Ce reportage nous emmène en Amérique du Nord, en Nouvelle-Calédonie, en Inde, en Europe... Pour nous confronter à ces animaux qui sont le reflet de notre humanité.
Corbeaux et corneilles ont mauvaise réputation. Leur plumage noir, leur cri rauque et le fait qu’ils soient des charognards en ont fait des oiseaux de malheur par excellence. Leur proximité est aussi un facteur car, depuis la nuit des temps, partout où l’homme s’installe on trouve ces corvidés. C’est ce lien assez unique entre deux espèces qu’on découvre dans le documentaire "Corbeaux et corneilles – La nature nous observe!" (à voir ci-dessous).
Indépendance et opportunisme
Bien sûr d’autres animaux, comme les chiens et les chats, sont plus proches de l’Homme mais ceux-ci ont été domestiqués. Corbeaux et corneilles sont restés sauvages, avec un goût prononcé pour le voisinage humain, à distance raisonnable toutefois. Cela dit, pourquoi ces animaux plutôt farouches sont-ils toujours dans nos pattes ? Les raisons sont multiples et les bénéficiaires ne sont pas forcément ceux à qui l’on pense.
Lorsque nous étions encore un peuple de chasseurs-cueilleurs, ces oiseaux nous suivaient pour manger nos restes. Incapables de dépecer seuls une proie, ils comptaient sur le travail de nos ancêtres pour se nourrir de ce qui était laissé sur place. Mais certaines théories décrivent un autre mode de collaboration, comme le fait de guider des meutes de loups – voire les chasseurs eux-mêmes – au gibier pour profiter de leur repas. Au fil du temps, notre proximité avec ces animaux a contribué à modifier nos habitudes. Elle nous a par exemple poussé à mieux protéger notre nourriture et à enterrer nos défunts.
En ville, le gîte et le couvert
La chasse n’étant plus un moyen de subsistance pour l’Homme, les raisons de cette cohabitation ont changé. Les corneilles nous accompagnent aujourd’hui en ville car nous leur offrons tout ce dont elles ont besoin : la nourriture bien sûr, grâce à nos déchets, mais aussi la sécurité. Ces oiseaux, qui ont une mauvaise vision nocturne, sont une des proies favorites des hiboux. Ils profitent dès lors de notre éclairage public, notamment le long des routes, pour repérer leurs prédateurs. Idem dans les forêts dont l’aménagement offre une meilleure visibilité aux corvidés. Enfin à Tokyo, ils volent des cintres en métal - plus faciles à plier que les branches - pour construire leurs nids.
Nous sommes pertinents pour les corneilles donc elles nous accordent beaucoup d'attention.
Nos destins semblent donc liés et ces oiseaux, conscients de notre importance, nous surveillent. A force d’observation, ils deviennent capables de faire la différence entre un individu menaçant – un chasseur par exemple – et un simple quidam. Le film montre d’ailleurs qu’ils peuvent reconnaître le véhicule ou le visage d’un humain à éviter. Leur intelligence va plus loin encore puisque certains groupes sont capables de façonner des outils. En Nouvelle-Calédonie, des corneilles utilisent des brindilles recourbées pour extraire de l'écorce des arbres les larves dont elles raffolent. Enervées, les larves finissent par mordre à l’hameçon, littéralement. La corneille n’a plus qu’à tirer sur la brindille pour déguster sa proie.
Miroirs de nos vicissitudes
L’intelligence des corvidés se manifeste de bien des façons. Ils sont parmi les rares animaux qui jouent, sont capables de reconnaître leurs congénères grâce à leur cri ou d’apprendre de leurs aînés. Comme chez les humains, certains individus sont plus doués que les autres. Les juvéniles chassés du nid goûtent à tout ce qu’ils trouvent mais parmi eux, les plus malins se contentent d’observer, sans prendre le risque d’avaler quelque chose de nocif. Ils observent et apprennent.
Toutes ces similitudes avec le genre humain devraient en faire des animaux populaires mais il n'en est rien. Car en plus de leur couleur et de leur cri rauque, ils festoient sur les ordures de nos décharges ou les cadavres de nos champs de bataille, nous renvoyant ainsi la pire image de nous-mêmes.
Franck Sarfati – RTS Les Documentaires
Mythologie et culture populaire
Les corvidés et le corbeau en particulier sont présents dans de nombreuses croyances et légendes. Chez les Grecs, c'est un corbeau blanc qu'Apollon charge de veiller sur une princesse dont il est tombé amoureux.
Dans la mythologie nordique, les corbeaux Hugin et Munin sont postés sur les épaules du dieu Odin auquel ils font un rapport quotidien sur les événements du monde. L'Ancien Testament décrit comment Noé, au bout de quarante jours, confie à un corbeau la tâche de vérifier si l'eau a baissé.
On trouve également des corbeaux dans toutes les formes d'art, de la littérature au cinéma en passant par la peinture. Arthur Rimbaud en fait un sinistre charognard dans un de ses poèmes et Edgar Allan Poe le décrit comme un messager surnaturel dans sa nouvelle "Le Corbeau". Vincent Van Gogh le représente dans son "Champ de blé aux corbeaux" et Alfred Hitchcock en fait une menace venue du ciel, dans son film "Les Oiseaux".