La firme Starlink d'Elon Musk va combler les zones blanches du réseau mobile en Suisse
Dans sa ferme située à Hägendorf, dans le canton de Soleure, l'agriculteur Roman Nussbaumer ne parvient pas à se connecter au réseau de téléphone mobile. Il vit pourtant à deux pas de l'autoroute qui relie Berne et Bâle, avec son père, sa femme, ses quatre enfants et 30 vaches laitières.
En cas d'urgence, une seule solution: monter dans sa voiture et rouler jusqu'au tunnel autoroutier. Juste à côté, il y a de nouveau du réseau. "Il est possible de vivre avec un tel problème. Mais quand les choses deviennent sérieuses et qu'on ne peut plus communiquer, on se sent isolé", témoigne-t-il samedi dans le 19h30 de la RTS.
De nombreuses "zones blanches" en Suisse
Roman Nussbaumer n'est pas seul dans ce cas. En Suisse, de nombreuses zones sont sans réseau. Et pas seulement en haute montagne.
"Aujourd'hui, on couvre 99,9% de la population. Mais il reste les montagnes ou les zones très difficiles d'accès, sur lesquelles aujourd'hui il n'y a pas de connectivité. L'objectif est de compléter notre couverture. Cela peut servir dans des cas d'extrême urgence. Quelle que soit la situation, vous pourrez avoir une connectivité totale. C'est une vraie innovation technologique", souligne le directeur général de Salt Franck Bernard.
"L'innovation technologique" sera possible dès 2024, grâce à un partenariat avec l'entreprise américaine SpaceX d'Elon Musk et son système de satellite Starlink. Celle-ci fournit des accès à internet via ses 3200 satellites placés en orbite terrestre basse. A terme, la constellation devrait même atteindre les 42'000 satellites.
Dans un premier temps, seuls les échanges par sms via Starlink seront possibles. Mais des satellites de nouvelle génération arriveront bientôt. Et le nombre croissant de satellites en orbite permettra d'augmenter la bande passante et rendra possibles les appels, ainsi qu'une connexion à internet dès 2025.
Connecté aussi dans le désert du Nevada
Les satellites ne remplaceront pas les antennes en Suisse, ils viendront seulement combler les trous. Mais le partenariat avec Starlink ne s'arrêtera pas en Suisse, il fonctionnera aussi à l'étranger, en bénéficiant de la connexion des autres partenaires de Starlink. "Par exemple, si demain notre client se promène dans le désert du Nevada, il aura aussi de la connectivité via l'opérateur T-Mobile aux Etats-Unis, qui a fait le même partenariat avec Starlink. Et ça, c'est la vraie innovation technologique", souligne Franck Bernard.
Interrogée sur les raisons qui ont poussé SpaceX à venir en Suisse, l'entreprise américaine s'est contentée d'une réponse laconique par écrit: "Nous sommes contents de venir travailler en Suisse pour fournir une couverture totale du terrain et de la topographie difficile de ce pays."
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Les données privées restent en Suisse
Pour les clients, cela ne changera rien, du moins d'un point de vue technologique. Un randonneur sur un glacier continuera d'utiliser son téléphone normalement pour accéder à cette nouvelle connectivité. En revanche, d'un point de vue commercial, cette technologie sera probablement payante, à moins de faire partie des clients premium.
Quant aux données des clients, Frank Bernard précise que Salt a incorporé dans le contrat de partenariat avec Starlink une notion issue de la loi suisse sur la protection des données: "Les données privées de nos clients sont conservées et protégées par Salt et ne sont jamais partagées avec des partenaires."
Un gâchis pour l'observation de l'Univers
Envoyer des satellites pour connecter les 2% de Suissesses et de Suisses qui n'ont pas accès au réseau, est-ce bien raisonnable? Pas vraiment, estime Xavier Studer, expert en nouvelles technologies: "Cela a un coût environnemental, avec beaucoup de satellites qui seront placés en orbite. D'autant qu'aujourd'hui, il existe déjà des solutions alternatives au satellite pour téléphoner ou pour surfer sur internet."
Pour les observateurs de l'Univers, les satellites constituent déjà une gêne pour les observatoires au sol, mais leur nombre croissant gâcherait aussi désormais 6% des observations des télescopes spatiaux, selon une étude publiée début mars dans Nature Astronomy.
Delphine Gianora, Feriel Mestiri
Plusieurs concurrents de Starlink
La firme d’Elon Musk Starlink n'est pas la seule à disposer de constellations de satellites en basse orbite pour fournir internet. Si elle reste la plus avancée dans ce domaine, d'autres acteurs privés et publics proposeront bientôt une réelle concurrence.
Parmi eux, OneWeb, détenue par le gouvernement britannique, le conglomérat indien Bharti Global et la société de télécommunication satellitaire Eutelsat. Les satellites sont envoyés en orbite avec les fusées Soyouz russes.
Le projet Kuiper, annoncé par Jeff Bezos, le PDG d'Amazon, prévoit l'envoi de plus de 3000 appareils d'ici à 2029.
Les firmes russe Sfera et chinoise Guowang prévoient elles aussi le lancement de dizaines de milliers de satellites pour leur marché.
L'Union européenne a de son côté lancé le projet Iris, une constellation de satellites destinés à garantir la souveraineté technologique des Etats membres. Les premiers services seront fournis en 2024.