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Mars hébergerait des couches de glace d'eau sur plusieurs kilomètres

Cette vue en perspective montre Eumenides Dorsum, qui fait partie de la formation Medusae Fossae (MFF) de Mars. [Smithsonian Institution - Caltech/JPL Global CTX Mosaic of Mars]
Mars hébergerait des couches de glace d'eau sur plusieurs kilomètres / Le Journal horaire / 23 sec. / le 18 janvier 2024
La sonde Mars Express de l'Agence spatiale européenne (ESA) a réexaminé de près d'épais dépôts sur la planète rouge qui intriguaient les scientifiques. Quinze ans après les premières observations, un étude estime qu'il s'agit de la plus grande quantité de glace d'eau trouvée à l'équateur martien.

C'est une vaste région équatoriale de notre cousine, la planète Mars: la formation Medusae Fossae – abrégée MFF pour Medusae Fossae Formation – intrigue les scientifiques qui désirent depuis longtemps en élucider la nature et l'origine. Est-elle constituée d'amas de poussière balayés par le vent ou seraient-ce des couches de glace d'eau?

La sonde Mars Express de l'ESA a revisité cette zone énigmatique afin d'en préciser la composition. Il y a plus de quinze ans, elle étudiait MFF et révélait des dépôts massifs pouvant aller jusqu'à une profondeur de 2,5 kilomètres, sans réussir à savoir ce qu'ils étaient.

>> La localisation sur Mars de la formation Medusae Fossae : Une carte de l'altitude de la surface martienne, avec les terres les plus basses en bleu et les plus hautes en blanc. D'une hauteur de 22 km, Olympus Mons est le volcan le plus haut de tout le Système solaire. La formation Medusae Fossae mesure des centaines de kilomètres de diamètre et plusieurs kilomètres de haut et est l'un des dépôts les plus étendus de la planète. [ESA]
Une carte de l'altitude de la surface martienne, avec les terres les plus basses en bleu et les plus hautes en blanc. D'une hauteur de 22 km, Olympus Mons est le volcan le plus haut de tout le Système solaire. La formation Medusae Fossae mesure des centaines de kilomètres de diamètre et plusieurs kilomètres de haut et est l'un des dépôts les plus étendus de la planète. [ESA]

Aujourd'hui, de nouvelles recherches et leurs résultats suggèrent que des couches de glace d'eau s'étendent sur plusieurs kilomètres sous le sol, ce qui représente la plus grande quantité d'eau jamais trouvée dans cette partie de la quatrième planète de notre Système solaire.

Des données récentes

"Nous avons réexploré la FFM en utilisant des données plus récentes du radar MARSIS de Mars Express, et nous avons découvert que les dépôts étaient encore plus épais que nous le pensions: jusqu'à 3,7 km d'épaisseur", explique Thomas Watters de la Smithsonian Institution (États-Unis), auteur principal de la nouvelle recherche et de l'étude initiale de 2007.

>> Carte de la potentielle épaisseur de glace dans la formation Medusae Fossae : La FFM est constituée de plusieurs éléments sculptés par le vent, mesurant des centaines de kilomètres de diamètre et plusieurs kilomètres de hauteur. Situées à la limite entre les hautes et les basses terres de Mars, ces caractéristiques constituent probablement la plus grande source de poussière sur la planète et l'un des dépôts les plus étendus sur celle-ci. [Smithsonian Institution - Planetary Science Institute]
La FFM est constituée de plusieurs éléments sculptés par le vent, mesurant des centaines de kilomètres de diamètre et plusieurs kilomètres de hauteur. Situées à la limite entre les hautes et les basses terres de Mars, ces caractéristiques constituent probablement la plus grande source de poussière sur la planète et l'un des dépôts les plus étendus sur celle-ci. [Smithsonian Institution - Planetary Science Institute]

"Il est intéressant de noter que les signaux radar correspondent à ce que nous attendons de la glace stratifiée et qu'ils sont similaires aux signaux émis par les calottes polaires de Mars, dont nous savons qu'elles sont très riches en glace", remarque-t-il dans le communiqué de l'ESA.

