Une équipe scientifique a réussi à avancer dans la compréhension d'un mécanisme complexe régulant la formation des embryons de souris aux premiers stades sans pour autant utiliser de petits rongeurs. Pour la première fois, un papier sur un sujet tel que l'embryogénèse a été publié mi-juin dans Nature Genetics sans expérimentation animale.
>> Lire aussi : Quand la mouche drosophile remplace la souris de laboratoire
Cela fait trente ans que le généticien Denis Duboule, professeur à l'EPFL, explore les mécanismes fondamentaux de l'évolution des mammifères dans son Laboratoire de Génomique du Développement.
Jusque-là, il n'avait jamais pu se passer d'expérience sur des animaux: "On commence à avoir des protocoles pour produire ce qu'on appelle des embryons synthétiques, des embryoïdes ou des pseudo-embryons, qui sont en fait des objets biologiques qui sont fabriqués entièrement à partir de cellules souches", explique-t-il au micro de La Matinale. "Quand on les agrège – on fait une petite boule avec elles –, très curieusement, ces cellules sont capables de s'auto-organiser en quelque chose qui ressemble beaucoup à un embryon".
Ce n'est pas un embryon qui pourrait ensuite devenir une souris ou un être humain, mais ce pseudo-embryon permet de faire de nombreuses expériences pour comprendre le fonctionnement du vivant.
Des alternatives aux animaux
Pour le généticien, ce n'est pas pour autant la fin des animaux de laboratoires: "C'est évident qu'on ne pourra pas s'en passer. Mais le problème n'est pas là. Il s'agit de pouvoir offrir des alternatives valables chaque fois que l'on peut s'en passer", souligne-t-il.
Ce modèle est de surcroît relativement simple et rapide à utiliser et meilleur marché que de vraies souris.
Il est nécessaire d'"essayer de mettre sur la place scientifique des alternatives qui poussent les scientifiques à se dire 'Pour cette expérience particulière, je n'ai plus besoin d'animaux: je peux le faire en organoïde, en embryoïde'. Les scientifiques s'engouffrent dans ces possibilités, dans tout ce domaine des organoïdes, des mini-cerveaux cultivés in-vitro".
Selon Denis Duboule, ce domaine est extrêmement prometteur: "Je suis beaucoup plus optimiste aujourd'hui que je ne l'étais encore il y a une dizaine d'années sur la possibilité d'utiliser ces systèmes alternatifs".
Le chercheur estime que de nombreux groupes de recherche pourront à moyen terme se passer d'expérimentation animale. Toutefois, pour l'heure, le modèle animal reste indispensable lorsqu'il s'agit de visualiser l'effet d'une molécule sur le système, notamment dans le cadre du développement de thérapies.
>> Lire aussi : Des neurones doués de sensations ont appris à jouer au jeu vidéo Pong
Sujet radio: Bastien Confino
Article web: Stéphanie Jaquet