Modifié

La mort des étoiles massives forme les trous noirs et les étoiles à neutrons

La Nébuleuse du Crabe, les vestiges de l'explosion en supernova d'une étoile. Des astronomes japonais et chinois ont repéré cet événement violent en 1054. [Hubble/NASA/ESA - J. Hester and A. Loll (Arizona State University)/STScI]
La mort des étoiles massives forme les trous noirs et les étoiles à neutrons / Le Journal horaire / 28 sec. / le 22 janvier 2024
L'explosion en supernova d'une étoile massive peut donner naissance aux objets les plus compacts et les plus énigmatiques de l'Univers: les très denses étoiles à neutrons et les trous noirs. Pour la première fois, des astronomes ont pu l'observer directement dans une galaxie voisine.

Il existe donc bien un lien direct entre la mort explosive d'étoiles massives et la formation des objets les plus compacts de l'Univers que sont les trous noirs et les étoiles à neutrons. Cela a été pour la première fois démontré grâce à une observation directe: deux équipes ont étudié les conséquences de l'explosion d'une supernova dans une galaxie voisine et on pu trouver des informations essentielles sur l'objet compact énigmatique qu'elle a laissé derrière elle. Leurs papiers ont été publié dans Nature et The Astrophysical Journal Letters.

A la fin de leur vie, lorsqu'elles ont brûlé tout leur carburant, les étoiles massives s'effondrent sur elles-mêmes sous l'effet de leur propre gravité et créent une singularité gravitationnelle; survient alors une explosion extrêmement violente nommée supernova (lire encadré). Un phénomène cataclysmique très rare: la dernière dans notre galaxie, la Voie lactée, date d'il y a quatre siècles.

Et que reste-t-il après pareille déflagration? Les astronomes pensent que l'étoile ne laisse derrière elle qu'un vestige compact, son noyau ultra-dense: suivant la masse de l'astre, cela sera une étoile à neutrons ou un trou noir. Une étoile à neutrons est si dense qu'une cuillère à café de sa matière pèserait sur notre Terre environ mille milliards de kilogrammes! Quant au trou noir, avec sa densité infinie, même la lumière ne peut s'en échapper.

>> Lire aussi : L'Humanité voit de ses yeux un trou noir pour la première fois de l'Histoire

>> La supernova SN 2022jli, découverte en mai 2022, avant et après son explosion : La supernova SN 2022jli dans le bras spiral de la galaxie voisine NGC 157, située à 75 millions d'années-lumière, avant (a) et après (b) son explosion. [Nature - Ping Chen & al.]
La supernova SN 2022jli dans le bras spiral de la galaxie voisine NGC 157, située à 75 millions d'années-lumière, avant (a) et après (b) son explosion. [Nature - Ping Chen & al.]

Un système à deux étoiles

Il n'est pas rare que des étoiles massives soient en orbite avec une étoile compagnon dans ce qui s'appelle un système binaire; l'étoile à l'origine de la supernova SN 2022jli ne fait pas exception à la règle. Ce qui est remarquable ici, c'est que l'étoile compagnon semble avoir survécu à la mort violente de son partenaire et que les deux objets, le vestige compact et l'étoile compagnon, ont probablement continué à tourner en orbite l'un autour de l'autre.

>> Le ballet d'une étoile compagnon et de l'objet dense résultant de la supernova : Cette vue d'artiste montre le processus par lequel une étoile massive au sein d'un système binaire devient une supernova. Après l'explosion cataclysmique, l'étoile originale laisse derrière elle un objet compact: une étoile à neutrons ou un trou noir. L'étoile compagnon a survécu à l'explosion, mais son atmosphère s'est gonflée. L'objet compact et son étoile compagnon continuent à orbiter l'un autour de l'autre; l'objet compact volant régulièrement de la matière dans l'atmosphère gonflée de l'astre. Cette accrétion de matière a été observée dans les données des équipes de recherche sous la forme de fluctuations régulières de la luminosité, ainsi que des fluctuations périodiques de l'hydrogène. [ESO - L. Calçada]
Cette vue d'artiste montre le processus par lequel une étoile massive au sein d'un système binaire devient une supernova. Après l'explosion cataclysmique, l'étoile originale laisse derrière elle un objet compact: une étoile à neutrons ou un trou noir. L'étoile compagnon a survécu à l'explosion, mais son atmosphère s'est gonflée. L'objet compact et son étoile compagnon continuent à orbiter l'un autour de l'autre; l'objet compact volant régulièrement de la matière dans l'atmosphère gonflée de l'astre. Cette accrétion de matière a été observée dans les données des équipes de recherche sous la forme de fluctuations régulières de la luminosité, ainsi que des fluctuations périodiques de l'hydrogène. [ESO - L. Calçada]

