La fusion nucléaire pourrait en 2070 révolutionner la production d'énergie sur Terre, sans rejet de CO2 ni de déchets radioactifs. Des chercheurs du laboratoire Lawrence Livermore, en Californie, sont pour la première fois parvenus à produire davantage d'énergie que la quantité utilisée pour provoquer cette réaction.
Jacques Dubochet pas convaincu
Mais cette avancée qualifiée par beaucoup d'historique ne convainc pas le Prix Nobel de chimie 2017, Jacques Dubochet, interrogé mercredi dans La Matinale.
Selon lui, cette technique arrive trop tard et est bien trop coûteuse. "L'idée d'utiliser la même méthode que pour produire de l'énergie solaire est certes attirante, mais cela coûte très cher et c'est extrêmement compliqué à mettre en place. Le soleil est ce qui nous chauffe. Il est la manière la moins coûteuse d'obtenir de l'énergie. On a donc les moyens immédiats d'avoir autant d'énergie que l'on souhaite."
Martine Rebetez, professeure à l'Université de Neuchâtel et à l'Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage, est également sceptique. Si la promesse est séduisante, elle estime qu'elle est en revanche trompeuse. "Ce qui me frappe est que c'est pour 2070. Or, ça fait cinquante ans qu'on nous promet cette technologie. Pour moi c'est un non-événement".
"On n'avance pas assez vite"
Par ailleurs, du point de vue du changement climatique, on a besoin de solutions disponibles tout de suite. "Or, on en a déjà avec l'énergie solaire qui est tout à fait mûre et qui fonctionne en combinaison avec l'énergie des barrages. Le problème est qu'on n'avance pas assez vite. Il y a assez de techniques disponibles à ce jour."
Pour Ambrogio Fasoli, directeur du Swiss Plasma Center de l'EPFL, invité mardi dans le 19h30, cette nouvelle revêt tout de même un caractère historique. "C'est la première fois sur Terre qu'on obtient plus d'énergie à partir de la fusion que ce qu'on injecte".
Pour le physicien Yves Martin adjoint du directeur du Swiss Plasma Center de l'EPFL, interrogé mardi dans Forum, il s'agit d'un "pas supplémentaire pour aller vers la production d'énergie".
Soixante ans de recherche
La recherche autour de l'allumage par fusion dure depuis environ soixante ans et la théorie dit depuis un siècle qu'elle est possible. Mais pour qu'elle aboutisse vraiment, "cela pourrait encore prendre vingt ou trente ans", a estimé Erik Lefebvre, chef de projet des expériences laser au Commissariat à l'énergie atomique français.
D'autres projets de fusion nucléaire sont en développement, notamment le projet international ITER, actuellement en construction en France. Au lieu de lasers, la technique dite de confinement magnétique sera utilisée: les atomes d'hydrogène seront chauffés dans un immense réacteur, où ils seront confinés à l'aide du champ magnétique d'aimants.
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Propos recueillis par Natacha Van Cutsem, Esther Coquoz, Philippe Revaz
Texte: Hélène Krähenbühl