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Batteries "tout solide": la révolution tant attendue pour l’électromobilité

Les batteries des voitures électriques font l'objet d'une intense course à la technologie
Les batteries des voitures électriques font l'objet d'une intense course à la technologie / 19h30 / 2 min. / le 1 mars 2024
Présentes dans tous nos objets électroniques, des voitures électriques aux cigarettes électroniques, les batteries sont actuellement au cœur d’intenses recherches à travers le monde. Avec un seul objectif: les rendre plus sûres, plus petites et augmenter leur autonomie. Une révolution est en cours avec l'avènement des premières batteries "tout solide".

Ces nouvelles batteries sont appelées à remplacer celles dites "lithium-ion" (ou Li-ion), ubiquitaires, mais qui portent encore le fâcheux risque d'exploser! En cause: le liquide interne du dispositif.

Risque d'explosion des batteries lithium-ion

Le rôle premier de ce fluide est de conduire les particules de lithium entre le pôle positif et le pôle négatif lors de la charge de l'accumulateur et l'inverse lors de sa décharge, qui permet alors d'alimenter en électricité tout objet qui y est connecté, tel un smartphone, une trottinette électrique ou un ordinateur portable. Le problème, c'est que si la température critique de la batterie est dépassée (lorsque celle-ci est par exemple exposée longtemps en plein soleil), ce liquide peut s'enflammer spontanément.

Composition d'une batterie Li-ion actuelle. [RTS]
Composition d'une batterie Li-ion actuelle. [RTS]

En 2016, le fabricant sud-coréen Samsung avait même dû rappeler sa gamme de Galaxy Note 7. Plusieurs acquéreurs avaient en effet rapporté avoir vu ce smartphone prendre feu, à cause justement de défauts dans la batterie. Cela avait même conduit les autorités de l'aviation américaines à interdire cet appareil dans tout avion de ligne. Depuis, les fabricants de téléphones portables ne jurent plus que par la sécurité.

>> Sur le sujet, lire : Le fiasco du Galaxy Note 7 est dû à sa batterie, confirme Samsung

Batteries plus sûres

Et cette sûreté, les batteries "tout solide" peuvent l'apporter. Car pour remplacer le liquide interne, les physiciens du monde entier tentent de développer une couche, solide cette fois, mais aux propriétés électroniques similaires. Qui ne peut, elle, pas s'enflammer. Et qui apporte bien d'autres avantages.

Composition d'une batterie tout solide. [RTS]
Composition d'une batterie tout solide. [RTS]

Parmi lesquels, une densité d'énergie accrue de 30 à 60%: autrement dit, ces batteries occupent un volume plus petit que leurs pendantes au lithium liquide pour fournir la même énergie. De quoi accroître, par exemple, l'autonomie des voitures électriques à un millier de kilomètres, contre quelques centaines seulement aujourd'hui.

Ensuite, ces batteries "tout solide" pourraient être rechargées en un quart d'heure. L'argument les rendrait concurrentielles avec le temps d'un plein d'essence.

Enfin, elles résisteraient à des écarts de températures (-20°C à 100°C) bien plus larges que les batteries actuelles (15°C à 35°C).

"Course" au développement

Plusieurs matériaux candidats pour constituer cette couche sont testés dans les laboratoires tant des fabricants de batteries privés que des universités publiques.

"C'est vrai, il y a une véritable course pour développer cette nouvelle technologie de batteries, parce qu'il y a très peu de diversification dans la technologie actuelle", explique Corsin Battaglia, directeur du laboratoire de Matériaux pour la conservation d'énergie à l'EMPA (Laboratoire fédéral d'essais des matériaux) à Dübendorf, près de Zurich.

"Et celle ou celui qui arrivera à introduire cette nouvelle technologie dans le marché mènera la course", ajoute-t-il.

Avec à la clé un marché estimé à des dizaines de milliards de dollars, notamment en Europe, qui a d'ores et déjà banni la vente de toute nouvelle voiture thermique dès 2035.

