Deux engins d'observation à proximité de la deuxième planète du Système solaire en même temps, cela n'arrive pas tous les jours! Notamment parce que Solar Orbiter, comme son nom l'indique, a été prévu pour l'étude de notre astre solaire, et BepiColombo est en route pour un voyage de sept ans dans le but d'aller observer Mercure (lire encadré).
Synergie scientifique
Ces deux vaisseaux bénéficient de l'assistance gravitationnelle des planètes pour se propulser dans l'espace et arriver à bonne destination: c'est pourquoi ils se sont retrouvés les 9 et 10 août 2021 dans les environs proches de Vénus. L'occasion d'envoyer sur Terre des observations capturées en synergie depuis deux points de vue différents: des scientifiques d'Europe et du Japon en ont tiré une étude publiée dans Nature Communications mi-décembre.
L'idée était d'étudier la "région de stagnation", une zone très peu explorée (en rouge sur l'illustration) située sur le devant de la magnétosphère, là où certains des effets les plus importants de l'interaction entre Vénus et le vent solaire sont notés. Cette zone s'étend à une large distance de 1900 kilomètres au-dessus de la surface de la planète – ce à quoi les astronomes ne s'attendaient pas.
Une magnétosphère induite
Notre Terre possède un champ magnétique intrinsèque qui la protège du vent solaire et du rayonnement cosmique; Vénus, elle, n'en a pas.
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En revanche, une "magnétosphère induite" (en rose) est créée autour d'elle grâce à l'interaction du vent solaire (la flèche blanche) – un flux de particules chargées émises par le Soleil – et des particules électriquement chargées qui se situent dans sa haute atmosphère, la ionosphère: c'est une barrière stable qui protège l'atmosphère vénusienne d'une érosion par le vent en provenance de notre étoile.
Autour de cette bulle magnétique, le vent solaire est considérablement ralenti, chauffé et dévié comme le sillage d'un bateau dans une région appelée "magnétogaine" (en jaune, "magnetosheath" en anglais).
Cette découverte, qui est contraire aux prédictions précédentes, jette un nouvel éclairage sur le lien entre les champs magnétiques et la perte atmosphérique due au vent solaire: "L'efficacité d'une magnétosphère induite pour aider une planète à conserver son atmosphère a des implications pour la compréhension de l'habitabilité des exoplanètes sans champs magnétiques générés en interne", explique la coautrice de l'étude, Sae Aizawa, de l'Institut des sciences spatiales et astronautiques (ISAS) de la JAXA, l'agence spatiale japonaise.
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Stéphanie Jaquet
Le ping-pong planétaire de deux sondes
BepiColombo effectuera en tout neuf manœuvres d'assistance à la gravité: une de la Terre, deux de Vénus et six de Mercure. Puis la sonde entrera en orbite autour de Mercure, la planète la plus intérieure du Système solaire, en décembre 2025.
Solar Orbiter effectuera de nombreux survols de Vénus avec assistance gravitationnelle afin de la rapprocher du Soleil et d'incliner son orbite pour observer notre étoile sous différents angles.
En 2025, le vaisseau effectuera son premier passage solaire avec une inclinaison de 17°, puis de 33° à la fin de la décennie, ce qui permettra de voir directement une plus grande partie des régions polaires. Solar Orbiter sera alors en mesure de prendre les premières images des régions polaires du Soleil, ce qui est crucial pour comprendre le fonctionnement de notre astre, pour étudier la connexion Soleil-Terre et pour mieux prévoir les périodes de tempête dans l'espace.
>> Une page interactive de l'ESA pour voir où se trouve la sonde solaire: Where is Solar Orbiter