C'est le dernier souci technique en date pour cette mission qui pourra durer de six à onze ans, lancée le 1er juillet 2023. Euclid est parti pour dresser une carte des étoiles et des galaxies couvrant le tiers du ciel observable. Grâce à elle, les scientifiques espèrent en apprendre plus sur la nature de l'énergie sombre et de la matière noire, deux entités encore jamais observées et censées constituer 95% de l'Univers.
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Mais dès novembre dernier, les équipes au sol ont remarqué que VIS, pour Visible Instrument, qui restitue des images en lumière visible, recevait moins de lumière qu'attendu. Une fine couche de glace d'une épaisseur de quelques nanomètres s'était accumulée sur l'optique de l'imageur, dont certains composants ont été développés en Suisse.
Réchauffer l'ensemble de la sonde – en la faisant passer de -140 degrés Celsius à -3 degrés – aurait pu provoquer une dilatation de certaines pièces, et aurait de surcroît imposé un recalibrage de tout le télescope d'au moins un mois. L'ESA a préféré réchauffer simplement le premier miroir de 34 degrés. Après une centaines de minutes, cela a suffi à restaurer la vision d'Euclid, selon un communiqué publié mardi.
>> L'impact de la première opération de dégivrage:
"Notre suspect primaire, le miroir le plus froid derrière l'optique principale du télescope, a été chauffé de -147°C à -113°C. Il n'a pas eu besoin de devenir très chaud car, dans le vide, cette température suffit à évaporer rapidement toute la glace. Cela a fonctionné comme un charme!", se réjouit Mischa Schirmer, scientifique chargé de l'étalonnage pour le Consortium Euclid et l'un des principaux concepteurs du plan de dégivrage. "Presque immédiatement, nous avons reçu 15% de lumière en plus en provenance de l'Univers. J'étais certain que nous verrions une amélioration considérable, mais pas d'une manière aussi spectaculaire".
Quelques déboires
Euclid a connu son lot de déboires depuis son lancement: il a subi l'influence de rayons cosmiques qui ont perturbé le système de guidage du vaisseau spatial et imposé une mise à jour compliquée de son système informatique.
Une lumière solaire parasite a aussi interféré avec ses observations. Ce problème a été réglé avec une petite rotation du télescope, qui a officiellement démarré ses observations scientifiques en février, après avoir livré en novembre de premières images époustouflantes de galaxies situées dans les profondeurs du cosmos (voir archives en bas de page).
sjaq et l'ats
Une mission à forte participation de la Suisse
Le supertélescope européen Euclid s'est envolé le 1er juillet dernier depuis le Kennedy Space Center de Cap Canaveral. Plusieurs institutions suisses y sont partie prenante: l'Université de Genève (UNIGE), l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), l'Université de Zurich (UZH), la division des Affaires spatiales de la Confédération, ainsi que, à une moindre échelle, la Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse (FHNW).
L'UNIGE a notamment développé des algorithmes permettant de mesurer la distance des galaxies; l'EPFL se penchera sur l'effet de lentille gravitationnelle produit par certaines d'entre elles, voire par des amas de galaxies. L'UZH a quant à elle créé des simulations reproduisant la distribution des galaxies.