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Le télescope James Webb célèbre sa première année dans l'espace

Vu la proximité de Rho Ophiuchi, le JWST a capturé beaucoup de détails de cette formation. Au centre, une cavité géante est creusées grâce à des photons ultraviolets par une seule étoile, S1, plus massive que le Soleil. La couleur jaune-orange provient de minuscules grains de suie appelés hydrocarbures aromatiques polycycliques. La grande bande verticale rouge est un écoulement protostellaire: des jets puissants de matière se produisant aux premiers stades de la formation des étoiles. L'ensemble de la structure rougeoie en raison de l'hydrogène moléculaire énergisé lorsque la matière des jets entre en collision avec le gaz interstellaire. [NASA, ESA, CSA - Greg Bacon (STScI)]
James Webb célèbre son 1er anniversaire avec une image spectaculaire / La Matinale / 24 sec. / le 13 juillet 2023
Un an après la publication de ses premiers clichés du cosmos, le télescope spatial James Webb (JWST) a livré une nouvelle image spectaculaire, capturant la naissance d'étoiles similaires à notre Soleil.

Des jets d'hydrogène rouges dominent la photo, provoqués par les étoiles naissantes jaillissant de leur cocon de poussière. Il s'agit de la région de formation d'étoiles la plus proche de la Terre, à 390 années-lumière, située dans le nuage de gaz Rho Ophiuchi. Petite, elle n'est pas particulièrement active par rapport à d'autres régions de formation d'étoiles bien connues.

Vu la proximité de Rho Ophiuchi, le JWST a capturé beaucoup de détails de cette formation. Au centre, une cavité géante est creusées grâce à des photons ultraviolets par une seule étoile, S1, plus massive que le Soleil. La couleur jaune-orange provient de minuscules grains de suie appelés hydrocarbures aromatiques polycycliques. La grande bande verticale rouge est un écoulement protostellaire: des jets puissants de matière se produisant aux premiers stades de la formation des étoiles. L'ensemble de la structure rougeoie en raison de l'hydrogène moléculaire énergisé lorsque la matière des jets entre en collision avec le gaz interstellaire. [NASA, ESA, CSA - Greg Bacon (STScI)]
Vu la proximité de Rho Ophiuchi, le JWST a capturé beaucoup de détails de cette formation. Au centre, une cavité géante est creusées grâce à des photons ultraviolets par une seule étoile, S1, plus massive que le Soleil. La couleur jaune-orange provient de minuscules grains de suie appelés hydrocarbures aromatiques polycycliques. La grande bande verticale rouge est un écoulement protostellaire: des jets puissants de matière se produisant aux premiers stades de la formation des étoiles. L'ensemble de la structure rougeoie en raison de l'hydrogène moléculaire énergisé lorsque la matière des jets entre en collision avec le gaz interstellaire. [NASA, ESA, CSA - Greg Bacon (STScI)]

Cette image, qui contient environ cinquante jeunes étoiles d'une taille similaire à notre Soleil, "nous permet d'être témoins avec une nouvelle clarté d'une période très brève dans le cycle de vie des étoiles", a expliqué Klaus Pontoppidan, responsable du programme scientifique de James Webb au Space Telescope Science Institute. "Notre Soleil a vécu une phase comme celle-ci, il y a longtemps".

La région de Rho Ophiuchi est "complètement sombre lorsque observée avec Hubble", a précisé l'astronome sur Twitter: en effet James Webb travaille dans l'infrarouge, alors qu'Hubble voit principalement en lumière visible (lire encadré).

Le 12 juillet 2022, l'agence spatiale américaine dévoilait les premières images en couleur de son nouvel observatoire spatial. L'événement marquait le début des opérations scientifiques de ce bijou de technologie, évoluant à 1,5 million de kilomètres de la Terre, au point Lagrange 2.

