Le vaisseau de la mission DART, de la taille d'un réfrigérateur, avait délibérément percuté sa cible, l'astéroïde Dimorphos, à la vitesse de 22'500 km/h. Ce corps céleste est le satellite d'un astéroïde plus grand nommé Didymos.
L'appareil de la NASA est parvenu à le déplacer, en réduisant son orbite de 32 minutes, a indiqué le chef de l'agence spatiale, Bill Nelson, lors d'une conférence de presse: "DART ressemblait à un scénario de film, mais ce n'était pas Hollywood", a-t-il commencé.
>> L'Agence spatiale italienne (ASI) a capturé la collision grâce à son LICIACube:
Mission réussie
C'est "un moment décisif pour la défense planétaire, et un moment décisif pour l'Humanité", a-t-il poursuivi. Cela aurait déjà été "considéré comme un énorme succès s'il [ndlr. le vaisseau DART] avait seulement réduit l'orbite d'environ 10 minutes. Mais il l'a en fait raccourcie de 32 minutes", a-t-il ajouté. Avec cette mission, "la NASA a prouvé que nous étions sérieux en tant que défenseurs de la planète".
Avant l'impact, l'orbite de Dimorphos autour de Didymos était de 11 heures et 55 minutes; elle est désormais de 11 heures et 23 minutes.
Pour Lori Glaze, directrice de la division des Sciences planétaires au QG de la NASA à Washington, le succès est total: "Prenons le temps d'apprécier cette information: pour la première fois de l'histoire, l'Humanité a changé l'orbite d'un objet planétaire!", a-t-elle dit, enthousiaste. "Et c'est précis: 32 minutes avec plus ou moins une minute d'erreur".
"Ce changement d'orbite a été prouvé par trois méthodes différentes", a souligné Nancy Chabot, la coordinatrice principale pour la mission DART au Johns Hopkins Applied Physics Laboratory (APL) à Laurel, dans le Maryland.
L'une est d'observer comment la luminosité totale diminue légèrement lorsque l'un des corps est ombragé par l'autre. En mesurant les intervalles de temps entre ces baisses qui marquent les orbites, les astronomes peuvent déterminer la nouvelle période de la trajectoire. Une autre possibilité est d'analyser les images radar des deux objets, et la dernière de confirmer le changement d'orbite par les données récoltées par des télescopes terrestres se trouvant au Chili, en Afrique du Sud et aux Etats-Unis, ainsi qu'avec les télescopes spatiaux Hubble et James Webb.
"Il reste beaucoup de travail", a annoncé Tom Statler, l'un des scientifiques du programme DART: "Nous allons analyser les modèles de la forme des deux astéroïdes et aussi affiner ceux de la nouvelle silhouette de Dimorphos après son impact avec DART: quel est son volume, sa masse, à quelle vitesse les éjectas ont-ils été projetés, quelle masse a été expulsée", a-t-il listé, tout en ajoutant que la nouvelle orbite allait être observée pour comprendre si elle était circulaire ou elliptique, si elle oscillait ou non et comment l'impact cinétique a fonctionné: "Le recul de l'éjection était une force substantielle, c'est certain", a-t-il affirmé.
Défense planétaire assurée
Dimorphos, situé à quelque 11 millions de kilomètres de la Terre au moment de l'impact, mesure environ 160 mètres de diamètre et ne représente aucun danger pour notre planète.
Si le but reste relativement modeste comparé aux scénarios catastrophe de films de science-fiction comme "Armageddon", cette mission inédite de "défense planétaire", nommée DART, pour Double Asteroid Redirection Test – dont l'acronyme signifie "fléchette" en anglais – est la première à tester une telle technique. Elle permet à la NASA de s'entraîner au cas où un astéroïde menacerait un jour de frapper réellement la Terre (lire encadré).
Ici, "ce n'est qu'une différence de 4% de trajectoire, mais c'est assez pour une déviation réussie d'astéroïde", a précisé Nancy Chabot, tout en insistant sur le fait qu'une mission de ce type devait se préparer des années en amont.
Stéphanie Jaquet et les agences
"Objets proches de la Terre"
Notre système solaire est rempli d'astéroïdes et de comètes qui, parfois, passent assez près de notre Terre. Ces corps célestes sont appelés en anglais Near-Earth Object (NEO); ceux qui entrent dans cette définition sont ceux qui pourraient passer à une distance de 48 millions de kilomètres de notre planète.
La NASA surveille de près les objets qui pourraient passer à 8 millions de kilomètres de la Terre. Pour donner un ordre d'idée, notre Lune n'est "qu'à" 384'400 kilomètres de nous.
Un impact est donc très improbable, mais il est toutefois intéressant de garder un œil sur ces corps célestes; la NASA le fait grâce au Planetary Defense Coordination Office (PDCO). Avec ses partenaires, l'agence découvre, catalogue et caractérise ces objets. Si l'un deux représentait une menace, Terriennes et Terriens désireraient être prêts... c'est pourquoi des techniques et des technologies de déviation pour nous protéger sont développées.