>> Pour en savoir plus, lire : Le Parlement européen approuve la fin des moteurs thermiques en 2035

Selon l'Agence Internationale de l'Energie, le nombre de véhicules électriques dans le monde pourrait ainsi passer de 16,5 millions en 2021 à environ 350 millions en 2030.

Asie leader

Pour rester dans cette course, l'Europe a lancé l'initiative Battery 2030+, dotée de 150 millions d'euros. "Dans cette course, c'est pour l'instant l'Asie qui est en tête", avertit Corsin Battaglia.

La Chine est leader dans ce domaine. Mais juste derrière, la Corée du Sud espère se tailler la part du lion, avec ses trois principaux fabricants de batteries que sont Samsung SDI, LG Energy Solution et SK On.

Récemment, le gouvernement a d'ailleurs annoncé vouloir investir 15 milliards de dollars d'ici à 2030 pour faire partie du peloton de tête. Et le pays ne part pas de rien: un chercheur de l'Université Dankook, près de Séoul, a ainsi mis au point un matériau pour cette couche médiane des batteries "tout solide" ayant la meilleure conductivité ionique au monde, autrement dit la meilleure efficacité.

Aussi prometteuses qu'elles soient, les batteries "tout-solide" ne semblent toutefois pas encore totalement abouties: le matériau idéal, à la fois robuste et fiable, qui ne se dégrade pas trop vite, mais qui résiste bien aux multiples cycles de charges et décharges (jusqu'à un millier) et qui est facile à fabriquer tout en étant rentable à intégrer dans les accumulateurs, reste à élaborer. L'un des principaux problèmes est la formation de fissures dans cette couche solide, appelées "dendrites", qui peuvent ensuite être sources de courts-circuits dévastateurs.

C'est d'ailleurs principalement ce qui retient les fabricants de franchir le pas de la production en masse tant attendue, qui permettrait de changer la donne dans le domaine de l'électromobilité.

Selon le cabinet de conseil en stratégie McKinsey, le marché global des batteries Li-ion sera de 400 milliards en 2030.

Olivier Dessibourg

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La course aux annonces, même si elles risquent de devoir être repoussées

Que ce soit chez les fabricants de véhicules ou de batteries, c'est la guerre aux effets d'annonce dans le but d'attirer l'intérêt des investisseurs et de mettre la pression sur les concurrents. Mais ils sont parfois trop optimistes et les entreprises voient leurs dates de mise sur le marché reportées.

Nouveaux "systèmes de fabrication en masse"

A Daejeong, en Corée du Sud, le centre de recherche du fabricant de batteries SK On a ouvert ses portes à la RTS de manière très exceptionnelle.

L'un de ses chercheurs principaux, Seongje Wu, admet: "Pour accélérer la commercialisation des batteries ‘tout solide', nous devons encore améliorer les matériaux impliqués, mais surtout aussi repenser tous les systèmes de fabrication en masse, en tentant si possible de réutiliser les lignes de production des batteries actuelles."

Car changer du tout au tout de telles lignes de production de masses, avec des matériaux et des modes fabrication différents, constitue en effet souvent, pour les fabricants, un virage radical dans lequel tout mauvais choix serait fatal. Chez SK On, même si l'on envisage d'installer une ligne pilote dès l'an prochain, on évoque maintenant 2028, voire 2030.

La même promesse depuis plus de 10 ans

Parmi les fabricants de voitures électriques, c'est Toyota qui a récemment fait l'actualité, en indiquant vouloir produire en masse et commercialiser son produit de batteries "tout solide" en 2027. De quoi garantir une autonomie de 1000 km, avec un temps de charge de seulement 10 minutes. Mais la firme japonaise fait une promesse similaire depuis une bonne décennie...

La batterie "tout solide" de Toyota. [Toyota]
La batterie "tout solide" de Toyota. [Toyota]