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Classé à l'UNESCO, Cyrène risque des effondrements après les inondations

Des ruines du site greco-romain de Cyrène (Shahhat), dans l'est de la Libye, à environ 60 kilomètres à l'ouest de Derna, le 17 septembre 2023. [UGC / AFP - Claudia Gazzini/International Crisis Group]
Le site de Cyrène risque des effondrements après les inondations en Libye / Le Journal horaire / 19 sec. / le 20 septembre 2023
L'imposant site antique grec de Cyrène, en Libye, a été classé depuis 2016 par l'UNESCO comme patrimoine mondial en péril. Il court des risques d'effondrement après les inondations dévastatrices qui ont frappé l'est du pays, selon des témoignages et un archéologue.

Il s'agit d'un "site gigantesque et de la plus grande colonie grecque, une cité bâtie entre la fin du VIIe et le début du VIe siècle avant notre ère", explique Vincent Michel, chef de la mission archéologique française en Libye.

Les premières personnes qui l'habitèrent venaient de Thera, l'actuelle île de Santorin, et s'y étaient implantées pour ses terres fertiles et de l'eau en abondance.

Selon Claudia Gazzini, spécialiste de la Libye pour l'International Crisis Group, qui a visité Cyrène ces derniers jours, le site est encore largement inondé et a subi plusieurs écroulements: "On a une route en descente, Sharaa el Wadi, longée de murs antiques, qui connectait la partie haute du site à la partie basse et par laquelle circulaient les eaux de pluie mais des blocs de pierre sont tombés, bloquant l'écoulement de l'eau", explique-t-elle par téléphone à l'AFP depuis Benghazi.

"Dans la partie basse du site, on a aussi de l'eau sale qui sort de terre au milieu des ruines par gros bouillons et en continu", ajoute-t-elle, soulignant que les villageois et un responsable du département local des antiquités présents sur le site à ses côtés en ignorent la provenance.

Pire encore, la Fontaine d'Apollon, ce bassin naturel creusé dans une grotte qui recueillait une eau de source limpide, "s'est transformée en une grande baignoire où on aurait versé du bain moussant", déplore Claudia Gazzini qui a fait des photos et vidéos des lieux.

Tout cela à cause de "cinq heures de pluies torrentielles qui se sont déversées sur le site et le village voisin de Shahat", dans la nuit du 10 au 11 septembre, souligne-t-elle, exprimant aussi de l'inquiétude pour le théâtre grec où de gros blocs se sont effondrés au milieu des gradins.

Les personnes locales qui aiment se promener sur ce site en surplomb d'un précipice offrant une vue imprenable sur la Méditerranée sont préoccupées par la perspective des pluies hivernales, confie l'un d'eux à Claudia Gazzini sur une vidéo: "Si les infiltrations d'eau continuent et que l'eau reste bloquée sur le site, le mur d'enceinte pourrait s'écrouler et emporter une bonne partie des ruines", explique-t-elle.

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Des fondations fragilisées

Pour Vincent Michel, qui connaît bien le site et a pu analyser des images post-inondations, "pour le moment il n'y a pas eu de destructions majeures à Cyrène, les monuments sont encore debout".

Dans le théâtre grec, de gros blocs se sont effondrés au milieu des gradins. Cyrène, Libye, le 18 septembre 2023. [X (ex-Twitter) - Claudia Gazzini/International Crisis Group]
Dans le théâtre grec, de gros blocs se sont effondrés au milieu des gradins. Cyrène, Libye, le 18 septembre 2023. [X (ex-Twitter) - Claudia Gazzini/International Crisis Group]

Mais "les torrents d'eau, de terre et de pierres ont raviné les voies, notamment la voie royale, et le principal dommage est à venir car l'eau a largement circulé et fragilisé les fondations des monuments", s'inquiète-t-il. "Sachant que la pierre est de mauvaise qualité dans la région, les monuments risquent de se disloquer faute de bonnes fondations".

Parmi ses monuments, Cyrène abrite "l'un des plus grands temples de l'Antiquité, celui de Zeus qui est plus grand que le Parthénon à Athènes", souligne l'expert, joint par téléphone en France.

L'autre préoccupation est l'immense nécropole au nord du site, juste à l'extérieur du mur d'enceinte, qui a "reçu des centaines de mètres cubes d'eau, qui ont pu déplacer et remplir des tombes".  Cyrène "qui faisait plus de dix kilomètres de circonférence, représente l'un des rares sites où la ville des morts était aussi grande que celle des vivants", note Vincent Michel.

Risques de pillages

Il s'est notamment dit inquiet pour un risque de pillages sur ce site exceptionnel où avaient été trouvés lors des dernières fouilles des "portraits funéraires d'époque romaine et des statuettes de divinités grecques uniques".

Ce qui le rassure, c'est que le Département des antiquités de Libye "est déjà très mobilisé" et a sollicité l'aide de la mission archéologique italienne pour Cyrène et des équipes françaises pour Apollonia, l'ancien port de Cyrène, et Latrun, un autre site antique.

L'idée, selon lui, est de coopérer "avec les autorités locales en coordination avec l'UNESCO pour relever les points de fragilité majeurs des monuments, enregistrer les détériorations", rétablir la circulation de l'eau et "se lancer dans la consolidation des monuments".

afp/sjaq

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Le changement climatique a aggravé l'intensité des pluies

Le changement climatique a augmenté la probabilité, potentiellement "jusqu'à 50 fois", que surviennent en Libye des pluies aussi intenses que celles qui ont entraîné la rupture de deux barrages mal entretenus, selon une étude publiée mardi. La catastrophe a fait des milliers de morts à Derna.

L'équipe de recherche du World Weather Attribution (WWA), spécialisée dans ce type d'analyses, n'est pas parvenue à estimer précisément l'influence du réchauffement climatique, le phénomène étant trop bref et trop localisé pour la plupart des modèles climatiques existants, mais aussi par manque criant de données d'observations.

L'absence d'influence du changement climatique causé par l'activité humaine ne peut donc pas être totalement exclue. Mais les scientifiques ne doutent pas du lien, puisque "l'augmentation des températures entraîne généralement des pluies plus abondantes", "des études prévoient des pluies plus abondantes dans la région", et les données météorologiques régionales montrent déjà cette tendance à l'œuvre.

50% de pluie en plus

Concernant la Libye, les scientifiques ont constaté que "le changement climatique augmentait jusqu'à 50 fois la probabilité de survenue de l'événement, avec jusqu'à 50% de pluie en plus pendant cette période".

Pour analyser l'effet du réchauffement dans l'amplification des phénomènes extrêmes, le WWA utilise des données climatiques et des modèles pour comparer le climat actuel, environ 1,2°C plus chaud que depuis l'ère préindustrielle, à celui du passé.

ats/sjaq