Verre d'eau filtrée avec des électrolytes, méditation sous lumière rouge, douche froide et relevé de sa bague connectée qui mesure son sommeil: c'est le rituel matinal de Guénolé Addor, médecin et biohacker. "On voit que cette nuit je n'ai pas bien dormi. Ma fréquence cardiaque au repos était à 54 alors que d'habitude elle est beaucoup plus basse. J'ai mis pas mal de temps à m'endormir parce qu'on a reçu des amis et j'ai mangé tard".
Aux Etats-Unis, Dave Asprey est une figure visible en la matière. Après une maladie, ce riche entrepreneur informaticien a décidé de considérer son corps comme un système informatique et de le "hacker", de le manipuler, pour l'optimiser. Avec un objectif qu'il clame haut et fort: pouvoir vivre jusqu'à 180 ans.
"Moi, ce que je veux vraiment, c'est optimiser mes années de vie en termes qualitatifs. Et je pense que le cercle vertueux de tout ça sera que je vais vivre plus longtemps, probablement", explique Guénolé Addor, qui s'est spécialisé dans la médecine de longévité. Mais pas de quoi le rendre esclave de ces données: "Quand vous prenez soin de vous, ça devient un cercle vertueux où vous prenez plaisir à le faire".
La fin des médecins?
Ces applications suivent les données de santé, commencent à établir des diagnostics et même à donner des conseils. "Il ne faut pas mettre de côté les outils qu'on est en train de nous donner, il faut aider les gens à les utiliser et à s'aider de ces outils pour faire de la médecine préventive", affirme Guénolé Addor. Il estime que les pratiques globales de biohacking pourraient contribuer, par la prévention, à faire baisser les coûts de la santé.
Mais Bertrand Kiefer, médecin, éthicien et rédacteur en chef de la Revue médicale suisse, s'en inquiète: "Il y a un risque que les gens s'adressent directement à toutes sortes d'intelligences artificielles, de capteurs de données et que tout passe par les big data à la place du médecin. Or, je crois que pour soigner, il faut quand même une altérité, il faut un autre. Rien que pour poser le diagnostic".
Des données de santé sensibles
Guénolé Addor admet que ces données posent des questions éthiques. "Mais il ne faut pas se leurrer, que ce soit la santé ou autre, on sait tout de nous". Bertrand Kiefer nuance: "Je pense qu'on est complètement naïfs par rapport à toutes ces données qui tout de même concernent notre santé. Quand on donne des données à une application, elles ne servent pas l'intérêt général, elles servent l'intérêt de l'application".
Pourtant aujourd'hui, une majorité des Suisses mesurent leur activité physique avec des appareils connectés, selon un sondage Digitech Galaxus.
Au CHUV à Lausanne, Patrick Schoettker, chef du service d'anesthésiologie, confirme: "De plus en plus de patients viennent à nos consultations avec des données qu'ils ont récoltées par différentes apps. Et les apps, tous les jours, il y en a des nouvelles qui sortent. Et ça va être notre métier de médecin digital: comprendre d'où viennent ces mesures, par quels mécanismes elles ont été récoltées et ce qu'elles expriment".
Guillaume Rey, Cédric Guigon