Ce syndrome se produit lorsqu'un adulte secoue un nouveau-né. La fréquence de ce phénomène est souvent sous-estimée, car seules les situations graves, qui aboutissent à une hospitalisation ou à un décès, sont identifiées. En Suisse, une dizaine de nourrissons meurent de cette maltraitance chaque année.
Dans l'un des extraits de la campagne, on peut entendre Jeanne, une maman de 30 ans, témoigner de la difficulté à garder son self-contrôle face aux pleurs persistants de sa fille: "Je ne savais plus quoi faire. Du coup, j'ai mis Agathe dans son lit en sécurité, (...) j'ai mis un casque sur les oreilles avec de la musique, puis j'ai écrit à des copains pour qu'ils viennent me retrouver, car j'étais à bout".
Invité lundi dans l'émission CQFD de la RTS, Tony Fracasso, médecin légiste responsable de l'Unité romande de médecine et imagerie forensiques au Centre universitaire romand de médecine légale, est l'initiateur de cette campagne. Il rappelle que les agacements, liés aux pleurs d'un bébé sont légitimes, mais il faut absolument éviter de secouer un nourrisson, ne serait-ce que brièvement.
Un geste déplacé souvent lié aux coliques du soir
Avant de reprendre un nouveau-né dans ses bras, il est impératif de retrouver son calme. En cas de perte de sang-froid, de montée de colère, Tony Fracasso recommande de demander de l'aide, par exemple en appelant un ami ou un proche et aussi de laisser le bébé pleurer dans son berceau, puis de ne revenir que 20 minutes plus tard, une fois calmé, pour voir si la situation s'améliore.
En Suisse, les victimes de ce syndrome sont souvent âgées de moins d'une année, dans les deux tiers des cas elles ont moins de six mois, avec un pic entre le premier et le deuxième mois de leur vie. A cet âge-là, certain nouveau-nés "pleurent jusqu'à plusieurs heures par jour, on les appelle les pleurs inconsolables ou encore les coliques du soir", explique le médecin légiste. "Un parent ou une personne en charge d'un enfant peut être atteint d'épuisement et avoir un geste déplacé".
L'impression d'un immense gâchis
Lors d'une secousse extrêmement rapide et très courte, les risques qu'un bébé décède sont de 15 à 23%. Quelques instants peuvent définitivement bouleverser la vie de l'enfant et de tout son entourage. "Pendant ma carrière, j'ai malheureusement eu affaire à quelques cas de bébés secoués dont certains étaient décédés. A chaque fois, j'avais l'impression d'un immense gâchis consécutif à un geste d'un instant", témoigne Tony Fracasso.
"C'est trois fois rien, mais les tout petits n'ont pas encore une musculature du cou qui leur permet d'absorber un simple choc", explique le médecin. A l'intérieur de la boîte crânienne, le cerveau du nouveau-né se cogne comme lors d'un accident de voiture, dans un choc équivalent à la chute d'un étage élevé d'un immeuble.
La moitié des enfants secoués ne sont pas détectés
Selon le légiste, lors d'autopsies de ces décès, les lésions qui apparaissent ne laissent aucun doute sur les causes de la mort. De tels diagnostics ne sont jamais posés à la légère, il s'agit toujours d'un long travail pluridisciplinaire.
Parmi les enfants qui survivent à ces chocs, 64% gardent des séquelles, dont 50% sont sévères. Les changements de réactions des bébés devraient alerter les parents, souligne Tony Fracasso. "Dans les formes que l'on appelle subaiguës ou chroniques, (...) les enfants ont des symptômes assez vagues." Ils peuvent être atteints d'irritabilité, une variation sur des courbes de croissance ou encore des courbes de la tête peuvent aussi apparaître.
On estime qu'à peu près la moitié des enfants secoués ne sont pas détectés. Dans le cadre de la campagne de sensibilisation, un site de prévention a été créé.
Sujet radio: Anne Baecher
Adaptation web: Miroslav Mares