Si elle fondait, la glace emprisonnée dans Medusae Fossae recouvrirait la planète entière d'une couche d'eau de 1,5 à 2,7 mètres de profondeur: en comparaison, de quoi remplir la totalité de la mer Rouge sur notre Terre.

Une alternance de couches de glace

La FFM est constituée de plusieurs éléments sculptés par le vent, mesurant des centaines de kilomètres de diamètre et plusieurs kilomètres de hauteur: à la limite entre les hautes et les basses terres de Mars, cette formation constitue probablement la plus grande source de poussière sur la planète et aussi l'un de ses dépôts les plus étendus.

Les premières observations de Mars Express ont montré que Medusae Fossae était relativement transparente au radar et de faible densité, deux caractéristiques que l'on retrouve dans les dépôts glacés. Cependant, les scientifiques n'excluent pas une autre possibilité: ces caractéristiques pourraient aussi être des accumulations géantes de poussière, de cendres volcaniques ou de sédiments transportés par le vent.

>> La présence possible d'eau sur Mars : Lorsque Mars Express a tourné son sondeur radar MARSIS vers la MFF, il a révélé une surprise: les signaux radar renvoyés par ce qui se trouve sous la surface correspondent à ce que l'on s'attend à voir dans des dépôts stratifiés riches en glace d'eau. La ligne blanche (en haut) montre une bande de terre scannée par MARSIS. Le graphique (en bas) montre la forme du terrain et la structure du sous-sol, avec la couche de sédiments secs – probablement de la poussière ou des cendres volcaniques – en orange et la couche de dépôts riches en glace présumés en bleu. Le dépôt de glace s'étend sur des milliers de mètres de haut et des centaines de kilomètres de large. [Smithsonian Institution - CReSIS/KU]
Lorsque Mars Express a tourné son sondeur radar MARSIS vers la MFF, il a révélé une surprise: les signaux radar renvoyés par ce qui se trouve sous la surface correspondent à ce que l'on s'attend à voir dans des dépôts stratifiés riches en glace d'eau. La ligne blanche (en haut) montre une bande de terre scannée par MARSIS. Le graphique (en bas) montre la forme du terrain et la structure du sous-sol, avec la couche de sédiments secs – probablement de la poussière ou des cendres volcaniques – en orange et la couche de dépôts riches en glace présumés en bleu. Le dépôt de glace s'étend sur des milliers de mètres de haut et des centaines de kilomètres de large. [Smithsonian Institution - CReSIS/KU]

Et c'est là que les nouvelles données récoltées par radar jouent un grand rôle: "Compte tenu de sa profondeur, si la FFM n'était qu'un gigantesque amas de poussière, nous nous attendrions à ce qu'elle se compacte sous l'effet de son propre poids", explique Andrea Cicchetti, de l'Institut national d'astrophysique (Italie), coautrice de l'étude. "Cela créerait quelque chose de beaucoup plus dense que ce que nous voyons réellement avec MARSIS. Lorsque nous avons modélisé le comportement de différents matériaux dépourvus de glace, rien n'a reproduit les propriétés de la FFM – nous avons besoin de glace."

Et les nouveaux résultats suggèrent plutôt des couches de poussière et de glace, le tout surmonté d'une couche protectrice de poussière sèche ou de cendres de plusieurs centaines de mètres d'épaisseur.

