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Des playlists néo-nazies diffusées en libre accès sur Spotify

De la musique nazie sur Spotify ?
De la musique nazie sur Spotify ? / Vraiment / 16 min. / le 19 mars 2024
Des dizaines de chansons antisémites, faisant l'apologie de l'Allemagne nazie ou appelant à la haine, ont été repérées sur Spotify par Vraiment, la nouvelle émission d’enquête et de fact-checking de la RTS.

Avec plus de 600 millions d’utilisateurs et utilisatrices à travers le monde, Spotify est l’une des plus prisées pour l’écoute de musique en ligne. Sur son site officiel, la plateforme suédoise affiche une politique très stricte au sujet de la suppression de tout contenu qui ferait la promotion de la haine ou de la violence, notamment en raison du sexe, de la religion ou de l’origine d’un groupe de personnes.

Cependant, l'enquête de la RTS montre que la plateforme diffuse à large échelle et gratuitement des chansons antisémites ou faisant ouvertement l’apologie du troisième Reich. Une multitude de symboles nazis ont également été découverts sur la plateforme, au cœur même des playlists.

"Brûlez-les tous"

Parmi les chansons repérées par l'émission Vraiment figure un titre de XIV Sacred Word, un groupe de hard rock américain, dont le nom de scène fait référence aux quatorze mots d’un slogan raciste et suprémaciste. Mais il n’y a pas que le nom du groupe qui interroge.

Les recherches de la RTS montrent que les paroles ultra-violentes des chansons de ce groupe vont clairement à l’encontre des règles annoncées par Spotify. On peut y lire notamment "Mort aux juifs", "Brûlez-les tous" ou encore "Au diable cette invasion juive".

Selon Johanne Gurfinkiel, le secrétaire général de la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD), la présence de ces propos en libre accès sur Spotify est inacceptable: "La régulation que devrait opérer ces plateformes serait de nettoyer ces propos qui sont juste des appels à la haine, à la violence et à l’extermination de groupes de personnes".

Des contenus non supprimés

Contactée, la plateforme Spotify rappelle qu'elle supprime "les contenus qui encouragent ou soutiennent clairement l'extrémisme violent" et qu'une "grande partie des contenus" soumis par la RTS ont "déjà été retirés de la plateforme".

Mais après vérification, ces contenus n’ont pas totalement disparu. Ils ont été grisés par le site suédois, qui a bloqué leur écoute, mais les titres et vignettes des albums restent toujours bien visibles sur la plateforme même quand ils affichent des symboles extrémistes.

Cela pose un problème en termes de citoyenneté et de sensibilisation du jeune public

Johanne Gurfinkiel, secrétaire général de la CICAD

"Cela pose un problème en termes de citoyenneté et de sensibilisation du jeune public", explique Johanne Gurfinkiel, car si des plateformes comme Spotify reprennent et diffusent ce type de musique, cela peut entraîner une banalisation et donner l'impression que c'est acceptable.

Tromper l’algorithme avec des symboles alternatifs

Au-delà des paroles, des visuels et symboles nazis se retrouvent également sur la plateforme. Pour éviter de se faire bloquer par les algorithmes, les groupes de musique néo-nazis n’utilisent pas de croix gammée et n’affichent pas clairement de salut hitlérien.

A la place, un code alternatif s’est développé pour permettre aux initiés de partager et diffuser massivement leurs playlists. A titre d’exemple, les codes "NSBM" (National Socialist Black Music) ou "88" pour "Heil Hitler" (car la lettre H est la huitième de l’alphabet) font partie des plus utilisés.

Côtés symboles, ces groupes de musique mettent en avant les runes et des croix d'inspiration gothique, qui se retrouvent sur de nombreuses pochettes d'albums et d'illustrations de playlists.

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Une fuite de données révèle 47 clients suisses

La RTS a également mené l’enquête après le piratage fin 2023 de Midgard, l’un des principaux sites européens de vente en ligne de musique d’extrême droite et néo-nazie. Dans sa rubrique "à propos", le site annonce "vendre des produits intéressants pour les personnes radicales" et être heureux «"d’aider les personnes et organisations qui luttent pour la cause blanche".

Les noms, pseudonymes et adresses utilisés pour près de 20’000 commandes à travers le monde entre 2017 et 2022 ont été révélés et publiés sous forme d’un registre consultable. "Nous voulons que ce registre soit une ressource pour toute personne qui souhaite enquêter […] sur la mouvance nazie", déclare dans un communiqué le groupe antifasciste suédois à l’origine de ce piratage.

Parmi les clients repérés, Matthias M. un client déjà connu des autorités pour avoir organisé un concert néo-nazi en Suisse et Gaël R., membre des Hammerskins, un groupe skinhead et suprémaciste blanc. Contacté, aucun n’a souhaité faire de commentaire à la RTS.  

Par cette action, les pirates souhaitent exposer au grand jour les clients et déclarent que "personne ne peut être anonyme quand il choisit de soutenir le mouvement nazi".

Vraiment, la nouvelle émission digitale de la RTS

Vraiment est une émission d’investigation et de fact-checking. Vraies informations ou publications mensongères? Face à la multiplication des fake news et des escroqueries en ligne, Vraiment vérifie pour vous.

Publiée sur la chaîne YouTube de la RTS chaque troisième mardi du mois, cette émission donne les clés pour traquer l’arnaque et suivre les coulisses des enquêtes. Un format novateur, collaboratif et transparent au service du public romand.