>> Le Minute par minute de 2022 : D'impressionnantes images du télescope spatial James Webb dévoilées par la NASA

Vision transformée

"En seulement un an, le télescope James Webb a transformé la vision que l'Humanité a du cosmos", a déclaré dans un communiqué Bill Nelson, le patron de la NASA.

Un exemple de simulation par ordinateur (2011): à gauche, une image simulée de la galaxie M74, avec le gaz en rouge et les étoiles en bleu. À droite, une vraie image en fausses couleurs de la galaxie M74. Les bras en spirale du gaz sont évidents dans les deux images. [NASA - University of Zurich]
Un exemple de simulation par ordinateur (2011): à gauche, une image simulée de la galaxie M74, avec le gaz en rouge et les étoiles en bleu. À droite, une vraie image en fausses couleurs de la galaxie M74. Les bras en spirale du gaz sont évidents dans les deux images. [NASA - University of Zurich]

"Chaque nouvelle image est une découverte, qui encourage les scientifiques à travers le monde à poser et répondre à des questions dont ils ne pouvaient même pas rêver auparavant".

"Nous avons eu beaucoup de surprises!", se réjouit Pascal Oesch, professeur assistant à l'Université de Genève: "Mais c'est normal car il y a plein de paramètres qu'on ne pouvait pas observer avant. On trouve quelque chose de nouveau et cela fait surgir plus de questions", résume-t-il par téléphone avec RTSinfo.

"Il y a par exemple des images très impressionnantes de galaxies très proches de nous qui correspondent complètement à la prédiction de nos modèles, comme M74, c'est fantastique!"

Le cœur de la galaxie M74, la "galaxie fantôme". JWST révèle de délicats filaments de gaz et de poussière dans les bras spiraux qui s'enroulent vers l'extérieur à partir du centre. L'absence de gaz dans la région nucléaire permet de voir l'amas d'étoiles au centre de la galaxie. Observation avec l'instrument en infrarouge moyen (MIRI) de James Webb. [ESA/Webb, NASA & CSA - J. Lee and the PHANGS-JWST Team]
Le cœur de la galaxie M74, la "galaxie fantôme". JWST révèle de délicats filaments de gaz et de poussière dans les bras spiraux qui s'enroulent vers l'extérieur à partir du centre. L'absence de gaz dans la région nucléaire permet de voir l'amas d'étoiles au centre de la galaxie. Observation avec l'instrument en infrarouge moyen (MIRI) de James Webb. [ESA/Webb, NASA & CSA - J. Lee and the PHANGS-JWST Team]

>> D'autres images prises par James Webb: une galerie sur esawebb.org

Un début prometteur

Depuis un an, James Webb ne cesse d'éblouir les astronomes, avec des images d'une précision jamais atteinte auparavant. Le flot d'études scientifiques tirées de ses observations est constant.

Le télescope spatial a notamment observé la plus lointaine des galaxies jamais détectée, découverte par Pascal Oesch et son équipe.

>> Lire : La galaxie la plus lointaine dénichée grâce au télescope James Webb

L'une des missions principales du télescope est l'exploration du tout jeune Univers, seulement quelques centaines de millions d'années après le Big Bang. C'est l'un des domaines de recherche de l'astrophysicien Daniel Schaerer, professeur à l'Université de Genève. Il est de retour d'une conférence en Italie sur la première année du JWST: "Schématiquement, ce qui étonne les personnes travaillant dans l'astrophysique et la théorie, ce sont les galaxies – 600 à 700 millions d'années après le Big Bang – qui sont bien plus brillantes que ce que l'on imaginait dans nos modèles. C'est à se demander s'il faut remettre en question la cosmologie", souffle-t-il dans le combiné.

Beaucoup de trous noirs supermassifs

Et une autre surprise: "Il y beaucoup de trous noirs supermassifs très lointains. Auraient-ils grandi plus vite que prévu, plus vite que les galaxies? Normalement ils grandissent en même temps, mais nous voyons de petites galaxies qui ont déjà des trous noirs supermassifs". Un phénomène que les scientifiques vont désormais tenter d'expliquer.

