Pas besoin de creuser pour récupérer la chaleur terrestre! Le principe de la géothermie de surface sans forage est de capter la chaleur des parkings souterrains ou des bouches de métro pour chauffer les bâtiments alentours.
Contrairement à une pompe à chaleur qui restitue l'énergie des sols, ce système utilise les galeries déjà existantes pour faire remonter la chaleur à la surface. Concrètement, il s'agit d'installer des panneaux appliqués contre les murs des sous-sols pour faire remonter cette énergie qui se renouvelle en permanence. Ainsi, le recours aux énergies fossiles est diminué grâce à l'utilisation d'un potentiel de chauffage inexploité des villes.
>> Le système des panneaux capteurs de chaleur:
La start-up Enerdrape, fondée à l'EPFL, a développé des panneaux très légers qui fonctionnent selon le même principe qu'une sonde géothermique: en puisant la chaleur du béton ou de l'air, de l'eau est chauffée à l'intérieur d'un circuit fermé de tuyaux. Ensuite, une pompe à chaleur est alimentée pour réchauffer les bâtiments du quartier.
La surface de parkings en Europe représente cinquante millions de mètres carrés: ce type de solution est donc loin d'être anecdotique.
Une spin-off de l'EPFL
Margaux Peltier a accompli ses études à l'EPFL et mené des recherches académiques aux résultats concluants, en collaboration avec le docteur en mécanique Alessandro Rotta Loria et le professeur Lyesse Laloui. Une série de prix a incité la chercheuse à transformer ses études en une aventure entrepreneuriale pour éviter qu'une "énième bonne solution universitaire ne finisse dans des tiroirs". Elle est la cofondatrice et directrice générale de la société Enedrape qui va bientôt commercialiser cette invention.
Le principe peut paraître simple mais en réalité il a fallu presque dix-huit ans de recherche fondamentale dans le Laboratoire de mécanique des sols de l'EPFL derrière le développement des prototypes: des panneaux légers de deux centimètres d'épaisseur, avec un réseau complexe de tuyaux pris en sandwich pour chauffer de l'eau.
Ce qui prend du temps, c'est en effet la recherche, confie Margaux Peltier au micro de CQFD: "Comment aller chercher cette chaleur en étant sûr de ne pas influencer le terrain, le béton. Il y a plein d'éléments dont il fallait s'assurer le bon fonctionnement, surtout sur la durée".
Elle note qu'il a aussi fallu développer des outils, de calcul notamment: "C'est un certain savoir-faire qui s'apprend au fil des années. La partie recherche s'est menée au laboratoire; ensuite, une grosse partie s'est faite entre le laboratoire et la start-up pour développer le produit et matérialiser cette technologie". Ces panneaux si légers devaient être rentables et devaient pouvoir être industrialisés.
Avec ce type d'installation, il est possible de gagner entre 4 à 5 degrés: "Ça ne paraît pas beaucoup en soi", reconnaît la scientifique, "mais c'est typiquement le différentiel de température qu'on gagne avec une pompe à chaleur sur sonde classique".
Alimenter jusqu'à 60% d'un immeuble en chauffage
Des projets pilotes ont été développés dans d'autres pays: à Londres, notamment, dans les couloirs de métro de la Northern Line, et à Paris dans le 4 arrondissement avec la ligne 1. Mais c'est l'ancienne technologie qui est utilisée: "Elle a aussi été développée en laboratoire: on travaillait sur cette technologie en mettant les tubes directement dans le béton pendant la construction. Le désavantage est qu'on ne peut l'utiliser que sur de nouvelles constructions".
Ce que fait la start-up peut être appliqué sur des édifices existants. Et c'est surtout les parkings qui focalisent pour l'heure l'attention de l'équipe de recherche, avant de se lancer dans une solution spécifique aux tunnels de métro ou même autoroutiers: "L'important est d'avoir des consommateurs à proximité", relève Margaux Peltier.
Jusqu'à 60% du chauffage d'un immeuble pourrait venir en puisant dans cette chaleur du sous-sol, une énergie disponible toute l'année, gratuitement: "On a ce potentiel sous nos pieds qui n'est pas utilisé, soit par manque de volonté, soit par manque de technologie. Maintenant, on cherche de plus en plus à utiliser tout ce qu'on peut, particulièrement au niveau local".
L'installation dépend d'une pompe pour la circulation de l'eau, alimentée en énergie électrique. Mais il n'y a pas de déperdition, puisqu'elle produit quatre à cinq fois plus d'énergie que l'électricité consommée, selon les analyses de la société.
Sujet radio: Sophie Iselin
Article web: Stéphanie Jaquet