.
Mais il a aussi suscité la controverse, l'agence américaine du médicament FDA étant allée à l'encontre de l'avis d'un comité d'experts, qui avait jugé que le traitement n'avait pas suffisamment fait preuve de son efficacité lors des essais cliniques. La FDA avait par la suite réduit son usage aux personnes atteintes de cas modérés de la maladie uniquement.