Au volant de sa Citroën C3, en septembre dernier, Catherine Spertini n'a d'abord rien compris: "Je roulais sur une route de Vevey quand tout à coup le témoin d'huile s'est mis à clignoter. Il y a eu des alarmes 'panne de moteur, arrêtez-vous'", témoigne-t-elle mardi dans l'émission A Bon Entendeur de la RTS.
L'automobiliste fait immédiatement réparer son véhicule, mais deux jours plus tard, rebelote: moteur à l'arrêt, alarmes et retour au garage. Cette fois, le constat est grave: le moteur doit être changé, alors que le véhicule n'a roulé que 40'000 kilomètres.
Catherine Spertini ne le sait pas encore, mais elle fait partie des très nombreux propriétaires de véhicules équipés d'un moteur PureTech défaillant. Son garagiste ne pipe mot du scandale qui sourd au niveau européen. "C'est après que je me suis renseignée et que j'ai vu que je n'étais pas un cas isolé", raconte-t-elle. Un euphémisme: sur les réseaux sociaux, les récits de mésaventures liés au moteur PureTech se multiplient. Ils accablent des marques phares du groupe Stellantis: Peugeot, Citroën, Opel ou DS.
Alerte lancée en 2020
Sur Facebook, un groupe français fédère plus de 23'000 mécontents et mécontentes. Ce qui se révèle être une affaire d'ampleur colossale dure depuis des années. Le moteur PureTech faisait pourtant figure de bijou technologique, couronné "meilleur moteur de l'année" à plusieurs reprises entre 2015 et 2018. Mais sa courroie de distribution, baignée dans l'huile, tend à se fragiliser, entraînant potentiellement la rupture du moteur.
L'enjeu est de taille, le danger réel. Le 20 novembre 2020, la Commission européenne lance une alerte et des véhicules sont rappelés. Deux ans plus tard, nouvelle vague de rappels. Et pourtant: cela ne concerne de loin pas tous les moteurs défectueux. Côté français, les clients mécontents s'organisent: quelque 4300 plaignants se sont regroupés pour mener une action de groupe ('class action') dans l'optique de pouvoir négocier avec Stellantis, voire de porter l'affaire au pénal si les négociations ne portent pas leurs fruits. "On est dans le domaine du scandale industriel", commente Jacques Roulet, avocat spécialiste du secteur automobile.
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Des mesures jugées "insuffisantes"
Le groupe "savait très bien dès 2012, peu après la commercialisation de ce moteur, qu'il posait de nombreux problèmes. Ce qui veut dire que depuis 2013-2014, Stellantis a continué de vendre des centaines de milliers de véhicules en sachant qu'il faisait porter le risque sur le consommateur".
Contacté, Stellantis admet que "des cas de consommation excessive d'huile ou un défaut de pression d'huile généré par la dégradation prématurée de la courroie de distribution peuvent apparaître". Le groupe a ainsi récemment adopté une nouvelle politique de prise en charge des dommages du moteur en fonction de l'âge du véhicule ou du kilométrage.
Des mesures jugées insuffisantes par les trois témoins qui ont exposé leur situation à la RTS. En Suisse, le droit ne connaît pas de procédure de groupe telle que celle qui a été lancée en France. Toutefois, le message de l'avocat Jacques Roulet est clair: "Si son véhicule est touché, il faut montrer les dents. Le fait que 4300 automobilistes touchés agissent en France aujourd'hui montre que nous avons des atouts en Suisse pour agir également."
Elisa Casciaro et Linda Bourget