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Une approche plus féministe du cancer du sein permettrait de sauver des vies

Le dépistage systématique du cancer du sein s’effectue par une mammographie tous les 2 ans dès l’âge de 50 ans et jusqu’à 74 ans. [AP/Keystone - Franka Bruns]
Une approche "féministe" du cancer pour lutter contre les inégalités / La Matinale / 4 min. / le 6 octobre 2023
Pour lutter contre les inégalités, des scientifiques du monde entier appellent à "une approche plus féministe du cancer". Réunis au sein d’une commission créée par "The Lancet", revue scientifique médicale hebdomadaire britannique, ils ont mené une enquête dans 185 pays.

Une étude de la revue "The Lancet" démontre qu'une approche plus égalitaire du cancer permettrait de sauver chaque année environ 800'000 femmes. Ceci à condition de leur donner un accès aux dépistages et aux soins, trop souvent hors de leur portée.

Solange Peters, cheffe de l’oncologie médicale au CHUV, explique vendredi dans La Matinale que dans les pays les plus pauvres, les femmes ne peuvent tout simplement pas aller en consultation. Au Botswana, par exemple, il faut à peu près un mois pour donner un diagnostic. "Une fois que l'on a envie d'appeler la patiente, on ne la retrouve pas, car c'est trop compliqué pour la famille de venir assumer tout cela", explique la doctoresse.

La Suisse aussi touchée par l'inégalité

En Suisse, la médecine préventive est bien développée. Pourtant, de nombreuses femmes y renoncent. Pourquoi? Plusieurs raisons peuvent l'expliquer, à commencer par le manque de temps. Une fois devenues mères notamment, elles sont trop occupées par leurs responsabilités et elles mettent de côté leur propre santé. "Moi, je vois des femmes avec des cancers du col qui arrivent 20 ans après parce qu'elles n'ont plus effectué de contrôle entre-temps", témoigne Manuela Undurraga, médecin aux HUG, responsable de l’unité d'oncogynécologie chirurgicale.

Afin de permettre aux femmes de prendre soin de leur santé, les HUG de Genève ont ouvert deux garderies. Des mesures simples, pour permettre aux patientes d'avoir la possibilité d'aller chez le médecin.

Se faire dépister, c'est aussi risquer de rencontrer la maladie. De nombreuses femmes ne se l'autorisent pas, par crainte de faire peser les conséquences sur l'ensemble de la famille.

Inégalités cantonales

Sans compter l'aspect financier, car de nombreuses femmes renoncent à se faire dépister pour une question de coûts.

Plusieurs cantons n'ont pas de programme de dépistage du cancer du sein. Dans ce cas, la patiente devra d'abord se rendre chez son généraliste pour obtenir une ordonnance qui lui permette d'effectuer une mammographie.  "Si vous avez une franchise à 1000 francs ou plus, vous allez payer votre dépistage. Alors que les programmes de dépistage cantonaux sont couverts par l'Etat, ils sont donc gratuits. S'il faut payer de sa poche, de nombreuses femmes renonceront et ne feront même pas l'effort de demander à leur médecin, c'est trop compliqué", déclare Solange Peters.

L’oncologue insiste donc sur la nécessité d'harmoniser les programmes entre cantons ou alors d'en créer un au niveau fédéral.

Approche féministe

Une approche féministe se traduirait par la mise en place de moyens permettant aux femmes de libérer du temps, une prise en compte de la question du genre dans les politiques de santé publique et dans les essais cliniques. Pour la commission de scientifiques, il faut aussi réduire les inégalités au sein du personnel médical. Les femmes qui occupent des postes à responsabilité dans les hôpitaux ou la recherche seront aussi plus sensibles aux besoins particuliers pour la santé des autres femmes.

Sujet radio: Alexandra Richard

Adaptation web: Miroslav Mares

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