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Les appareils d'imagerie médicale ont un impact néfaste sur l'environnement

Un patient est accompagné dans un IRM sous la surveillance de deux soignant.e.s. (CHUV, Lausanne, 23.08.22, image d'illustration) [Keystone - Gaetan Bally]
Imagerie médicale: quels impacts sur lʹenvironnement? / CQFD / 17 min. / le 22 juin 2023
Les outils d'imagerie médicale sont essentiels pour le dépistage et le diagnostic. Mais scanners et IRM ont aussi un impact néfaste sur l'environnement, car ils nécessitent l'utilisation de substances problématiques comme le produit de contraste injecté pour les examens d'IRM.

Les IRM (imagerie par résonance magnétique) et scanners sont utilisés depuis une quarantaine d'années dans le milieu médical. Ces outils ont permis des avancées majeures dans le dépistage et le diagnostic. Mais il y a un revers à cette médaille: ces outils consomment de l'énergie et polluent, notamment à cause du gadolinium utilisé dans le produit de contraste nécessaire aux examens.

Le gadolinium est un métal de la famille des terres rares. Son effet sur la santé humaine est très étudié, principalement à cause de certaines réactions allergiques. En revanche, son impact sur l'environnement commence seulement à être pointé du doigt.

Le gadolinium est présent dans l'électronique des téléphones portables ou des voitures par exemple. Et 5% de sa consommation mondiale concerne les appareils médicaux de radiologie. Le principal problème est que 85% de ce métal se retrouve, via les urines, dans les eaux usées. Cette terre rare n'est pas traitée dans les stations d'épuration et termine donc dans les rivières, les nappes phréatiques, les lacs et les océans.

L'impact sur la faune marine

Jean Alix Barrat, géochimiste à l'institut universitaire européen de la mer à Brest, a découvert un peu par hasard, en 2019, qu'une fois dans les océans, ce polluant s'accumule notamment dans les coquilles Saint-Jacques.

Pour le moment, il existe encore peu d'études concernant l'impact du gadolinium sur la faune marine. Il paraît en revanche évident que ce métal a un effet sur les organismes marins puisque, comme en témoignent les coquilles Saint-Jaques, la molécule s'y accumule. On ne sait par ailleurs rien de son action en mélange avec d'autres polluants dans la mer.

Pour Jean Alix Barrat, les traces de gadolinium que l'on trouve dans la mer peuvent perturber les activités enzymatiques des organismes et causer des dégâts. "Si les concentrations sont trop élevées, le développement de certaines larves peut être perturbé et cela peut être catastrophique pour une espèce", indique le géochimiste.

>> Les précisions du 12h30 :

Une unité mobile d'imagerie médicale à La Chaux-de-Fonds. [Keystone - Sandro Camprado]Keystone - Sandro Camprado
Les appareils d’imagerie médicale ont aussi un impact sur l’environnement / Le 12h30 / 2 min. / le 22 juin 2023

Un projet pour recycler le gadolinium

En 2021, suite à sa découverte, Jean Alix Barrat crée, avec le neuroradiologue Douraïed Ben Salem de l'hôpital universitaire de Brest, Megador, pour medical gadolinium recycling, en partenariat avec certains fournisseurs. Megador est une filière de récupération du gadolinium en milieu hospitalier. Lors d'une IRM, la dose injectée dépend du poids du patient. Le reste des doses non utilisées représente 15% de la consommation de gadolinium.

Avec leur projet, Jean Alix Barrat  et Douraïed Ben Salem récupèrent les doses inutilisées pour éviter le gaspillage. Mais le projet va plus loin, précise le géochimiste à la RTS: "Ce qui nous intéresse, ce sont les 85% de gadolinium restant: l'urine. Le reste du projet, c'est de trouver des processus pour récupérer la quantité d'urine la plus intéressante pour le retraitement, pour limiter la pollution."

Outre l'impact écologique, un problème d'approvisionnement de l'Europe en terres rares se pose. "Le gadolinium est une terre rare et on dépend de la Chine pour s'en procurer. D'une certaine manière, c'est un peu crétin de mettre des ressources à la poubelle", glisse Jean Alix Barrat.

En 2023, sur les 1100 services d'imagerie médicale IRM répertoriés en France, 500 sont impliqués dans le réseau de récupération du gadolinium inutilisé. Cela reste assez complexe à organiser, car sans législation contraignante, ce recyclage repose sur l'initiative des hôpitaux et des industriels. Et le travail pour extraire le métal des urines est en cours de développement.

Un problème en Suisse aussi

En Suisse, il suffit de consulter les rapports des stations d'épuration pour se rendre compte que le gadolinium est aussi bien présent. Au CHUV, par année, on injecte environ 500 litres de produit de contraste, selon les estimations de Patrick Vorlet, Chef TRM (technicien en radiologie médicale) adjoint du Département de radiologie médicale du CHUV. En extrapolant les calculs au canton de Vaud, Patrick Vorlet estime qu'environ 2500 litres de gadolinium sont utilisés par an.

Contrairement à la France, en Suisse, rien n'est fait pour récupérer le métal et gérer cette pollution à la source. "C'est vrai. Néanmoins, je suis assez confiant sur le fait que d'ici 2024, les fournisseurs de ces produits de contraste pourront nous proposer une solution", souligne Patrick Vorlet.

Sujet radio: Cécile Guérin

Adaptation web: Lara Donnet

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D'autres méthodes envisagées

D'autres méthodes sont envisagées pour se passer des produits de contraste gadolinés. "Il y a des recherches actuellement sur des nanoparticules. Mais cela va être encore long avant d'arriver sur le marché. Il existe aussi des produits de contraste à base de fer pour certaines indications, mais je pense qu'il faut surtout miser sur l'innovation technologique qui va utiliser peu ou pas de produit de contraste à l'avenir", explique Patrick Vorlet.

Si ces appareils ont impact sur l'environnement à cause de la pollution qu'ils engendrent et en raison de leur consommation d'énergie, ils sont cependant nécessaires pour sauver des vies. Pour Patrick Vorlet, la solution sera peut-être, à l'avenir, de réduire l'utilisation de l'imagerie médicale puisque, comme il le rappelle, "on estime à 25% les examens injustifiés en radiologie". "L'avantage, c'est qu'on ne peut faire que mieux", conclut le chef adjoint du Département de radiologie médicale du CHUV.

L'iode, l'autre polluant des produits de contraste

L'iode est aussi utilisé dans les produits de contraste principalement pour les machines qui fonctionnent avec des rayons X comme les scanners. A l'instar du gadolinium, l'iode n'est pas traité par les stations d'épuration. "Le volume utilisé est énorme, douze fois plus grand que pour le produit gadoliné", précise Patrick Vorlet.

L'Allemagne a testé le recyclage des urines des patientes et patients ayant ingéré des produits iodés. "Pendant quatre heures post-injection, on récolte les urines. Cela a permis de récupérer 75% des doses injectées initialement", explique Patrick Vorlet. Toutefois, si la solution semble simple, sa mise en place reste complexe.