La NASA, en plus de montrer ce prélèvement de météore, a révélé les premières analyses sur sa composition, attendues avec impatience par des scientifiques du monde entier: du carbone, de l'eau et d'autre éléments essentiels à la vie comme nous la connaissons sur Terre.
L'eau est elle présente sur Bennu emprisonnée dans ce que l'on appelle des minéraux hydratés: "Nous pensons que c'est comme cela que l'eau est arrivée sur Terre", a expliqué Dante Lauretta, principal responsable scientifique de la mission. "La raison pour laquelle la Terre est un monde habitable, pour laquelle nous avons des océans, des lacs, des rivières, est parce que ces minéraux hydratés (...) ont atterri sur Terre il y a entre 4 et 4,5 milliards d'années."
La mission Osiris-Rex avait prélevé cet échantillon en 2020 sur l'astéroïde Bennu, et la capsule contenant la précieuse cargaison est revenue avec succès sur Terre il y a un peu plus de deux semaines, le 24 septembre, en atterrissant dans un désert de l'Utah.
Depuis, le méticuleux processus d'ouverture de la capsule se déroule dans une chambre blanche au centre spatial Johnson de la NASA à Houston. Et l'opération a déjà réservé quelques surprises: "Il y a tellement de matière que cela nous prend davantage de temps que prévu pour la récupérer", a déclaré Christopher Snead, scientifique à la NASA. Mais il s'agit là du "meilleur problème qu'on puisse avoir", a-t-il ajouté dans un communiqué.
Au moment de la transmission en direct, le contenant principal n'avait pas encore pu être ouvert à cause de cette abondance à l'extérieur du compartiment de collecte, a déclaré Eileen Stansbery, scientifique en cheffe au centre spatial Johnson: "Nous prenons notre temps pour réaliser un traitement méthodiquement, et nous occuper comme il faut de chaque morceau de Bennu", a-t-elle expliqué. Toutefois l'Agence spatiale américaine a montré différentes images.
Au moins 250 grammes de matière
Avant l'atterrissage de la capsule, l'agence spatiale américaine estimait avoir réussi à ramasser environ 250 grammes de matière sur l'astéroïde Bennu – soit bien plus que les deux précédentes missions japonaises vers d'autres astéroïdes.
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Une telle manœuvre était une première pour la NASA. Les échos étaient jusqu'à présent on ne peut plus positifs, car de la matière a été retrouvée "en abondance" à l'extérieur même du compartiment de collecte, a expliqué Christopher Snead: "C'est vraiment spectaculaire."
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L'heureuse surprise s'explique par un incident survenu au moment du prélèvement de l'échantillon: juste après l'opération, la NASA s'était rendu compte que le clapet du compartiment de collecte ne parvenait pas à se refermer.
La cargaison avait réussi à être sécurisée en étant transférée comme prévu jusque dans la capsule mais, à cause de cette fuite, les scientifiques s'attendaient à ce que des résidus soient retrouvés à l'extérieur du compartiment, dans la boîte où il avait été placé.
Un inventaire des minéraux observés
Cette "poussière noire" et ces "débris", selon les mots de la NASA, ont été confiés à une équipe d'analyse rapide, afin d'obtenir une première idée de la composition de Bennu. L'échantillon est passé au crible à l'aide d'un microscope électronique à balayage, de la diffraction de rayons X, et de mesures infrarouges.
Les différentes analyses devraient permettre d'obtenir un inventaire des minéraux observés, et peut-être de déterminer leur proportion. Les premières analyses – notamment au microscope électronique – montrent que Bennu renferme des minéraux hydratés, du carbone avec des "globules organiques" et aussi un sulfide, très important pour la biologie et les amino-acides, ainsi que de la magnétite et de l'oxyde de fer. Des éléments qui peuvent catalyser des processus biologiques.
Pour la professeure Emeline Bolmont, directrice du Centre pour la Vie (CVU) dans l'Univers de l'UNIGE, ce sont de bonnes nouvelles: "Mais on sait toutefois depuis longtemps qu'on peut trouver du carbone et de l'eau sur les astéroïdes", remarque-t-elle au téléphone avec RTSinfo. "On cherche des molécules plus complexes car, si elles arrivent sur la surface d'une planète, il y a en quelque sorte 'moins de choses à faire' pour développer la vie". Et de rappeler que la mission Hayabusa-2 "a trouvé des molécules organiques solubles sur l'astéroïde Ryugu: en étant mélangées à de la matière, elles sont moins facile à détruire".
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Cette spécialiste des exoplanètes attends avec impatience les études qui seront publiées sur ces découverte, histoire aussi de pouvoir comparer Bennu et Ryugu: "Ce qui serait formidable, ce serait de trouver des sucres ou des nucléobases, des éléments nécessaires pour l'ADN".
Mieux comprendre le Système solaire
L'étude des astéroïdes doit permettre aux scientifiques de mieux comprendre la formation du Système solaire, et comment la Terre est devenue habitable. Les astéroïdes comme Bennu pourraient avoir apporté sur notre planète bleue les composés ayant permis par la suite la naissance de la vie, pensent certains scientifiques.
Et selon ces premières analyses, il s'agit de l'échantillon spatial le plus riche en carbone jamais rapporté sur Terre: "Nous avons choisi le bon astéroïde!", s'est réjoui Daniel Glavin, scientifique à la NASA, parlant d'"un rêve pour les astrobiologistes". Ajoutant que le carbone "est essentiel pour la vie sur Terre; nous sommes tous façonnés de carbone", a-t-il expliqué. En frappant la Terre, les astéroïdes comme Bennu auraient ainsi pu "ensemencer" notre planète.
Pour les générations futures
La majorité de l'échantillon – gardé dans un état immaculé, exempt de toute contamination terrestre – sera conservée pour être étudiée par des générations futures, avec de nouveaux instruments plus performants et pour répondre à de nouvelles questions scientifiques. C'est ce qui avait été fait pour les roches lunaires rapportées lors du programme Apollo.
L'analyse de Bennu pourrait aussi se révéler utile à l'avenir. Il existe un faible risque – une chance sur 2700 – que l'astéroïde frappe la Terre en 2182, une collision qui serait catastrophique. Connaître sa composition exacte pourrait ainsi aider, si besoin un jour, à calculer l'impact nécessaire pour dévier sa trajectoire.
Stéphanie Jaquet et les agences