Marco Alain Siebe gagne une place à l'ESA en tant qu'astronaute de carrière: "Un moment intense et assez irréel", dit-il à propos du moment où il a appris qu'il était parmi les cinq personnes à avoir été choisies; il est le seul à posséder un passeport suisse.
"Durant l'année 2014, j'ai rencontré un collègue médecin qui m'a parlé des candidatures pour devenir astronaute. Et j'ai attendu la prochaine sélection pour envoyer la mienne", explique-t-il au micro de Forum.
Il a obtenu une place très convoitée: l'ESA a reçu 22'523 candidatures de toute l'Europe. Parmi celles-ci, 668 de Suisse, dont 119 femmes et 549 hommes. Les cinq personnes ont été choisies au terme d'un long processus de sélection.
Marco Sieber succède ainsi au pilote militaire et astrophysicien Claude Nicollier, seul Suisse à s'être rendu dans l'espace, où il a passé plus de mille heures. Le Vaudois, entré à l'ESA en 1978, a effectué quatre vols avec la navette spatiale de la NASA et notamment réparé le télescope spatial Hubble.
Cette "Classe de 2022" d'astronautes de l'ESA succède à la promotion de 2009 dont fait partie le Français Thomas Pesquet; elle comptait six personnes, dont une seule femme, l'Italienne Samantha Cristoforetti.
Un médecin de 33 ans
Marco Sieber a 33 ans et a grandi près de l'Emmental, avant de déménager à Berne. Dans une vidéo de présentation il dit avoir envoyé sa candidature car c'était pour lui un rêve d'enfant: "Je crois que chaque enfant possède cette fascination pour l'espace. J'avais des livres et je jouais avec mon frère pour construire une fusée. Cette fascination ne s'est jamais estompée, mais je l'ai un peu oubliée. Mais ces dernières années, j'ai réalisé que c'était en fait possible de devenir un astronaute, en tant que citoyen européen".
Il obtient un diplôme au Gymnase de Berthoud, dans le canton de Berne, en 2007. En 2009, Marco Sieber rejoint l'entraînement des parachutistes au sein du Commando des forces spéciales de l'armée suisse, où il se voit décerner le grade de sergent.
En 2015, il reçoit le diplôme de docteur en médecine de l'Université de Berne. Sa thèse de doctorat portait sur la chirurgie robotique et il est celui à avoir réussi le meilleur examen final pour son diplôme de médecin.
En 2021, Marco Sieber passe son diplôme de spécialiste en médecine préclinique d'urgence et de sauvetage (SSMUS).
Outre ses langues maternelles, l'allemand et le suisse allemand, le Biennois parle également l'anglais et le français.
Entre 2009 et 2015, Marco Sieber travaille en tant qu'enseignant assistant pour les cours d'anatomie et de physiologie à la faculté de médecine de l'Université de Berne. En parallèle, il était également instructeur de parachutisme pour les cours de parachutistes pré-militaires.
Entre 2015 et 2017, il est résident en chirurgie générale/traumatologie, ainsi qu'en unité de soins intensifs à Interlaken. Après être devenu médecin-chef de la Swisscoy au Kosovo pour la KFOR en 2018, il travaille comme résident en médecine d'urgence à l'hôpital universitaire de Berne, jusqu'en 2019. Entre 2019 et 2021, il est résident en anesthésiologie à Interlaken, en Suisse.
Depuis 2020, Marco Sieber travaille en tant que médecin d'urgence pour le sauvetage par hélicoptère et rejoint également, un an plus tard, l'hôpital de Bienne, en tant que résident en urologie.
Le Bernois est titulaire d'une licence de pilote privé et aime les sports de plein air et d'aventure tels que le parachutisme, le parapente, la plongée sous-marine, le ski de randonnée et le kitesurf. Être un astronaute est pour lui "une responsabilité et une aventure".
Deux femmes et trois hommes
Les cinq personnes nommées comme astronautes de carrière sont, dans l'ordre des annonces, Sophie Adenot (France), Pablo Álvarez Fernández (Espagne), Rosemary Coogan (Royaume-Uni), Raphaël Liégeois (Belgique, qui collabore aussi avec l'Université de Genève et l'EPFL) et Marco Sieber (Suisse).
"Toute la sélection a été difficile", se souvient le Suisse au micro de Forum: "On devait attendre longtemps sans savoir comment cela allait continuer". Mais le plus ardu, pour lui, fut tout de même la première sélection, "avec des tests sur ordinateur, particulièrement stressants et exigeants. Et aussi beaucoup d'interviews".
