Les scientifiques de l'arc lémanique ont reçu un mandat de l'Agence d'exploration aérospatiale japonaise (JAXA) pour mener ce travail d'analyse. L'étude de ces petits morceaux de poussière d'astéroïde est une remontée dans le temps. Grâce à elle, chercheuses et chercheurs espèrent approfondir leur compréhension du cycle de l'eau et du soufre dans le Système solaire primitif.
Ryugu est en effet le témoin de l'époque où le Système solaire et les planètes se sont formées. Les échantillons prélevés à la surface de l'astéroïde sont dans un état de conservation unique et sont une mine d'informations pour la recherche. Ils permettront peut-être de répondre à la question de la provenance de l'eau sur la Terre et donc, peut-être, de la vie!
Cette poussière qui sera étudiée à Lausanne et à Genève, reçue dans un colis postal, provient des 5,4 grammes de l'astéroïde Ryugu qui ont été ramenés, en 2020, par la sonde spatiale japonaise Hayabusa 2. L'objet céleste de 900 mètres de diamètre, qui fascine tant les scientifiques, est situé à 300 millions de kilomètres de la Terre et est âgé d'environ 4,6 milliards d'années.
Les météorites du même type que Ryugu que l'on peut retrouver sur Terre sont passées par l'atmosphère: "Elles sont chauffées extrêmement fortement et potentiellement contaminées. Si elles restent longtemps sur un glacier ou dans un désert, elles peuvent aussi subir une altération", explique la professeure Johanna Marin Carbonne de la Faculté des Géosciences et de l'Environnement de l'UNIL.
Obtenir même de la poussière de cet astéroïde est fantastique: "Là, on a un matériel qui n'a jamais été en contact avec une atmosphère. Il a été prélevé puis scellé et uniquement ouvert dans les laboratoires", note-t-elle au micro de CQFD.
"Des briques nécessaires à la vie"
De nombreuses études sont déjà en cours dans le monde sur ces particules de poussière venues de l'espace. Il s'agit d'obtenir des informations sur la formation du Système solaire et des planètes et même sur l'origine de la vie. Une des recherches a ainsi révélé la présence sur Ryugu "de briques de base nécessaires à la vie". "Cet astéroïde est unique, car il a la composition d'une classe de météorites qu'on appelle les chondrites carbonées qui ont la composition la plus proche du Soleil", précise la chercheuse dans une vidéo de l'UNIL.
Les deux échantillons, inclus dans une résine époxy, qui ont été confiés à l'UNIL et au Muséum d'Histoire naturelle de Genève sont minuscules. Leur taille est d'environ 50 à 200 micromètres, soit à peu près dix fois le diamètre d'un cheveu humain, qui mesure environ 80 microns. Cette poussière d'astéroïde sera analysée avec la sonde ionique SwissSIMS, dans les locaux de l'UNIL. De tous petits trous sont faits avec ce spectrogramme de masse; les échantillons seront donc rendus quasiment inaltérés.
L'eau et le soufre
L'évolution du soufre et la nature de l'eau sont les points principaux des études qui seront effectuées en Suisse romande par des spécialistes en géoscience. L'idée est de tenter de reconstituer la composition de l'eau la plus ancienne de Ryugu et de voir si cette eau est comparable à celle qui se trouve sur la Terre. L'eau aurait en effet pu être amenée sur Terre par les astéroïdes.
"L'astéroïde est un agrégat de poussières qui est constitué de plein de minéraux dont certains contiennent du soufre: on les appelle des sulfures. On peut mesurer précisément leur composition et savoir exactement comment ils se sont formés", décrit Johanna Marin Carbonne. "La grande question, pour nous, est de savoir si on a des sulfures qui se sont formés au moment de l'agrégation de l'astéroïde Ryugu, au tout début de la formation du Système solaire". L'analyse de la composition du soufre permettra de comprendre aussi la formation des atmosphères.
On va mesurer l'eau et voir si elle a la composition du Soleil ou du gaz pré-solaire.
Dans les bonnes conditions, de la glace et de la poussière s'agrègent au moment où commence à se former un système autour d'une étoile: "On a un gaz de poussière et d'eau qui est très chaud, avec des différences de température". Dans certains environnements, les deux se collent en quelque sorte ensemble.
"Ryugu s'est formé assez loin du Soleil, mais après il s'est approché du Soleil et, donc, la glace a fondu, cela a fait de l'eau. Nous voulons regarder les effet de cette eau sur les minéraux". Pour mesurer la quantité d'eau à l'échelle totale de l'échantillon, les scientifiques ont regardé la composition en hydrogène, puisque l'eau est constituée de deux atomes d'hydrogène et d'un atome d'oxygène (H2O).
Les phosphates sont aussi analysés, car ils se forment très tôt dans l'astéroïde et peuvent contenir de l'hydrogène et d'autres éléments volatiles: "On va mesurer cette eau – en réalité ses éléments constitutifs – et voir si elle a la composition du Soleil ou du gaz pré-solaire". C'est toute l'histoire de l'eau qui va pouvoir être évoquée.
En Suisse, le projet conjoint de l'UNIL et du Muséum d'Histoire naturelle de Genève n'est pas le seul à avoir reçu des échantillons de Ryugu. L'EPFZ travaille aussi sur l'astéroïde. A noter encore que la moitié des 5,4 grammes parvenus sur Terre a été gardée pour les générations futures.
Stéphanie Jaquet et l'ats