L'intelligence artificielle (IA) générative, on n'en parlait pas il y a six mois encore. Il s’agit de programmes informatiques capables de produire des images à partir d’une simple description, ou des textes originaux à partir d’une courte indication. ChatGPT a mis le feu aux Internets. Cette IA est capable de répondre d'une manière argumentée à des questions, de composer de la musique, voire même de rédiger une dissertation.
En cinq jours seulement, plus d’un million de personnes se sont inscrites pour tester ce robot conversationnel. Des captures d'écran des discussions avec lui sont devenues virales sur Twitter.
Vous avez peut-être remarqué des changements dans les photos de profil de vos amis sur les réseaux sociaux, devenus soudainement des princesses, des voyageurs de l'espace ou des personnages de manga très kawaï, via l'application de retouche d'image Lensa de Prisma Labs.
Cette app utilise vos selfies et l'intelligence artificielle pour générer des avatars magiques dans une variété de styles. Mais très rapidement, l'application montre un côté sombre.
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Des utilisatrices et utilisateurs ont dénoncé une sexualisation des clichés, avec des avatars dénudés et des poitrines plus importantes que l'original. Des inquiétudes aussi ont été formulées concernant la question des données et de leur utilisation.
Dans les coulisses, une guerre discrète
Pourtant, tout ceci ressemble à un écran de fumée. Pour les géants d'Internet, l'IA est désormais utilisée pour nous faire adhérer aux avatars et surtout pour les fabriquer. Des annonces sont passées sous le radar. Les géants d'internet rachètent discrètement, à tour de bras, des entreprises développant des IA génératives. Ce marché aurait progressé de 425% depuis 2020, pour atteindre plus de 2 milliards de dollars, selon Pitchbook cité par le Financial Times.
Concrètement, WhatsApp (propriété de Meta, ex-Facebook) a déployé ce mois de décembre des avatars 3D. Les utilisateurs ont la possibilité de créer des doubles personnalisés, avec des couleurs, des tenues, des accessoires et des expressions faciales.
De son côté, Google a racheté la start-up Alter, qui a mis au point une solution de création d'avatars à l'aide de technologies d'intelligence artificielle. Une acquisition qui s'élève à environ 100 millions de dollars.
Les avatars, stratégie pour entrer dans le métavers
Pourquoi cette ruée vers les avatars qui nous rendent plus beaux, plus grands et plus forts? Pour nous vendre du métavers, dont c'est une porte d'entrée. Il faut pouvoir aimer son double numérique pour l'utiliser.
Exemple: lors du lancement de Horizon Worlds, le métavers de Meta, son patron Mark Zuckerberg est devenu la risée d'Internet. Son avatar, un tronc sans jambes, avec en arrière-plan la Tour Eiffel et la Sagrada Familia, semblait être dessiné à la main.
Mais on ne plaisante pas avec le metavers. Très réactif, Mark Zuckerberg a annoncé une refonte graphique majeure, afin de garder le contrôle de la communication: les avatars auront des jambes. Les avatars (et leurs jambes) sont donc un enjeu stratégique.
Un monde de filtres
Pendant longtemps, la représentation de l’être humain visait à la ressemblance. On a toujours admiré des peintures fidèles à la réalité. Mais à l'époque des filtres Instagram et Snapchat, l'obligation du réalisme disparaît. Les représentations de soi sont de moins en moins réalistes.
Doucement mais sûrement, l'IA générative et ses applications ont réussi à imposer cette culture de l'image "altérée". Le salut du métavers passera, peut-être, par le succès visuel des avatars. Un bon avatar est un avatar auquel on adhère.
Le monde numérique nous offre la possibilité de créer une identité qui n'est pas nécessairement liée à notre vécu personnel, ou à notre véritable personnalité. Grâce à des doubles numériques, nous n'aurons plus besoin de chercher une meilleure version de nous-mêmes dans la vie réelle. Rendez-vous pris dans le métavers, dans quelques années.
Miruna Coca-Cozma