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Les abeilles produisent des nutriments pour leur flore intestinale

Des scientifiques de l'UNIL et de l'EPFL ont démontré que les abeilles sont capables de produire des nutriments pour nourrir leur microbiote. [Depositphotos - Markus6318]
Quand les abeilles produisent des nutriments pour leur microbiote / CQFD / 9 min. / le 17 janvier 2024
Les abeilles élaborent des nutriments pour leur propre microbiote. Selon une étude lausannoise, les hyménoptères fabriquent eux-mêmes les ingrédients nécessaires à une certaine bactérie intestinale lorsque ceux-ci font défaut dans leur alimentation.

Ce mécanisme nouvellement découvert pourrait jouer un rôle dans la vulnérabilité des abeilles face au changement climatique, aux pesticides ou aux nouveaux agents pathogènes, écrivent l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et l'Université de Lausanne (UNIL) dans un communiqué.

Pour l'étude publiée cette semaine dans la revue Nature Microbiology, l'équipe de recherche a élevé des abeilles sans bactéries intestinales et les ont nourries exclusivement d'eau sucrée.

En examinant les bactéries présentes dans l'intestin des abeilles, les scientifiques ont découvert, contre toute attente, la bactérie Snodgrassella alvi. Celle-ci ne peut pas métaboliser le sucre pour se développer.

Le fait que cette bactérie ait colonisé l'intestin de l'abeille même lorsque le sucre était le seul aliment et qu'aucune autre bactérie n'était présente a tout d'abord laissé chercheuses et chercheurs perplexes. En effet, les bactéries intestinales se nourrissent normalement des substances présentes dans l'alimentation.

En mesurant les produits du métabolisme dans l'intestin de l'abeille, les biologistes ont constaté que l'abeille produit plusieurs acides, dont l'acide citrique et l'acide malique, qui sont transportés dans l'intestin. Lorsque les bactéries Snodgrassella alvi étaient déjà présentes, les abeilles produisaient moins de ces acides.

"Nous ne sommes pas encore sûrs du rôle spécifique de S. alvi, mais nous avons des pistes", explique Yassine El Chazli, docteur en microbiologie et coauteur de l'étude: "Elle est capable d'utiliser de l'urée ou de l'acide urique – qui sont des déchets du métabolisme de l'abeille – et aussi qu'elle est capable de produire des métabolites ou des composés qui sont impliqués dans la synthèse des acides aminés ou de neurotransmetteurs", précise-t-il au micro de CQFD.

Lien avec la vulnérabilité

Grâce à des atomes spécialement marqués, les scientifiques ont pu prouver que les bactéries intestinales étaient effectivement nourries avec ces acides ainsi fabriqués. Selon la recherche, la vulnérabilité des abeilles pourrait être liée à ce système complexe du microbiome intestinal.

"Nous savons déjà que le contact avec l'herbicide glyphosate rend les abeilles plus vulnérables aux agents pathogènes et réduit l'abondance de S. alvi dans l'intestin", a déclaré le responsable de l'étude Andrew Quinn, de l'UNIL, cité dans le communiqué.

Les personnes ayant mené cette étude souhaitent donc étudier plus précisément le microbiome intestinal des abeilles dans le cadre d'autres études.

ats/sjaq

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