Les développeurs d’intelligences artificielles génératives s'intéressent de plus en plus à un nouveau domaine: le conseil en investissement et en placements en bourse. Ces IA sont spécifiquement conçues pour créer du contenu à partir de données chiffrées ou textuelles.
En Suisse, il faut actuellement disposer d'environ 3 millions de francs sur son compte bancaire pour être certain de bénéficier d'un conseil individuel et personnalisé par un analyste financier expérimenté. Ces IA pourraient potentiellement rendre ce type de service accessible à tous.
Jan De Schepper, directeur des ventes et du marketing pour la banque en ligne Swissquote, confirme que la course technologique est lancée. "C'est vraiment le graal. Il y a plein d'acteurs qui travaillent sur cette piste. Nous avons des projets. On va dans cette direction."
Défis et limitations
Mais les défis sont encore nombreux. En 2010, Swissquote avait lancé un robot qui gère automatiquement vos investissements, selon un questionnaire personnalisé. Tant que le rendement est bon, il n'y a pas de problèmes.
Les difficultés surviennent quand les chiffres baissent. Les clients ont vu ce robot comme une boîte noire. "C'était difficile pour eux de comprendre pourquoi l'algorithme a vendu tel titre et pourquoi il a acheté celui-ci", explique Jan De Schepper.
Pour éviter d’encombrer le service client, il s’agit dans un premier temps de pouvoir simplement et rapidement expliquer les décisions prises par l’algorithme.
Le cadre réglementaire est aussi à prendre en compte. Étant donné la nature sensible de la finance, de nombreux enjeux se présentent, allant de la confidentialité des données et la protection contre les cyberattaques, jusqu'à la détection des fraudes et l'obligation d'informer. L'impact sur les marchés financiers ajoute encore à la complexité.
>> Vidéo d'un prototype développé par la Haute école de Suisse centrale:
"C'est beaucoup trop dangereux aujourd'hui d'aller se positionner en tant que banque sur ce terrain-là, avec un conseil formulé exclusivement par l'IA générative", souligne Maxime Charbonnel, responsable du digital à la BCV et membre du conseil d'administration de Swiss Fintech innovations.
En raison de problèmes tels que l'absence de traçabilité du raisonnement, l'invention de réponses (hallucination), et les biais potentiels lors de l'entraînement de l'IA, il est risqué pour une banque d'avoir un recours systématique à cette technologie pour conseiller des clients.
L'IA générative peut toutefois être utilisée en amont et en aval de la chaîne, pour collecter de l'information auprès du client et ensuite la transmettre à un moteur de règle ou à un humain qui formule le conseil sur la base des informations collectées, estime Maxime Charbonnel en citant l’étude "GPT pour le conseil financier" de la Haute école spécialisée de Suisse centrale (HSLU).
Utilisation par les analystes financiers
Dans les bureaux, les analystes financiers ont déjà recours aux IA génératives. En 2018, GPT ou Bert étaient utilisés pour collecter et analyser des données. Aujourd'hui, des analystes financiers utilisent ces IA génératives pour surveiller en temps réel les informations.
"Ça nous aide notamment à automatiser l'analyse de controverses au niveau de l'impact climatique ou des fraudes. C'est une activité qui pourrait prendre beaucoup de temps manuellement puisqu'il faudrait éplucher les nouvelles pour l'entièreté de notre portefeuille", explique Nicolas Jamet, analyste financier chez RAM AI.
Preuve de l’intérêt pour les IA génératives en finance, l’association suisse des analystes financiers propose en octobre une formation sur leur utilisation professionnelle.
Beaucoup plus d’informations, en moins de temps, sur différents marchés, avec différentes régulations. Bref, l’intelligence artificielle automatise de plus en plus de tâches.
Au détriment du travail humain? Le travail des analystes financiers est clairement dans le viseur. Le discours est toujours le même. L’IA ne remplace pas l’humain. C’est un outil qui améliore l’efficacité. Mais derrière cette vérité se cache une autre vision. Il y aura peut-être moins d’humain pour superviser ces outils.
Pascal Wassmer