Quelle place pour les IA dans le monde du travail?

Avez-vous déjà envisagé la possibilité qu'un outil d’intelligence artificielle comme ChatGPT, capable de générer du texte, puisse vous remplacer dans certaines tâches professionnelles ? L’émergence de cette technologie pourrait avoir un impact considérable sur de nombreux secteurs d’activité, y compris l’emploi. Notre magazine 15 Minutes s'y est intéressé.

Après la robotisation dans l’industrie, les travailleurs de bureau sont désormais concernés, ainsi que les métiers créatifs tels que les écrivains. Alors que les premiers livres écrits par ordinateur font leur apparition sur le marché, le monde de l’édition commence à s’interroger.

Selon le poète Makenzy Orcel, présent au Salon du livre de Genève: "C’est le mouvement du monde! C’est un outil et cela doit rester un outil. L’écriture est bien plus que cela. C’est une mémoire, une société, un vécu, une profondeur et un travail sur la langue. Ce travail ne peut être accompli que par nous. Nous ne pouvons pas l’abandonner à une application."

Pour les éditeurs, une nouvelle question se pose: comment savoir si une intelligence artificielle a contribué à l’écriture d’un texte ? David Gressot, éditeur chez Actes Sud, admet que c’est une question complexe: "Je vous l’avoue. C’est une vraie question. Ce n’est que le début."

>> Ecouter le reportage de 15 Minutes :

Christian Beutler - KEYSTONE

Pression sur la société

L’impact de ces nouvelles intelligences artificielles sur l’emploi et le monde du travail est étudié par Rafael Lalive, professeur HEC à Lausanne. Il a codirigé une étude publiée l’an dernier avec l’EPFL sur les métiers menacés par l’automatisation.

En 2022, les résultats étaient impressionnants: en moyenne, 62% des compétences exigées pour un travail pouvaient être remplacées par des robots. Aujourd'hui, ce chiffre est passé à 67%, selon les derniers calculs du professeur Rafael Lalive. Les métiers que l’on croyait protégés contre l’automatisation sont également touchés.

"Cette nouvelle technologie peut être vue comme une bonne nouvelle. Elle permet de mieux faire les tâches actuelles. Mais elle a aussi un côté négatif, car elle exerce une pression sur la société. Elle force à s’adapter. L’État et le système éducatif doivent accompagner cette évolution et mettre des règles", estime Rafael Lalive.

L'évolution des traducteurs

Au département de traduction de l’Université de Genève, les traducteurs ont dû faire face à la pression exercée par les intelligences artificielles sur leur métier. Google Translate et DeepL sont désormais des outils de traduction utilisés par le grand public et les entreprises.

Elisa Ruckstuhl, doctorante, explique: "Cela fait quelques années qu'on se sent un peu submergés. Les gens nous disent que nous ne servons à rien, car la traduction automatique fonctionne très bien".

Les traducteurs ont dû se réinventer et créer un nouveau métier: post-éditeur. Ce travail consiste à relire et réécrire un texte produit par une intelligence artificielle. "Un bon traducteur sera toujours au-dessus de la machine, à mon avis", estime Mathilde Fontanet, codirectrice du département de traduction de l’Université de Genève

Selon elle, "il est important d’être solidaires et d’utiliser ces outils extraordinaires intelligemment. Sensibilisons notre entourage à la valeur ajoutée de l’humain".

>> Ecouter aussi l'interview d'Aude Billard, professeure à l'EPFL, spécialiste de la robotisation et de l'intelligence artificielle :

Guillaume Rey, Pascal Wassmer