Les dérives de l'Ozempic, médicament anti-diabétique détourné pour son effet coupe-faim
L'Ozempic est un médicament prescrit pour les personnes souffrant de diabète de type 2. Mais depuis plusieurs mois, le produit est détourné à cause de son effet coupe faim. De Hollywood en passant par les réseaux sociaux, l'anti-diabétique est devenu la nouvelle star minceur. Notamment sur TikTok, où certains influenceurs n'hésitent pas à s'injecter le produit pour vanter leur spectaculaire perte de poids.
"L'Ozempic se présente sous la forme d'un stylo, que l'on s'injecte une fois par semaine à des doses croissantes. Il est composé de sémaglutide, une hormone qui agit sur le système nerveux central, en diminuant la sensation de faim et augmentant la sensation de satiété", explique François R. Jornayvaz, médecin-chef du Service d'endocrinologie aux HUG.
En Suisse, le médicament peut être délivré uniquement sur ordonnance à des patients diabétiques. "Selon les autorités sanitaires, l'Ozempic n'est pas autorisé comme produit amincissant et sa prise dans ce cadre est une utilisation hors indication", poursuit François R. Jornayvaz.
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Usage inapproprié
Problème? Depuis plusieurs mois, on observe en Suisse une nette augmentation des prescriptions médicales d'Ozempic à des patients non-diabétiques.
C'est le cas de Camille. Après la naissance de son bébé, la jeune maman veut perdre quelques kilos et demande de l'aide à son médecin traitant. "J'y suis allée en pensant être redirigée vers un diététicien ou un nutritionniste. Mais quand j'ai exposé mon problème, le médecin m'a directement proposé d'essayer un nouveau traitement", témoigne-t-elle. "Il ne m'a pas spécifié que c'était un traitement normalement destiné aux diabétiques. Je l'ai découvert plus tard, en lisant la notice. Sur le moment, je me suis dit qu'il n'était pas très regardant et que c'était une solution facile pour perdre quelques kilos", poursuit-elle.
Selon François R. Jornayvaz, les dérives de l'Ozempic sont nombreuses. "Premièrement, il y a la pression des patients: si leur médecin ne leur prescrit pas le médicament, ils iront voir un autre spécialiste jusqu'à obtenir une ordonnance, quitte à payer le produit eux-mêmes", détaille-t-il. "Il y aussi un effet de mode avec les réseaux sociaux, des dérives esthétiques, ce qui explique les nombreuses utilisations inappropriées."
Pourtant, la prise de ce médicament n'est pas sans risques et peut s'accompagner de plusieurs effets secondaires, comme des vomissements, des douleurs abdominales ou des diarrhées. "Il y a aussi le risque de reprendre tout le poids que l'on a perdu lorsqu'on arrête le traitement. Ce n'est pas un produit miracle. Comme n'importe quel régime, on doit apprendre à manger correctement si on veut des résultats efficaces", ajoute le médecin.
Rupture de stock
Le phénomène Ozempic est tel que la firme danoise qui produit le médicament, l'entreprise pharmaceutique Novo Nordisk, a vu sa valeur marchande grimper de 38% depuis le début de l'année, pour atteindre 413 milliards de dollars, soit plus que le PIB du Danemark.
Face à la demande, l'entreprise a du mal à produire les médicaments en quantité nécessaire. Plusieurs pays sont en rupture de stock, dont la Suisse. À Pharma24, pharmacie située non loin de l'Hôpital universitaire de Genève, la demande a augmenté de 50% en un an. "C'est un phénomène qui nous préoccupe et qui prétérite directement les patients diabétiques qui ont du mal à se procurer le médicament", détaille Rémi Lafaix, pharmacien responsable.
Face à la rupture de stock, les fausses préparations d'Ozempic se multiplient sur internet. En quelques clics, on trouve une dizaine de sites prétendant vendre le produit. Les conséquences peuvent être graves. Cette année, Swissmedic a fait état de trois hospitalisations survenues après l'injection de faux médicaments. Dans les trois cas, c'est un stylo d'insuline – et non pas d'Ozempic – qui a été identifié dans l'emballage. Les personnes concernées ont été admises à l'hôpital pour une hypoglycémie aiguë.
Sarah Jelassi