Pour définir une heure lunaire, il y a un problème: là-haut, le temps ne s'écoule pas tout à fait au même rythme qu'ici-bas à cause d'un principe découvert par Albert Einstein.
"Selon la théorie de la relativité, plus la gravité est forte, plus le temps va lentement", explique Fabien Droz, ingénieur responsable pour les instruments scientifiques au Centre suisse d'électronique et de microtechnique (CSEM), à Neuchâtel. "Sur la Lune, la gravité est plus faible, donc le temps ira un peu plus vite", ajoute-t-il vendredi dans La Matinale.
Pas de quoi faire vieillir trop prématurément d'hypothétiques occupantes ou occupants d'une future base lunaire. Ce décalage de champ gravitationnel comporte d'autres implications: "Là, sur une journée, on va parler de microsecondes. Donc à l'échelle de la biologie humaine, c'est complètement négligeable; mais ça ne le sera pas pour les systèmes de navigation ou de télécommunication", précise celui qui fait partie de l'équipe ayant développé les horloges atomiques au cœur du système de géolocalisation européen Galileo.
"Temps lunaire unifié"
Pour pouvoir établir un système de GPS pour les futures missions, par exemple, ou pour les expériences scientifiques, il est important de savoir l'heure très précisément. Par conséquent, les agences spatiales et autres instituts de métrologie planchent actuellement sur la manière de mettre en place un temps lunaire unifié (lire encadré).
Jusqu'ici, chaque mission avait son heure à elle, calée sur celle de la Terre, le temps universel coordonné (UTC). Mais, outre l'absence de coordination entre les différents acteurs, plus il y aura de monde sur notre satellite, plus il deviendra difficile de couvrir tous les besoins depuis notre planète.
L'alternative serait de fixer un temps lunaire indépendant, déterminé à partir d'au moins trois horloges atomiques, soit à la surface de la Lune, soit en orbite autour d'elle: un algorithme combinerait ensuite leurs données pour générer un garde-temps virtuel.
Fabien Droz fait le parallèle avec le XIXe siècle, quand le train et le télégraphe ont poussé Terriennes et Terriens à synchroniser leurs montres: ou quand la technique a des exigences de ponctualité qui dépassent largement les nôtres.
Sujet radio: Lucia Sillig
Article web: Stéphanie Jaquet
Un système de navigation par satellite dédié à la Lune
Le besoin le plus pressant de temps lunaire provient des projets de création d'un système mondial de navigation par satellite (GNSS) dédié à la Lune, similaire à la façon dont le GPS et d'autres réseaux de navigation de ce type permettent un suivi précis de la localisation sur Terre.
Les spécialistes estiment qu'une horloge lunaire gagnerait environ 56 microsecondes par vingt-quatre heures. Par ailleurs, les aiguilles d'une montre changeraient subtilement de vitesse suivant sa position sur la surface de la Lune, à cause de la rotation de notre satellite. Un paradis pour les personnes expertes en relativité!
Les agences spatiales prévoient d'installer ce GNSS lunaire à partir de 2030 environ. L'Agence spatiale européenne (ESA) a approuvé un projet appelé Moonlight lors de son conseil ministériel des 22 et 23 novembre 2022 à Paris.
La NASA a établi un programme similaire, appelé Lunar Communications Relay and Navigation Systems (LCRNS), en janvier dernier.
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