Bételgeuse est l'une des supergéantes rouges les plus connue du cosmos: elle se trouve dans la constellation d'Orion. Depuis longtemps, les astronomes savent que cette étoile – dont le rayon approche mille fois celui de notre Soleil – est vraisemblablement en fin de vie.
Fin septembre, une équipe internationale incluant des astrophysiciennes et -physiciens de l'Université de Genève (UNIGE) montre que l'astre est à un stade approchant son explosion finale en supernova: "Si nos calculs sont corrects, Bételgeuse aurait déjà explosé", affirme Georges Meynet, professeur au Département d'Astronomie de l'UNIGE et coauteur de l'étude à paraître dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society. "Simplement, le signal nous montrant que Bételgeuse a explosé est encore en voyage vers nous", précise-t-il dans l'émission CQFD.
Bételgeuse se trouve en effet à environ 650 années-lumière de nous et, comme la lumière voyage à 300'000 kilomètres par seconde, il faut un certain temps pour que l'information nous parvienne: "La lumière que nous observons aujourd'hui sur Terre est partie de Bételgeuse il y a 650 ans. Nos calculs indiquent que Bételgeuse pourrait avoir explosé lorsque, sur Terre, nous étions entre les années 1373 et environ 300 ans plus tard, soit 1673".
L'astrophysicien précise que, comme le signal de l'explosion de l'étoile met 650 ans pour nous atteindre, "il nous parviendra entre maintenant et l'année 2300 ou 2350", soit au plus tard dans 300 ans. Un voyage dans le temps: nous verrons une explosion survenue entre les XIVe et XVIIe siècle. Elle sera aussi brillante que la pleine Lune et il sera possible de la voir en plein jour.
Quelques centaines ou quelques dizaines d'années?
Jusqu'à présent, les travaux s'intéressant à la durée de vie restante de Bételgeuse estimaient qu'elle pouvait encore briller pendant quelques centaines de milliers d'années, compte tenu du fait que l'astre avait déjà vécu environ huit millions d'années depuis sa formation (lire encadré).
Or, l'équipe de recherche genevoise a réanalysé les signaux émis par l'étoile et montrent que le temps qu'il lui reste à vivre pourrait donc être bien plus court: au maximum quelques centaines d'années, voire seulement quelques dizaines d'années! "Une prédiction qui a des incertitudes", s'empresse de souligner Georges Meynet: "Un modèle essaie de tirer parti au mieux de tout ce que nous connaissons, mais tout ce que nous connaissons n'est pas toujours suffisant pour être plus affirmatif, précis".
Un cœur qui bat
Pour arriver à cette estimation plus courte de la durée de vie de Bételgeuse, les scientifiques ont analysé la variabilité de sa luminosité au cours du temps: "C'est un peu comme un cœur qui bat: elle augmente et diminue de rayon avec des périodes qui peuvent être différentes les unes des autres et qui peuvent se superposer".
La plus longue période de pulsation dure 2200 jours et la plus courte environ 200 jours: "Il y en a deux autres avec des périodes intermédiaires. L'idée est de construire des modèles qui permettent de reproduire la luminosité, la couleur de Bételgeuse et ses périodes de pulsation. Ce qui a changé par rapport aux travaux précédents, c'est que la plus longue période – celle de 2200 jours – n'était pas considérée comme une pulsation physique de l'étoile. Elle était due à un autre phénomène perçu comme un petit peu obscur. Nous, on a pris au sérieux cette période de pulsation en essayant de voir si on parvenait à la reproduire et à reproduire les trois autres plus courtes".
Et leur modèle a en effet reproduit les quatre pulsations observées de Bételgeuse, ainsi que sa luminosité et sa couleur: "Et contrairement à ceux qui ont écarté cette pulsation plus longue, on obtient un stade très avancé de l'évolution de l'étoile, tout proche de son stade final". Ce mécanisme est lié à un phénomène physique: "Il est d'ailleurs assez bien compris et est généré par l'étoile elle-même".
"Notre modèle est un modèle et a aussi ses faiblesses. Je ne sais pas si nous avons raison, mais nous avons des arguments sérieux", conclut Georges Meynet. N'oubliez pas de jeter un œil du côté d'Orion: un spectacle inédit peut survenir à n'importe quel moment.
Interview radio: Anne Baecher et Bastien Confino
Article web: Stéphanie Jaquet
La vie d'une étoile
Ce qui permet à une étoile d'exister, "c'est un équilibre entre deux effets", explique Georges Meynet. "La gravité tend à maintenir le gaz dans une sphère, voire même à concentrer ce gaz vers le centre. Il y a d'autre part des forces de pression qui tendent au contraire à étendre ce gaz. Et c'est l'équilibre de pression qui permet l'équilibre de l'étoile".
Et d'ajouter que pour permettre à la pression de contrer la gravité et donc d'empêcher que l'étoile s'effondre, il faut que le gaz soit chaud: "Pour qu'il soit chaud, il faut de l'énergie. Cette énergie est tirée des réactions nucléaires pendant des millions d'années pour une étoile comme Bételgeuse. Lorsque le fuel de combustion nucléaire est tari – lorsqu'elle a consommé tout son carburant – le cœur va s'effondrer et être soumis à la gravité".
A ce moment, deux scénarios sont possibles: "Soit l'effondrement du cœur est suivi par une explosion, une explosion de supernova, soit toute l’étoile s'effondre pour donner naissance à un trou noir et l'étoile disparaît sans coup férir".