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Enterrer les centrales nucléaires pour mieux les protéger en cas de conflit?

La centrale nucléaire de Cattenom, en France, couvre les besoins d'environ 7 millions de foyers. [Keystone - Christophe Karaba]
Science qui peut! - La sécurité des centrales nucléaires / Science qui peut ! / 2 min. / le 25 novembre 2022
Avec la guerre en Ukraine, la menace nucléaire est omniprésente: trois centrales ont été la cible de frappes militaires. Est-ce que les enterrer serait une bonne idée pour les protéger? Réponse avec "Science qui peut", la chronique qui présente les solutions de la recherche aux problèmes de notre temps.

En cas de conflit armé, les centrales nucléaires paraissent particulièrement vulnérables: celle de Zaporijia, en Ukraine, a été plusieurs fois la cible de frappes militaires.

>> Lire : Reportages au cœur de la contre-offensive de l'Ukraine au sud du pays

La plupart des installations nucléaires ont été construites en temps de paix et n'ont pas été conçues pour résister à des bombardements. La situation était différente pendant la Guerre froide où, pour éviter que les centrales ne soient prises pour cibles, l'idée avait été évoquée de les construire sous terre.

Plusieurs projets pilotes d'enfouissement ont existé, dont un réalisé dans le canton de Vaud, à Lucens: cette centrale nucléaire expérimentale devait être la première exclusivement suisse, avec une inauguration prévue le 21 janvier 1969.

Explosion et radioactivité résiduelle

Un échec total, puisque le réacteur – qui était enterré à plus de quarante mètres de profondeur – a littéralement explosé lors de sa mise en marche. Le public l'a su bien des années plus tard. Il aura fallu cinq ans aux autorités pour assainir le site: de quoi refroidir ce type d'initiatives, du moins dans notre pays.

La France a expérimenté un projet similaire avec la centrale de Chooz, dans des galeries creusées sous les montagnes des Ardennes. Le réacteur a fonctionné un peu plus de vingt ans, jusqu'en 1991, mais le problème – qui est encore d'actualité – est son démantèlement.

Aujourd'hui, EDF n'a toujours pas réussi à achever son assainissement, principalement à cause des taux très élevés de radioactivité restée enfermée dans les galeries. C'est pourquoi, après la Guerre froide, ce genre de projets a été complètement abandonné.

Des centrales miniatures

Avec la relance du nucléaire et la guerre, l'idée refait toutefois surface, notamment avec les "petits réacteurs modulaires", appelés "SMR" en anglais, pour small modular reactor: en résumé, des centrales miniatures. A l'heure actuelle seule la Russie en fabrique: il y en a une qui se balade sur un navire dans le grand Nord sibérien.

L'unité flottante de puissance (FPU) Akademik Lomonosov est remorquée depuis le port arctique de Mourmansk, dans le nord-ouest de la Russie. La Russie a mis à l'eau le premier réacteur nucléaire flottant au monde, l'envoyant pour un voyage épique à travers l'Arctique le 23 août 2019, malgré les mises en garde des écologistes contre un "Tchernobyl sur glace". Chargé de combustible nucléaire, ce navire a quitté le port arctique de Mourmansk pour entamer son voyage de 5000 kilomètres vers Pevek, dans le nord-est de la Sibérie. Photo prise par ROSATOM, l'agence nucléaire russe. [AFP - ROSATOM]
L'unité flottante de puissance (FPU) Akademik Lomonosov est remorquée depuis le port arctique de Mourmansk, dans le nord-ouest de la Russie. La Russie a mis à l'eau le premier réacteur nucléaire flottant au monde, l'envoyant pour un voyage épique à travers l'Arctique le 23 août 2019, malgré les mises en garde des écologistes contre un "Tchernobyl sur glace". Chargé de combustible nucléaire, ce navire a quitté le port arctique de Mourmansk pour entamer son voyage de 5000 kilomètres vers Pevek, dans le nord-est de la Sibérie. Photo prise par ROSATOM, l'agence nucléaire russe. [AFP - ROSATOM]

Les personnes qui les promeuvent les disent plus sûres, car plus modernes et surtout moins puissantes. Elles sont aussi plus faciles à enfouir, soit dans des fosses terrestres profondes, soit par immersion dans des "piscines", des lacs ou des mers. Outre leur rendement, le problème réside bien évidemment dans leur impact sur l'environnement.

La France avait lancé il y a quelques années un projet de minicentrale sous-marine baptisé Flexblue: il a dû être abandonné sous pression des ONG.

Les limites de ces solutions technologiques persistent face à une énergie qui, comme d'autres, comporte des risques. Des dangers qui peuvent être instrumentalisés dans le cadre d'un conflit armé et qu'expertes et experts ne peuvent pas maîtriser.

Sujet radio: Sophie Iselin

Article web: Stéphanie Jaquet

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