C'était le dernier jour sur le terrain... le 5 janvier: "Nous nous apprêtions à rentrer, lorsque nous avons repéré cette pièce: on avait du mal à y croire", se souvient la Professeure Maria Schönbächler, jointe au téléphone par RTSinfo. "C'était vraiment excitant! C'est comme trouver une grosse pépite lorsque vous cherchez de l'or", rajoute la géologue de l'EPFZ, pour qui il s'agissait de son premier voyage en Antarctique.
"Vu son aspect, il n'y avait aucun doute: c'était bien une météorite et non un rocher de moraine". Impossible de se tromper, avec sa couleur et sa croûte de fusion, due à son entrée dans l'atmosphère terrestre.
"Trouver une météorite plus grosse que la taille d'un poing est extraordinaire", souligne-t-elle. En Suisse, seules onze météorites ont été trouvées depuis 2018 et il est bien plus difficile de repérer ces rocs noirs dans nos prairies, forêts et montagnes que sur un désert de glace ou de sable.
Plus de 40'000 météorites ont été trouvées en Antarctique: "Certaines peuvent peser jusqu'à vingt kilos", note la scientifique: "La nôtre est la 105e en taille".
Des éléments de formation de la Terre
L'équipe de recherche s'est rendue en Antarctique du 11 décembre au 11 janvier, explorant le potentiel de plusieurs régions sur la base d'images prises par satellite: il s'agit d'y repérer des champs de "glace bleue", là où les glaciers millénaires affleurent en surface, avec juste une fine particule de neige, soufflée par les vents (lire encadré).
"Les météorites sont les choses les plus vieilles que l'on peut trouver sur Terre", précise Maria Schönbächler: "Elles proviennent de la ceinture d'astéroïdes qui se trouve entre Mars et Jupiter, là où une autre planète aurait pu se former. Mais l'attraction de Jupiter étant trop forte, cela n'a pas été le cas". Des météorites de ce genre sont en somme des blocs de construction de notre Terre: "C'est très intéressant à étudier, même si c'est de la chondrite ordinaire", soit les plus fréquentes des météorites qui tombent sur notre planète.
D'autres trouvailles
Les scientifiques ont trouvé au total cinq météorites, probablement aussi de la chondrite. L'une était plus intrigante et pesait environ 150 grammes: "Elle est très dense et est différente de par sa forme, notamment. Nous ne savons pas encore de quoi elle est composée", explique la chercheuse de l'Institut de Géochimie et Pétrologie.
Celle de 7,6 kilos a été envoyée congelée en Belgique à des fins d'analyses. Elle y sera décongelée sous des conditions contrôlées, car "les météorites contiennent des métaux qui rouillent rapidement", précise Maria Schönbächler: "En la ramenant à température ambiante très lentement, aucune eau ne se formera qui pourrait la corroder".
La pièce sera ensuite datée. Elle pourrait avoir plus de quatre milliards d'années.
Stéphanie Jaquet et l'ats
Des trésors recrachés par les glaciers
Cinq des six météorites ont été découvertes sur une zone plutôt petite, ce qui est inhabituel: "La Terre ne voit tomber au sol qu'environ une à deux météorites par an", rappelle Maria Schönbächler.
Une fois tombées au sol, ces pièces sont englouties par les glaces de l'Antarctique où elles restent enfermées parfois pendant des dizaines de milliers d'années. Au fil du temps, le vent érode l'eau gelée et les météorites refont surface. Elles sont ensuite retrouvées sur la glace bleue ou dans le pierrier des moraines.
Précautions et congélation
Lorsque l'équipe de recherche a repéré cette grosse météorite, elle a immédiatement pris des précautions pour la préserver au maximum avant qu'elle puisse être étudiée.
"Nous ne l'avons pas touchée avec nos mains et l'avons emballée dans une feuille d'aluminium, puis dans des sacs en plastique", raconte Maria Schönbächler tout en précisant qu'il a ensuite fallu garder le précieux rocher congelé jusqu'à son arrivée à Bruxelles.