Les astronomes ont observé qu'à la suite de l'explosion de cette supernova, l'astre compagnon a vu son atmosphère gonfler, enrichie par l'hydrogène gazeux laissé derrière la déflagration. Comme le ballet cosmique entre les deux entités continuait, les scientifiques ont constaté que l'objet compact volait régulièrement de la matière dans l'atmosphère de la supernova, formant ainsi un disque chaud avec ce matériau autour de lui. Cette accrétion produit beaucoup d'énergie.

Cela occasionne des fluctuations périodiques de l'hydrogène ainsi qu'une variation de la luminosité: "C'est la première fois que des oscillations périodiques répétées, sur de nombreux cycles, sont détectées dans la courbe de lumière d'une supernova", note Thomas Moore, doctorant à l'université Queen's de Belfast, en Irlande du Nord, dans l'étude qu'il a dirigée, cité dans un communiqué de l'Observatoire Européen Austral (ESO). Des bouffées de rayons gamma ont aussi été notées en provenance du système binaire.

Cette observation en temps réelle du phénomène "établit un lien direct", comme le souligne Ping Chen chercheur à l'Institut Weizmann des sciences en Israël, et auteur principal de l'une des études, avec ce vestige compact qui était jusqu'à présent resté insaisissable.

La présence d'un trou noir ou d'une étoile à neutrons étant confirmée, les scientifiques ont encore beaucoup à découvrir sur ce système énigmatique, notamment la nature exacte de l'objet compact ou la fin qui pourrait attendre ce système binaire. Selon l'ESO, les télescopes de nouvelle génération, tels que l'Extremely Large Telescope, dont la mise en service est prévue pour la fin de la décennie, y contribueront en permettant aux astronomes de révéler des détails sans précédent sur ce système unique et bien d'autres.

Stéphanie Jaquet

Publié Modifié

La Nébuleuse du Crabe, les vestiges d'une explosion en supernova

En tête d'article se trouve une image de la Nébuleuse du Crabe prise par le télescope spatial Hubble. Cette nébuleuse est composée des restes de l'explosion d'une étoile en supernova – un rémanent – et s'étend sur une distance de six années-lumière. Des astronomes japonais et chinois ont observé cet événement violent en 1054.

Les filaments oranges sont les restes en lambeaux de l'étoile et se composent principalement d'hydrogène. Dans le centre de la nébuleuse se trouve une étoile à neutrons, le noyau écrasé ultra-dense de l'astre qui a explosé. Elle tourne rapidement sur elle-même et constitue la dynamo alimentant l'intérieur de la nébuleuse d'une lueur bleuâtre.

Cette lumière bleue provient des électrons tourbillonnant presque à la vitesse de la lumière autour de lignes du champ magnétique de l'étoile à neutrons. Comme un phare, l'étoile à neutrons projette des faisceaux de rayonnements jumeaux qui semblent battre trente fois par seconde en raison de sa rotation. Une étoile à neutrons est le noyau écrasé ultra-dense de l'étoile qui a explosé.

Les couleurs de l'image indiquent les différents éléments qui ont été expulsés lors de l'explosion: le bleu dans les filaments de la partie extérieure de la nébuleuse représente l'oxygène neutre, le vert est le souffre ionisé I, et le rouge indique l'oxygène ionisé II.