Josef Aschbacher, le directeur général de l'ESA, avant d'annoncer les noms avec sa coprésentatrice, a d'abord rappelé les qualités nécessaires pour le travail d'astronaute: intelligence intellectuelle et manuelle, résistance à la pression et au stress. Mais les personnes qui se sont présentées ont aussi subi des tests médicaux et psychologiques: "On a besoin de personnes très spéciales", a-t-il souligné.
Les autres personnes choisies seront astronautes "de réserve": Meganne Christian (Royaume-Uni), Anthea Comellini (Italie), Sara García Alonso (Espagne), Andrea Patassa (Italie), Carmen Possnig (Autriche), Arnaud Prost (France), Amelie Schoenenwald (Allemagne), Aleš Svoboda (République Tchèque), Slawosz Uznanski (Pologne), Marcus Wandt (Suède), Nicola Winter (Allemagne). La classe de 2022 respecte la parité femmes-hommes.
Une place pour l'ISS
Les astronautes de carrière feront partie des personnes appelées à voler en orbite, dans la Station spatiale internationale (ISS) dans un premier temps – les quelques places pour les futures missions lunaires seront réservées à la génération précédente déjà rodée aux séjours en orbite basse.
Marco Sieber espère un jour, lui aussi, pouvoir travailler sur la Lune: "C'est clair, c'est un but fascinant mais difficile à atteindre, car peu d'astronautes peuvent y marcher". Quant à Mars... "C'est un rêve, mais cela va encore prendre quelques années [avant les premières missions là-bas]".
Pour les cinq élus de l'ESA, les entraînements commenceront en avril 2023 au Centre européen des astronautes à Cologne, en Allemagne.
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La première personne porteuse de handicap
L'Agence spatiale européenne va donner la possibilité à une personne handicapée de devenir astronaute et voler en orbite. Une première dans l'histoire de la conquête spatiale.
Ce projet inédit, baptisé "parastronaute", a été présenté mercredi aux vingt-deux Etats membres de l'ESA. Et c'est un sprinter paralympique de 41 ans, John McFall, du Royaume-Uni, qui a été choisi pour ce programme: "C'était une expérience assez mouvementée, étant donné qu'en tant qu'amputé, je n'avais jamais pensé pouvoir devenir astronaute. Donc l'excitation était une énorme émotion", raconte-t-il dans une vidéo sur le site de l'Agence.
Les personnes porteuses de handicap physique étaient jusqu'ici exclues des sélections pour devenir astronaute, réputées parmi les plus rudes: "Le projet parastronaute requiert un changement complet de philosophie" sur la notion d'aptitude médicale, un concept d'origine militaire destiné à sélectionner les pilotes de combat, explique Guillaume Weerts, médecin en chef des astronautes au sein de l'ESA.
Lors du lancement de sa campagne de recrutement, en février 2021, l'agence avait annoncé ouvrir les portes de l'espace à un ou plusieurs candidats porteurs d'un handicap au niveau des membres inférieurs – en raison d'une amputation ou une malformation congénitale.
Sont également éligibles les personnes mesurant moins de 1,30 mètre ou ayant une asymétrie des jambes. Les aptitudes intellectuelles et psychologiques requises sont les mêmes que pour les autres astronautes.
Stéphanie Jaquet et les agences
Budget voté
L'Agence spatiale européenne (ESA) a par ailleurs annoncé mercredi un budget de près de 17 milliards d'euros pour les trois prochaines années, en nette hausse mais en deçà des 18,5 milliards demandés par son directeur général.
Au terme d'âpres négociations, les vingt-deux Etats membres, rassemblés pendant deux jours à Paris, ont décidé d'une enveloppe de 16,9 milliards d'euros, en hausse de 17% par rapport aux trois dernières années.
"Etant donné le niveau de l'inflation, je suis très impressionné par ce résultat", a pour sa part affirmé le patron de l'ESA Josef Aschbacher, jugeant que le budget voté était "nécessaire pour ne pas rater le train" face à la féroce concurrence américaine et chinoise notamment.
Cette contribution est destinée à financer les programmes d'exploration spatiale (2,7 milliards d'euros), d'observation de la Terre notamment pour mesurer et surveiller le changement climatique (2,7 milliards) ou encore les lanceurs spatiaux, notamment les évolutions des fusées Ariane 6 et de Vega-C (2,8 milliards d'euros).