Les étoiles supermassives pourraient former les trous noirs supermassifs que l'on trouve bien plus tôt qu'envisagé.

L'astrophysicien Daniel Schaerer, professeur à l'UNIGE

"James Webb a aussi trouvé quelques galaxies bizarroïdes qui montrent qu'il y a des étoiles supermassives dans les galaxies primitives. C'est inexplicable mais similaire à la formation dans les amas globulaire: il y a une abondance d'azote très élevée par rapport à l'oxygène", remarque Daniel Schaerer, précisant qu'il y a débat sur ce point. Mais lui et l'astrophysicienne Corinne Charbonnel, également professeure à l'Université de Genève, ont une explication très convaincante: "C'est la possible signature d'étoiles supermassives détectées dans ces galaxies à très grand redshift (lire encadré), comme nous le prédisions pour la première fois en 2018", explique cette spécialiste de l'évolution des étoiles et des amas d'étoiles.

>> Lire : De gigantesques soleils ont brillé dans les amas d'étoiles très anciens

"Il y a beaucoup d'excitations là-autour. Et aussi sur le fait que ces galaxies sont beaucoup plus massives qu'on ne le pensait; on trouve également des trous noirs supermassifs bien plus tôt qu'envisagé", remarque-t-elle. Et Daniel Schaerer d'ajouter: "Les étoiles supermassives pourraient former des trous noirs: elles en seraient les précurseures. Soit elles se disloquent complètement et terminent leur vie en supernovaes, soit elles collapsent et forment des trous noirs supermassifs de plus de 10'000 masses solaires. Puis ceux-ci accrètent encore plus de matière. Il y a peut-être un lien entre les deux".

Autre axe de recherche majeur: l'étude des exoplanètes, c'est-à-dire des planètes en dehors du Système solaire. Le JWST a déjà mesuré pour la première fois la température de planètes rocheuses cousines de la Terre, dont il a même commencé à analyser l'atmosphère.

>> Lire : James Webb mesure la température d'une planète cousine de la Terre

Outre ces accomplissements, le grand public a, lui, pu se délecter de somptueuses images. En octobre, James Webb avait notamment révélé son premier cliché des emblématiques "Piliers de la création", d'immenses structures de gaz et de poussière regorgeant d'étoiles en formation, à 6500 années-lumière de la Terre, dans notre Voie lactée.

>> Les Piliers de la création par Hubble et le JWST:

Hubble a rendu les Piliers de la création célèbres en 1995 et a revisité la scène en 2014 avec une vue plus nette et plus large en lumière visible (à gauche). En lumière infrarouge, le JWST (à droite) permet d'observer davantage de poussière dans cette région de formation d'étoiles. Les piliers bruns, épais et poussiéreux, ne sont plus aussi opaques; de nombreuses étoiles rouges encore en formation apparaissent. [NASA, ESA, CSA, STScI, Hubble Heritage Project (STScI, AURA) - Joseph DePasquale (STScI), Anton M. Koekemoer (STScI), Alyssa Pagan (STScI)]
Hubble a rendu les Piliers de la création célèbres en 1995 et a revisité la scène en 2014 avec une vue plus nette et plus large en lumière visible (à gauche). En lumière infrarouge, le JWST (à droite) permet d'observer davantage de poussière dans cette région de formation d'étoiles. Les piliers bruns, épais et poussiéreux, ne sont plus aussi opaques; de nombreuses étoiles rouges encore en formation apparaissent. [NASA, ESA, CSA, STScI, Hubble Heritage Project (STScI, AURA) - Joseph DePasquale (STScI), Anton M. Koekemoer (STScI), Alyssa Pagan (STScI)]

>> Lire : Plus grandioses que jamais, les "Piliers de la création" vus par James Webb

Du carburant pour vingt ans

A la NASA, il se dit même que James Webb a assez de carburant pour fonctionner durant vingt ans: "C'est la première fois que j'entends ce chiffre et c'est formidable!", s'enthousiasme Daniel Schaerer qui espère qu'aucun instrument – ils sont très sensibles et délicats – n'aura de problèmes, "surtout les spectrographes qui donnent des résultats très novateurs, dont la mesure des distances des objets observés".

