Comment la recherche publique gagne-t-elle de l'argent grâce à ses inventions?
Chaque institution, comme les universités de Genève ou de Lausanne, les hôpitaux universitaires ou encore l’EPFL, dispose d’un office de transfert de technologie pour gérer l'utilisation commerciale de leurs inventions financées par de l'argent public.
"Le transfert technologique consiste à amener les résultats de recherche, souvent protégés par des brevets ou des droits d'auteurs dans le cas des logiciels, vers la société, des clients, des patients ou des utilisateurs finaux", explique Andrea Crottini, le directeur de l'office de transfert technologique de l'EPFL. "Nous ne sommes pas une entreprise. Nous avons donc besoin de sociétés qui fassent une translation des résultats de recherche vers les publics", développe-t-il.
Une entreprise par brevet
L’institution va trouver son compte dans cette "translation" grâce aux brevets, dont elle laisse l'usage à une seule entreprise contre rémunération. "Dans un accord de licence exclusive, la titularité du brevet reste à l'institution. L'entreprise a le droit exclusif d'exploiter commercialement le brevet", indique Andrea Crottini. Il ajoute que l'EPFL reçoit en général un premier paiement à la signature de l'accord, puis des paiements effectués en fonction des ventes de l'entreprise réalisées grâce à l'utilisation du brevet. Un pourcentage du chiffre d'affaires de la société est donc dédié à la rémunération du brevet.
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"Il y a à peu près 140 inventions par an, le premier dépôt en concerne entre 80 et 90. C'est un investissement assez conséquent pour l'école. Les frais varient entre 2 et 3 millions par an. On est déjà content si on arrive à avoir des retours à hauteur des dépenses. En réalité, le but principal de l'école n'est pas les revenus, mais le transfert de la technologie vers le public", souligne Andrea Crottini.
Part dans le capital-actions
Les entreprises qui utilisent un brevet d'une institution de recherche publique vont donc lui payer des royalties. Ne serait-il pas plus efficace d’avoir tout simplement des parts dans ces sociétés?
Ce cas de figure se présente notamment si la start-up est fondée par les scientifiques qui ont eux-mêmes inventé la technologie. Environ "40% des licences que nous signons chaque année vont à des start-up de l'EPFL", note d'abord Andrea Crottini. "L'école a le droit d'obtenir certaines actions – 10% du capital-actions - à la création de l'entreprise, pour, en cas de succès commercial, la revendre à une autre grande entreprise", précise-t-il ensuite.
Ce système a par exemple permis à l’Université de Stanford, aux Etats-Unis, de gagner beaucoup d’argent. Elle possédait 10% des parts de Google, qui a été inventé en son sein, et qu’elle a revendu pour 336 millions de dollars en 2005. Ce système dans lequel l’institution prend environ 10% de la start-up fonctionne presque pour toutes les structures romandes.
Le cas particulier du CHUV
Les scientifiques du CHUV sont, eux, soumis à un régime un peu différent, selon Alberto Schena, le directeur du bureau du transfert de connaissance et de technologie du l'institution hospitalière vaudoise.
"Ils n'ont pas le droit d'avoir un rôle exécutif dans la start-up et doivent déclarer toute part éventuelle dans celle-ci", note-t-il. "Nous ne sommes pas dans le même cas de figure que, par exemple, l'EPFL, où le professeur qui a développé la technologie peut être impliqué directement dans la start-up", précise-t-il.
Le CHUV veut ainsi éviter les conflits d'intérêt des médecins. "Il doit y avoir des déclarations chaque année de la part du chercheur, où il prouve qu'il ne met pas son implication dans la start-up en conflit avec ses publications scientifiques, qui doivent toujours primer. L'important pour l'institution est que la science ait de la valeur et ne soit pas impactée par ces participations dans des sociétés privées", argumente Alberto Schena.
Selon la loi vaudoise sur les participations de l’Etat à des personnes morales, le CHUV ne peut pas, en général, prendre de parts dans des sociétés privées. L’hôpital touche de l’argent uniquement avec les contrats de licence, mais pas en cas de revente de la start-up.
Bastien Confino/ami