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Le Nobel de Physique va à l'étude de la dynamique des électrons dans la matière

Les scientifiques récipiendaires du Prix Nobel de phyisque 2023 sont Pierre Agostini, Ferenc Krausz et Anne L'Huillier. [Nobel Prize Outreach - Niklas Elmehed]
Le Nobel de Physique va à l'étude de la dynamique des électrons dans la matière / Le 12h30 / 29 sec. / le 3 octobre 2023
La récompense revient à parts égales au Français Pierre Agostini, à l'Austro-hongrois Ferenc Krausz et à la Franco-suédoise Anne L'Huillier. Grâce à eux, le déplacement des électrons à l'intérieur des atomes et des molécules est mieux compris et peut être étudié grâce à des impulsions de lumière extêmement courtes, les attosecondes.

Une attoseconde... c'est la durée utilisée par ces trois scientifiques pour comprendre comment les électrons se déplacent ou changent d'énergie. Autant dire que c'est extrêmement court: il y a autant d'attosecondes en une seconde qu'il y a eu de secondes depuis la naissance de l'Univers! Il s'agit de l'unité de temps la plus petite actuellement mesurable. Un milliardième de milliardième de seconde.

Les mouvements des électrons dans les atomes et les molécules sont si rapides qu'ils sont mesurés en attosecondes. Et une attoseconde est à une seconde ce qu'une seconde est à l'âge de l'Univers! [The Royal Swedish Academy of Sciences - Johan Jarnestad]
Les mouvements des électrons dans les atomes et les molécules sont si rapides qu'ils sont mesurés en attosecondes. Et une attoseconde est à une seconde ce qu'une seconde est à l'âge de l'Univers! [The Royal Swedish Academy of Sciences - Johan Jarnestad]

Les avancées de la physicienne et des deux physiciens "ont permis d'explorer des processus qui étaient tellement rapides qu'ils étaient auparavant impossibles à suivre", remarque le jury.

Les trois récipiendaires du prix Nobel de Physique 2023 "ont donné à l'Humanité de nouveaux outils pour explorer le monde des électrons à l'intérieur des atomes et des molécules. Ils ont démontré qu'il était possible de créer des impulsions lumineuses extrêmement courtes qui peuvent être utilisées pour mesurer les processus rapides au cours desquels les électrons se déplacent ou changent d'énergie", explique l'Académie suédoise royale des sciences.

"Thank you a lot" a dit avec un fort accent français la lauréate Anne L'Huillier en direct dans la conférence de presse du Nobel: "Je suis très touchée. J'étais en train d'enseigner", a-t-elle révélé: "C'est très important d'enseigner. J'ai eu du mal à finir mon cours", sa voix trahissant une grande émotion. C'est son mari, également physicien, qui a été appelé à sa place. Il a fallu attendre qu'elle soit en pause à l'Université de Lund, en Suède, vers 11h, pour que le Comité Nobel puisse lui parler en personne.

Pour elle ce prix représente beaucoup: "C'est le Prix le plus prestigieux! Je suis très touchée. Il n'y a pas beaucoup de femmes qui l'ont eu, c'est très particulier pour moi". A 65 ans, la professeure est en effet la cinquième femme à obtenir le Nobel de physique.

Anne L'Huillier, colauréate du Prix Nobel de physique 2023, rencontre les journalistes avec ses étudiantes et étudiants à l'Université de Lund, en Suède, le 3 octobre 2023. [TT News Agency via AFP - Ola Torkelsson]
Anne L'Huillier, colauréate du Prix Nobel de physique 2023, rencontre les journalistes avec ses étudiantes et étudiants à l'Université de Lund, en Suède, le 3 octobre 2023. [TT News Agency via AFP - Ola Torkelsson]

La professeure de physique atomique franco-suédoise Anne L'Huillier et ses travaux sur "les impulsions lasers très courtes permettant de suivre le mouvement ultra-rapide des électrons à l'intérieur des molécules" était une favorite. La chercheuse a en effet remporté le prestigieux prix Wolf en 2022, parfois précurseur du Nobel, conjointement avec le physicien autrichien et hongrois Ferenc Krausz et le Canadien Paul Corkum.

Le physicien Ferenc Krausz célèbre l'annonce de son Prix Nobel avec ses doctorants à l'Institut Max Planck de Garching, le 3 octobre 2023. [AFP - Christof Stach]
Le physicien Ferenc Krausz célèbre l'annonce de son Prix Nobel avec ses doctorants à l'Institut Max Planck de Garching, le 3 octobre 2023. [AFP - Christof Stach]

Pierre Agostini (55 ans) est professeur à l'Ohio State University aux Etats-Unis et Ferenc Krausz (61 ans) est lui directeur de l'Institut Max Planck à Garching et professeur à l'Université Ludwig-Maximilians à Munich, en Allemagne.

Les électrons, entre vagues et particules

"Les électrons ressemblent davantage à des vagues d'eau et ce que nous essayons de mesurer, c'est la position de la crête de la vague", a-t-elle dit au téléphone pour résumer ses recherches fondamentales. "Les impulsions d'une attoseconde peuvent être utilisées pour identifier différentes molécules, par exemple dans des diagnostics médicaux".

Elle a aussi expliqué que ses travaux avaient des applications concrètes: "Dans mon travail, je vois deux choses fondamentales. L'une est d'observer les électrons et leurs propriétés. L'autre est beaucoup plus pratique: la radiation que nous produisons est aussi utile pour l'industrie des semi-conducteurs que pour l'imagerie. Donc il y a vraiment une application pratique", a-t-elle expliqué.

