Une famille assiste à un concert en plein air dans les jardins de Singapour. Soudain, un arbre de 270 ans, mesurant 40 mètres, s'écroule sur la foule. Les deux enfants et le mari sont blessés. La femme de 38 ans est décédée.
Cet accident tragique, survenu en février 2017, est un électrochoc sur l'île, l'une des plus connectées au monde. C'est aussi un coup d'accélérateur pour le projet de surveillance numérisée des 7 millions d'arbres de Singapour.
Un inventaire automatique, des capteurs d'inclinaison, des caméras de surveillance, des algorithmes qui s'assurent du bien-être des végétaux: depuis la mise en place du dispositif, les incidents liés aux arbres ont baissé de 85%.
La Suisse se connecte
La Suisse n'est pas en reste. Les projets pilotes se multiplient. Car les villes abritent de plus en plus d'arbres. Ils captent le CO2 et rafraîchissent l'air. Planter des arbres fait partie intégrante des programmes pour adapter les villes aux changements climatiques.
Mais qu'en est-il de la surveillance par les nouvelles technologies? Des tests à grande échelle sont en cours dans sept communes romandes, Blonay-St-Légier, Corsier-sur-Vevey, Lutry, Morges, Pully, Sion et Yverdon. Le 1er décembre, les trois premiers capteurs ont été posés à Yverdon, au bord du lac.
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Un gros boîtier, toujours en développement, fonctionne comme une montre connectée. Il est attaché à l'arbre, à 4 mètres du sol, par une simple lanière. Selon les créateurs, le dispositif permet de connaître en temps réel la santé d'un arbre et son risque de chute.
En cas de problème, une notification arrive directement sur le téléphone du responsable des espaces verts. Qui peut alors consulter les données dans une application. "On peut voir l'évolution de la vitalité de l'arbre. La courbe baisse actuellement, car nous sommes dans une période de chute des feuilles, de repos hivernal", explique Stéphane Krebs, initiateur du projet soutenu par Innosuisse.
"On peut également visualiser la statique de l'arbre. S'il bouge beaucoup. Ici, malgré le vent, on voit sur l'application que tout va bien." L'intérêt est double. Éviter les accidents, mais aussi aider les employés de la commune dans le suivi de la santé des arbres.
Les inspections sur le terrain continuent. Chacun des 4000 arbres yverdonnois est vérifié au moins une fois par année. C'est une aide à la décision pour la personne qui doit assurer le suivi et prendre parfois la décision d'un abattage.
Une observation spatiale
Encore plus surprenants, certains vont jusqu'à utiliser des images satellites pour détecter automatiquement les risques. Les CFF doivent obligatoirement surveiller la végétation près des voies.
Il y a évidemment les arbres, qui peuvent tomber, mais aussi les plantes invasives qui font bouger les ballasts. Des inspecteurs vont sur le terrain et interviennent. Pour leur faciliter la tâche et débusquer les zones à risques, les CFF ont utilisé des images satellites pour mesurer la vitalité des arbres.
"L'idée est de détecter les arbres qui sont potentiellement malades", explique Nicolas Ackermann, business ingénieur drone aux CFF. "On a testé la méthode sur des petites zones avec de bons résultats. Puis à l'ensemble de la Suisse avec, là aussi, des résultats relativement bons."
Mais au moment de passer à une véritable surveillance continue de la santé des arbres aux abords des voies de chemin fer, les problèmes commencent. "Il y a encore du chemin à faire. Ça ne fonctionne pas bien pour toutes les saisons ou toutes les régions. Il y a encore du travail pour que les algorithmes soient suffisamment robustes pour être utilisés."
Le principal problème est de pouvoir reconnaître la plante vue du ciel. L'algorithme s'entraîne sur la base de photos.
La plante appelle à l'aide
Surveiller une plante peut également permettre de mieux la faire pousser. C'est l'objectif de Vivent, une start-up vaudoise basée à Gland. Elle développe aujourd'hui dans ses serres un appareil capable d'analyser les besoins des plantes.
Si elles veulent de l'eau ou de l'engrais, si elles ont froid ou qu'elles sont attaquées par des pucerons, par exemple. Grâce à deux petites aiguilles plantées dans la tige d'un plant de tomate, leur algorithme décode les ondes électriques, le stress des végétaux. Le maraîcher peut alors intervenir et prodiguer les bons soins.
La prochaine étape? La plante se commande à boire toute seule, selon ses besoins. "Si la plante nous dit quand elle a soif, elle peut aussi allumer l'arrosage elle-même", détaille Marina Martin Curran, responsable du développement durable chez Vivent.
"Quand la plante atteint un certain niveau de stress, on peut enclencher un système d'arrosage. Et ainsi être plus conservateur dans l'utilisation de l'eau pour les cultures."
Donc la plante consomme uniquement l'eau dont elle a besoin, sans intervention humaine. Pour l'instant, elle a toujours besoin qu'on lui mette le tuyau dans la terre.
Pascal Wassmer