>> Les données radar de Mars Express indiquent des amas de glace d'eau à l'équateur de Mars : La ligne horizontale blanche sur la carte colorée de la hauteur de la surface de Mars (en haut) montre une étroite bande de terre qui a été balayée par MARSIS. L'image en noir et blanc montre les données radar recueillies par l'instrument qui révèlent le sous-sol; plus la zone est claire, plus l'écho radar reçu de cette zone est puissant. La ligne blanche couvre deux monticules séparés par une vallée: ils sont clairement visibles sur les données radar. Leur analyse suggère que sous une épaisse couche de matière sèche (probablement de la poussière ou des cendres volcaniques), les monticules sont remplis de glace d'eau. [Smithsonian Institution - CReSIS/KU]
La ligne horizontale blanche sur la carte colorée de la hauteur de la surface de Mars (en haut) montre une étroite bande de terre qui a été balayée par MARSIS. L'image en noir et blanc montre les données radar recueillies par l'instrument qui révèlent le sous-sol; plus la zone est claire, plus l'écho radar reçu de cette zone est puissant. La ligne blanche couvre deux monticules séparés par une vallée: ils sont clairement visibles sur les données radar. Leur analyse suggère que sous une épaisse couche de matière sèche (probablement de la poussière ou des cendres volcaniques), les monticules sont remplis de glace d'eau. [Smithsonian Institution - CReSIS/KU]

Comprendre l'histoire climatique de Mars

Aujourd'hui, Mars ne semble être qu'un monde aride... mais sa surface présente de nombreux signes indiquant que l'eau y était autrefois abondante. On y trouve notamment des cours d'eau asséchés, d'anciens lits de lacs et d'océans ainsi que des vallées creusées par l'eau. Les scientifiques y ont également découvert d'importantes réserves de glace d'eau, telles que les énormes calottes polaires, les glaciers enfouis près de l'équateur et la glace présente près de la surface du sol martien.

>> Lire aussi : L'eau sur Mars s'est volatilisée il y a 3,5 milliards d'années

Des réserves massives de glace près de l'équateur, telles que celles que semblent se dissimuler sous la surface sèche de la MFF, n'ont pas pu se former dans le climat actuel de la planète, selon l'étude parue jeudi dans les Geophysical Research Letters. Elles ont dû apparaître à une époque climatique antérieure: "Cette dernière analyse remet en question notre compréhension de la formation de Medusae Fossae et soulève autant de questions que de réponses", remarque Colin Wilson, scientifique de l'ESA chargé du projet Mars Express et de la sonde ExoMars Trace Gas Orbiter (TGO) de l'ESA.

"Ces dépôts de glace se sont formés il y a combien de temps et à quoi ressemblait Mars à cette époque? S'il est confirmé qu'il s'agit de glace d'eau, ces dépôts massifs modifieraient notre compréhension de l'histoire climatique de Mars. Tout réservoir d'eau ancien constituerait une cible fascinante pour l'exploration humaine ou robotique" (lire encadré).

>> Lire : "Mars restera inhabitable, et la Terre, même dégradée, sera infiniment plus habitable"

Stéphanie Jaquet

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De l'eau pour les missions humaines

L'étendue et la localisation de cette glace la rendrait également potentiellement très précieuse pour une future exploration de Mars. Les missions humaines vers la planète rouge devront atterrir près de l'équateur, loin des calottes polaires riches en glace ou des glaciers des hautes latitudes: elles auront besoin d'eau comme ressource – trouver de la glace dans cette région est donc une nécessité pour ce type d'exploration.

"Malheureusement, ces dépôts de MFF sont recouverts de centaines de mètres de poussière, ce qui les rend inaccessibles au moins pour les prochaines décennies. Cependant, chaque morceau de glace que nous trouvons nous aide à nous faire une meilleure idée des endroits où l'eau de Mars a coulé auparavant et où elle peut être trouvée aujourd'hui", ajoute le scientifique.

Alors que Mars Express cartographie la glace d'eau à une profondeur de quelques kilomètres, l'orbiteur martien TGO offre une vue de l'eau proche de la surface. Cet orbiteur transporte l'instrument FREND, qui cartographie l'hydrogène – un indicateur de la présence de glace d'eau – dans le mètre supérieur du sol martien. FREND a repéré une zone riche en hydrogène de la taille des Pays-Bas dans la Valles Marineris de Mars en 2021, et cartographie actuellement la répartition des dépôts d'eau peu profonds sur la planète rouge.

"Ensemble, nos explorateurs martiens nous en apprennent toujours plus sur notre planète voisine", se réjouit Colin Wilson.

>> Lire aussi : La vie existe-t-elle sur les mondes océans de notre Système solaire?