>> L'ancien président américain Barack Obama s'émerveille sur Twitter:

Je n'en reviens pas de ces images du télescope spatial James Webb! Elles suscitent la curiosité et l'émerveillement de toute une nouvelle génération.

Chercheuses et chercheurs du monde entier peuvent réserver du temps d'observation avec le télescope, dont le programme est minutieusement élaboré par tranches d'un an: "Nous avons sélectionné un ambitieux ensemble d'observations pour la deuxième année, en nous fondant sur tout ce que nous avons appris jusqu'ici", a déclaré Jane Rigby, du centre spatial Goddard de la NASA: "La mission scientifique de James Webb ne fait que commencer."

>> Lire : Dans les coulisses des données du télescope spatial James Webb

Stéphanie Jaquet et l'ats

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Le digne successeur d'Hubble

L'envol de l'observatoire volant James Webb, d'une valeur de dix milliards de dollars, à bord d'une fusée Ariane 5 en décembre 2021, avait couronné des décennies de travail.

Il est le successeur du télescope spatial Hubble, lui-même toujours en fonctionnement. A la différence de Hubble, qui observe l'Univers essentiellement dans le spectre visible, James Webb fonctionne lui dans l'infrarouge. Cela lui permet de détecter des lueurs bien plus faibles, et donc de voir bien plus loin.

Le spectre de l'énergie électromagnétique avec les portions détectées par les différents télescopes spatiaux de la NASA, Hubble, Spitzer et Webb. [NASA - J. Olmsted [STScI]]
Le spectre de l'énergie électromagnétique avec les portions détectées par les différents télescopes spatiaux de la NASA, Hubble, Spitzer et Webb. [NASA - J. Olmsted [STScI]]

Cette longueur d'onde étant imperceptible aux yeux humains, les clichés sont ensuite "traduits" dans des couleurs visibles du spectre électromagnétique

Le spectre lumineux. Le JWST voit dans l'infrarouge proche et moyen. [inrs.fr - Œuvre INRS]
Le spectre lumineux. Le JWST voit dans l'infrarouge proche et moyen. [inrs.fr - Œuvre INRS]

Pour ce premier anniversaire, la NASA est revenue sur cette année de découvertes lors d'un direct vidéo retransmis sur internet, en anglais, à revoir ici:

Qu'est-ce qu'un redshift?

Le redshift – ou décalage vers le rouge, en français – est une notion en astronomie et astrophysique permettant de définir quel âge avait l'objet observé au moment où sa lumière nous parvient, en tenant notamment compte de la vitesse d'expansion de l'Univers, qui est l’un des paramètres du modèle cosmologique. Il est souvent symbolisé par la lettre minuscule "z".

Plus la valeur du décalage vers le rouge est grande, plus on se rapproche du Big Bang (pour un redshift de 15 à 20). A noter que les premières galaxies ont un redshift de 13-14, c’est ce que le JWST a réussi à montrer.

L'astrophysicien et cosmologiste Edward L. Wright, de UCLA, a programmé un calculateur en ligne pour définir un redshift (z) en milliards d'années (Gyr). Sur la gauche de la page, entrer la valeur du redshift sous "z" (troisième boîte depuis le haut) puis cliquer sur "General". Lire la valeur à droite, sous le deuxième résultat: "The age at reshift z was XXX Gyr".

Par exemple, un redshift z=3 correspond à 2,171 milliards d'années. Pour comparaison, nous, nous sommes actuellement à 13,7 milliards d'années du Big Bang: plus précisément , "It is now 13.721 Gyr since the Big Bang", annonce la page du scientifique.