>> Qu'est-ce qu'une attoseconde? Une explication en 70 secondes :

Des lasers sont utilisés pour produire les flashs d'une attoseconde servant à mesurer les processus rapides au cours desquels les électrons se déplacent ou changent d'énergie. [Université Paris-Saclay]Université Paris-Saclay
Qu'est-ce qu'une attoseconde? / Le Journal horaire / 1 min. / le 4 octobre 2023

Mats Larsson, du Comité Nobel pour la physique, a expliqué que "comprendre des phénomènes et réussir à les étudier avec une technologie appropriée" est un pas important dans la recherche. Les applications n'étant pas toujours évidentes au moment des découvertes. "Les électrons vont très vite et se retrouvent partout, dans les réactions chimiques mais aussi dans les technologies des smartphones", explique-t-il, soulignant l'importance de la compréhension de la façon dont ils se comportent.

>> Ecouter les explications d'Eric Vauthey, professeur de physique et chimie à l'Université de Genève dans CQFD :

La façon dont les électrons se comportent peut être étudiée grâce à des impulsions de lumière extêmement courtes, les attosecondes. [The Royal Swedish Academy of Sciences - Johan Jarnestad]The Royal Swedish Academy of Sciences - Johan Jarnestad
Prix Nobel de physique 2023: des lasers ultra-rapides pour voir les électrons des atomes / CQFD / 9 min. / le 4 octobre 2023

Pour les récipiendaires du millésime 2023, le chèque accompagnant le Prix est désormais de onze millions de couronnes, l'équivalent de 900'000 francs, soit la plus haute valeur nominale (dans la devise suédoise) dans l'Histoire plus que centenaire des Nobel.

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Stéphanie Jaquet et les agences

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Diverses prédictions

Pour le Nobel de Physique, la prédiction a été compliquée. Quatre femmes seulement ont obtenu cette prestigieuse récompense depuis 1901: Marie Curie (1903), Maria Goeppert Mayer (1963), Donna Strickland (2018) et Andrea Ghez (2020). Une seule personne a obtenu deux fois le Nobel dans cette discipline: l'Américain John Bardeen, en 1956 et 1972.

>> Lire aussi : Le Prix Nobel de physique célèbre la recherche sur les trous noirs

Le nom d'une autre femme revenait dans les prévisions: celui de la Danoise Olga Botner, dont les travaux se concentrent sur des particules cosmiques, appelées neutrinos cosmiques, détectées par l'observatoire de neutrinos IceCube en Antarctique. Ces neutrinos ont très peu d'interactions avec la matière et peuvent voyager sur de vastes distances intergalactiques.

>> Lire : Une première source de neutrinos extragalactiques identifiée et Les évanescents neutrinos viendraient des puissants blazars

Les installations extérieures du détecteur de neutrinos IceCube en Antarctique. [AFP Photo - Ho/NSF/F. Decamps]
Les installations extérieures du détecteur de neutrinos IceCube en Antarctique. [AFP Photo - Ho/NSF/F. Decamps]

Trois des six derniers prix Nobel de Physique ont récompensé des scientifiques travaillant "dans l'astronomie, l'astrophysique et la cosmologie", relevait le magazine Physics World qui estimait peu probable de voir récompensés dès cette année les travaux associés aux découvertes du télescope spatial James Webb.

Physique quantique?

La recherche sur la mécanique quantique, une science contre-intuitive qui décrit le monde à l'échelle de l'infiniment petit, aurait pu encore être récompensée même si elle l'a déjà été l'an dernier, selon la publication scientifique. L'Académie suédoise avait récompensé l'an dernier le Français Alain Aspect, l'Américain John Clauser et l'Autrichien Anton Zeilinger, pionniers des mécanismes révolutionnaires de la physique quantique.

>> Lire : Le prix Nobel de physique décerné à un trio de pionniers de la physique quantique

"L'informatique quantique a progressé à grands pas au cours des dernières décennies", selon Physics World, citant l'Espagnol Ignacio Cirac, le Britannique David Deutsch, l'Américain Peter Shor et l'Autrichien Peter Zoller comme candidats au Nobel. L'Israélien Yakir Aharonov et le Britannique Michael Berry, qui travaillent sur la mécanique quantique, étaient également cités.

Le Nobel "pourrait revenir à quelque chose de plus pratique cette année", estimait quant à lui David Pendlebury, dirigeant de l'institut Clarivate qui suit les découvertes scientifiques. Il citait ainsi le développement du stockage de données à haute densité dans le champ du spintronique, qui exploite la propriété quantique du spin des électrons.

L'institut mentionnait aussi la physicienne américaine Sharon Glotzer pour ses recherches sur l'entropie, à savoir le degré de désordre de la matière, dans l'assemblage de cette matière.

Cape d'invisibilité?

La recherche sur la "cape d'invisibilité" étudiée par le Britannique John B. Pendry revient depuis plusieurs années dans les listes des favoris. Il s'agit de travaux sur la lumière guidée par certains matériaux dont les propriétés leur font contourner l'objet, devenu invisible à l'œil nu.

Les travaux dans le domaine photovoltaïque, qui permet la conversion de lumière en électricité, et la recherche sur les propriétés supra-conductrices du graphène torsadé étaient également cités.

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