Invité dans La Matinale de La RTS, Luc Julia commence par décliner les multiples usages de l'IA dans l’industrie automobile: "Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on peut utiliser ces intelligences artificielles partout. On peut les utiliser pour designer les voitures par exemple. Avec les intelligences artificielles génératives d'aujourd'hui, on peut faire de nouveaux designs intéressants. On va utiliser cet outil pour avoir plus d'idées. Ce n'est pas quelque chose qui va remplacer le designer, mais c'est quelque chose qui va l'aider, l'émanciper."
L'IA peut prédire quand un robot va tomber en panne, ce qui permet de faire de la maintenance prédictive
L'ingénieur en informatique poursuit: "L'IA peut aussi être utilisée dans les usines, où il y a beaucoup de robots qui génèrent beaucoup de données. Elle peut prédire quand un robot va tomber en panne. Et pour ne pas casser la chaîne, on peut faire de la maintenance prédictive pour avoir une meilleure productivité. On peut aussi aller dans n'importe quelle fonction support, les ressources humaines, les achats, etc. On peut toujours avoir une IA qui va faciliter les choses."
Des voitures plus sûres
Pour ce qui est de la conduite, Luc Julia est plus nuancé: "On va de plus en plus avoir des aides à la conduite. On va avoir des machines qui sont de plus en plus autonomes. Mais l'autonomie globale, idéale, qui s'appelle l'autonomie de niveau cinq, celle-là, c'est du rêve, on n'y arrivera pas. Pour être clair, aujourd'hui on est au niveau deux. Le niveau cinq c'est vraiment du domaine du rêve."
"Par contre, le niveau quatre arrivera, ce sera presque autonome. On pourra avoir des voitures sans volant, mais de temps en temps, il y aura des interventions humaines nécessaires, en remote, pour pouvoir sortir la voiture du pétrin dans lequel elle s'est mise. Mais on ne peut pas dire, comme Elon Musk le répète à longueur de journée, que la voiture automne de niveau cinq est pour demain. Il dit ça depuis 2014, ça fait dix ans qu’on l’attend. Mais par contre, il faut continuer à travailler vers l'autonomie de niveau 4, car cela permettra d'avoir des voitures beaucoup plus sûres."
Etre transparent sur les limites
D'une façon générale, le Franco-Américain estime qu'il faut en finir avec les fantasmes que suscite l'IA. "Les développeurs doivent être plus ouverts, il faut qu'ils disent la vérité sur ces machines, sur ces systèmes. Quand on écoute des gens comme Sam Altman ou Elon Musk, ils donnent des visions du futur qui ne sont pas forcément les bonnes. Il faudrait que plus de gens s'expriment sur ces IA."
L'intelligence artificielle d'Hollywood - celle de Terminator ou Her - n'existe pas
Luc Julia insiste: "Il faut expliquer quelles sont ses failles. Quand vous savez que ChatGPT vous sort 36% d'erreur, vous êtes plus prudents. Si vous ne le savez pas, vous faites confiance au système et vous faites vous-même des erreurs. On fantasme beaucoup, et il faut mettre les pieds dans le plat - surtout les gens qui développent l’IA - et dire la vérité, où on en est."
Luc Julia prend une image: "L'intelligence artificielle d'Hollywood - celle de Terminator ou Her - n'existe pas. Ce n'est pas du cinéma. C'est de vraies applications pour de vraies gens."
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Toutefois, pour celui qui a participé à la création de Siri, l'assistant d'Apple, il ne faut pas tout dénigrer. "Il y a plein d'applications qui sont super intéressantes en médecine, dans le transport... On peut appliquer ces intelligences artificielles dans tous les domaines. Elles font gagner du temps aux gens. Mais il faut juste expliquer les limites."
Propos recueillis par Piertro Bugnon
Version web: Antoine Schaub