L'axion ne semble pas être un ingrédient de la matière noire: c'est en résumé la conclusion à laquelle parvient l'étude publiée dans la revue Physical Review Letters par une équipe scientifique internationale dirigée par l'Université de Berne et son Centre Albert Einstein pour la physique fondamentale.
Mais qu'est-ce qu'un axion? Il faut plonger dans le monde de la physique théorique pour l'appréhender: l'axion est une particule élémentaire hypothétique qui fait partie d'une catégorie prometteuse de candidates à la matière noire, avec une masse très faible. Théoriciennes et théoriciens comptent en outre sur ces particules pour expliquer d'autres phénomènes importants de la physique encore incompris.
Et la matière noire – dark matter, en anglais –, finalement, qu'est-ce que c'est? Le mystère est grand autour de cette forme supposée de matière qui n'est pas directement visible, mais interagit avec la gravité. Elle représente environ quatre fois plus de masse que la matière baryonique, soit la matière "ordinaire" que nous connaissons, composée de particules lourdes, les protons et les neutrons.
Cette substance obscure et hypothétique composerait environ 21% de l'Univers: "Elle est invoquée pour rendre compte de certaines observations astrophysiques – comme par exemple le fait que l'Univers est plat ou que les galaxies tournent sur elles-même à une certaine vitesse", explique Stéphane Paltani, professeur à l'Observatoire astronomique de l'Université de Genève, joint par la RTS. "La gravité est en quelque sorte la colle de l'Univers; mais la matière noire concentre l'essentiel de la masse, donc de la gravité", précise-t-il.
Une porte se ferme
L'équipe de scientifiques a réalisé une expérience du nom de Beam EDM à la source européenne de neutrons pour la recherche de l'Institut Laue-Langevin, à Grenoble. Et c'est ainsi qu'ont été "exclus certains paramètres encore inexplorés", selon le communiqué. Les axions auraient dû laisser une signature caractéristique dans cet appareil (lire encadré): ça n'a pas été le cas.
"Les physiciens des particules cherchent la matière noire depuis des années, mais malheureusement encore sans succès", remarque l'astrophysicien: "Une porte a été fermée; peut-être que la prochaine fois sera la bonne. Les axions sont théorisés, mais n'ont toujours pas été trouvés. Il y a aussi des personnes qui estiment qu'ils n'existeraient simplement pas du tout. Là, l'équipe a démontré que, dans une certaine zone, il n'y en avait pas. Mais peut-être qu'elle ne cherchait pas au bon endroit."
"Le modèle ne s'effondre pas"
Une non-découverte qui ne change pas la face de la physique selon Stéphane Paltani: "Les axions sont un ajout à la physique des particules: sans eux, le modèle ne s'effondre pas. S'ils existent, ce n'est que du bonheur; si ce n'est pas le cas, ce n'est pas très grave".
Par comparaison, l'astronome cite le boson de Higgs (lire encadré): "Si on ne l'avait pas trouvé, cela aurait été une crise fantastique! Avec lui, le paquet du modèle standard de la physique des particules est bien ficelé: il était nécessaire pour que le tout soit consistant. L'axion fait partie d'une nouvelle catégorie de particules qui n'est pas obligatoire. On peut s'en passer".
A côté des modèles expliquant la matière noire avec des particules, il existe une possibilité mettant en scène des trous noirs primordiaux, nés juste après le Big Bang: "Là aussi on essaie de trouver des signatures de cette population et, encore une fois, ce n'est pas facile de trouver l'origine de cette matière noire. Elle devient de plus en plus un mystère", conclut Stéphane Paltani.
>> Lire le Grand Format : Matière et énergie noires
Stéphanie Jaquet avec l'ats
La valse des neutrons
L'expérience Beam EDM utilisait la fréquence de rotation des spins neutroniques. Le spin de chaque neutron est une sorte d'aiguille de boussole qui tourne comme l'aiguille d'une montre en raison du champ magnétique, mais presque 400'000 fois plus vite. L'équipe de recherche a mesuré cette fréquence de rotation et analysé ensuite les infimes fluctuations périodiques qui seraient provoquées par l'interaction avec les axions.
Résultat: la fréquence de rotation des neutrons est restée inchangée, ce qui signifie qu'il n'y a aucune indication d'axions. Ces mesures ont donc permis d'exclure expérimentalement un espace des paramètres des axions, et donc de la matière noire, jusqu'ici totalement inexploré, selon l'étude. Les expériences futures peuvent désormais s'appuyer sur ce travail, selon l'Université de Berne.
La particule de Dieu
Le boson de Higgs – surnommé "la particule de Dieu" – permet d'expliquer pourquoi certaines particules ont une masse et d'autres pas: c'est en 2012 que son existence a été confirmée par l'expérience dans le LHC du CERN.
Et c'est ainsi que le prix Nobel de physique a été attribué un an plus tard à deux de ses théoriciens, François Englert et Peter Higgs.
>> Lire : Dix ans après sa découverte, à quoi sert le boson de Higgs?