La masse de Sagittarius A* (Sgr A*) représente 4,3 millions de fois celle de notre Soleil et, à la grande surprise des astronomes, une étoile juvénile a été observée dans son voisinage hostile. Elle a été nommée X3a.
C'est un objet très lourd – sa masse avoisine quinze fois celle de notre Soleil et sa taille dix fois celui-ci – et particulièrement jeune qui a été détecté si près du trou noir supermassif logé au centre de notre galaxie.
Âgée de seulement quelque 10'000 ans, ou à peine plus, elle est donc plus récente que l'Humanité elle-même. X3a est aussi extrêmement brillante: 24'000 fois la luminosité du Soleil.
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Une étoile impossible
Or il est en principe impossible de former des étoiles si près d'un trou noir à cause des forces de marée qui la déchireraient en lambeaux, stoppant donc sa vie: "Les conditions pour former des étoiles dans un lieu si hostile ne sont pas du tout favorables", précise l'astrophysicien Marc Audard, maître d'enseignement et de recherche à l'Observatoire Astronomique de l'Université de Genève, qui n'a pas participé à cette recherche.
Cet emplacement est aussi caractérisée par des processus hautement dynamiques et des rayonnements X et UV durs: des conditions qui agissent précisément à l'encontre de la formation d'étoiles comme notre Soleil.
Longtemps, les scientifiques ont pensé que – sur des périodes de plusieurs milliards d'années – seules de vieilles étoiles évoluées avaient la capacité de se fixer par friction dynamique dans le voisinage d'un trou noir supermassif. La présence d'un jeune astre à cet endroit est un défi pour comprendre non seulement la formation stellaire, mais aussi le fonctionnement des trous noirs.
Le "paradoxe de la jeunesse"
Pour expliquer cette présence là où, justement, elle ne devrait pas exister, les spécialistes imaginent que cette bébé-étoile s'est formée dans un anneau de gaz et de poussière qui orbitait Sgr A*, puis qu'elle a plongé vers l'intérieur du fort champ gravitationnel, jusqu'à son orbite actuelle, après sa formation (lire encadré).
"Il s'avère qu'il existe une zone, à une distance de quelques années-lumière du trou noir, qui remplit les conditions pour la formation d'étoiles. Cette région, l'anneau de gaz et de poussière, est suffisamment froide et protégée des radiations destructrices", explique dans un communiqué le Dr Florian Peißker, premier auteur de l'étude qui vient d'être publiée dans The Astrophysical Journal.
Ce nuage, très dense, se serait effondré sur lui-même à cause de sa propre gravité en créant une ou plusieurs proto-étoiles: "Selon cette étude, les interactions entre les proto-étoiles, le fort champ gravitationnel du trou noir et le rayonnement environnant ont provoqué une perte de moment angulaire et déstabilisé l'astre de son orbite et c'est à ce moment que X3a est tombée vers Sgr A*", note Marc Audard.
Il y a vingt ans déjà, de très jeunes étoiles très brillantes avaient été détectées à la proximité immédiate de Sagittarius A*, sans que leur formation soit vraiment claire. Leur occurrence, si proche d'un trou noir supermassif, a été appelée "le paradoxe de la jeunesse".
"L'observation de ces jeunes étoiles massives a permis de comprendre qu'il y avait effectivement un trou noir supermassif au centre de la Voie lactée", souligne Marc Audard tout en rappelant: "C'est ce qui a valu le Prix Nobel de Physique en 2020 à Reinhard Genzel et Andrea Ghez, ainsi qu'à Roger Penrose!"
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Quant à la jeune X3a, il se pourrait qu'elle ne vive pas sa vie de plusieurs millions d'années, vu sa proximité avec notre trou noir supermassif: "C'est peu probable, en effet", conclut celui qui est aussi le secrétaire général de la Société européenne d'Astronomie (EAS) et vice-président de la Société suisse d'Astrophysique et d'Astronomie (SSAA/SGAA). D'autres de ses semblables pourraient suivre le même destin car elles se sont formées au même endroit de l'Univers.
Des observations sont d'ores et déjà planifiée avec le télescope spatial James Webb, ainsi qu'avec l'Extremely Large Telescope (ELT) de l'ESO au Chili, pour tester les modèles de formation stellaire de notre Voie lactée et ailleurs dans l'Univers.
Stéphanie Jaquet
Mécanisme de formation stellaire
La formation stellaire n’est pas encore complètement comprise par les scientifiques, mais l’on sait que certaines conditions doivent être réunies.
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Une étoile se forme dans un nuage moléculaire dense et froid dans l’espace lorsqu’un morceau plus dense s’effondre sur lui-même, en tournoyant, sous l’effet de sa propre gravité. Ce phénomène contribue à attirer gravitationnellement vers lui plus de matériel du nuage : c’est la genèse d’un astre.
L’étoile X3a a commencé sa migration vers Sagittarius A* alors qu’elle était encore entourée de matériel générant sa croissance. En ce moment, elle est encore dans cette phase, au milieu de matériel lui servant à arriver à maturité.
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