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Des médecins accusés de recevoir de l'argent des pharmas pour prescrire plus d'opioïdes

À travers l'entreprise bâloise Mundipharma, fondée il y a 72 ans par la famille de milliardaires américains Sackler,
des médecins sont payés pour prescrire des opioïdes. [Keystone/DPA - Monika Skolimowska]
Les médecins sont-ils encouragés à prescrire des opioïdes contre rémunération? Interview de Marc Suter et Pierre-Yves Ro / Forum / 7 min. / le 18 septembre 2024
Des médecins et organisations de santé suisses auraient reçu plus de 3,5 millions de francs ces huit dernières années de la part de Mundipharma, active dans le commerce des médicaments à base d'opioïdes, révèle une enquête de Tamedia. Rien d'illégal selon Marc Suter, président de Swiss Pain Society.

L'enquête publiée dans plusieurs journaux de Tamedia mercredi pointe du doigt l'entreprise installée à Bâle et créée par la famille Sackler, considérée comme coresponsable de la crise des opioïdes aux Etats-Unis. Elle est accusée d'avoir stimulé le marché en faisant des dons aux distributeurs via sa société pharmaceutique.

>> Sur ce sujet, lire : Face au fléau des opioïdes, les Etats-Unis tentent de soigner les drogués

Je suis régulièrement consulté par des représentants médicaux pour faire la promotion de certains produits, y compris des opiacés

Pierre-Yves Rodondi, directeur de l'institut de médecine de famille à l'Université de Fribourg

Pour Marc Suter, président de Swiss Pain Society qui a bénéficié de ces dons, il s'agit "d'un processus légal et bien régulé", a-t-il expliqué dans Forum mercredi soir.

Influence de l'industrie pharmaceutique

Mais selon Pierre-Yves Rodondi, directeur de l'institut de médecine de famille à l'Université de Fribourg, cet argent sert à deux choses: mieux informer et augmenter les ventes. "Il y a deux aspects: l'argent mis à disposition permet d'offrir une meilleure information sur l'utilisation des opiacés (...) et le but est aussi d'augmenter les ventes et notamment dans des situations qui ne le justifient pas forcément. C'est là la problématique."

Il note que cette situation "montre à quel point nous, médecins, on peut être influencé par un professionnel de l'industrie pharmaceutique".

Celui qui est aussi médecin généraliste à Pully affirme être régulièrement approché par des représentants médicaux "pour faire la promotion de certains produits, y compris des opiacés". Mais il assure que tous les médecins ne reconnaissent pas l'être. "Quand on leur demande s'ils le sont, ils répondent 'moi pas', et à la question de si leurs collègues le sont, ils répondent 'oui bien sûr'."

Transparence en question

Ces versements posent surtout la question de la transparence, estime Pierre-Yves Rodondi. "Pourquoi ne pas obliger à ce qu'on puisse savoir ce que chaque médecin reçoit de l'industrie?", interroge-t-il au micro de la RTS. "Je le dirai à mes patients si tel était le cas", assure-t-il en relevant que "le fait qu'on ne puisse pas forcément le voir est problématique car ça voudrait dire qu'on a quelque chose à cacher". Il est donc important de mettre la transparence "à disposition de la population", renchérit-il. "C'est un élément important pour faire du bon travail."

Même s'il reconnaît que de "gros efforts" sont faits, notamment dans les conférences.

En tout cas, le médecin insiste sur le fait que le risque que la situation des opioïdes des Etats-Unis atteigne la Suisse est "à (son) avis très limité" car "on sait ce qui s'y est passé", précise-t-il.

Propos recueillis par Mehmet Gultas

Adaptation web: juma

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