L'électricité nucléaire génère peu de CO2, mais a un gros impact sur lʹenvironnement
L'énergie nucléaire, décriée depuis toujours par les mouvements écologistes, trouve désormais des partisans au sein même de ces mouvements. Une évolution qui s'explique par la priorité accordée au changement climatique, car le nucléaire produit très peu de gaz à effet de serre et ne contribue donc pas au réchauffement de la planète.
Cependant, si on prend en compte des indicateurs liés à l’ensemble de l’environnement plutôt qu’au seul climat, l’énergie nucléaire est loin d’être propre.
Une énergie peu impactante pour le climat
L'électricité d'origine nucléaire se distingue par sa faible émission de gaz à effet de serre. Contrairement aux centrales à charbon ou à gaz, les centrales nucléaires n'émettent en effet presque pas de CO2 lorsque des réacteurs sont en activité.
Il n'existe pas d’énergie réellement propre
Mais pour Philippe Thalmann, professeur d’économie et d’environnement à l’EPFL, il faut aussi tenir compte de la construction d’une centrale, de son futur démantèlement, ainsi que de l’extraction et du transport de l’uranium.
"Si on prend tout cela en compte, on arrive à 24 grammes de CO2 par kilowattheure. C’est le double de l'hydraulique des barrages, mais la moitié de ce que l’on produit avec les panneaux solaires ou avec les éoliennes", relève l'expert dans l’émission On en parle. Cette particularité fait certes du nucléaire un atout majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique. "Mais il n’y a pas que cela", nuance l’expert.
Des critères plus larges révèlent un fort impact sur l’environnement
En effet, limiter l'impact environnemental d'une source d'énergie à ses seules émissions de gaz à effet de serre serait réducteur. Pour Philippe Thalmann, "il est essentiel de considérer l'ensemble des impacts environnementaux sur toute la durée de vie des différents composants impliqués". C’est pourquoi, en Suisse, les écobilans réalisés par l’Office fédéral de l’environnement se calculent en "unités de charge écologique" (UCE), qui permettent une analyse plus large des atteintes à l’environnement.
Cette approche intègre des dizaines de critères allant de la gestion des déchets à l'utilisation des sols, en passant par le risque d'accident et les émissions de microparticules ou encore l'utilisation des ressources. Elle est basée sur les lois et les objectifs que la Suisse s’est fixés dans chacun de ces domaines. Evalué en termes d’UCE, l’impact écologique de l’énergie électrique nucléaire devient considérable, en raison principalement des risques liés à la gestion des déchets nucléaires.
L’énergie hydraulique, c’est mieux, la sobriété encore plus
Pour limiter l’impact de notre consommation électrique, l'énergie hydraulique se distingue comme la source la plus verte et durable. Qu'il s'agisse de gaz à effet de serre ou d'UCE, l'hydroélectrique occupe la première place en matière d'impact environnemental. Il est recommandé ainsi aux consommatrices et consommateurs qui ont le choix de leur source d’énergie de favoriser l'électricité d'origine hydraulique, même si elle coûte un peu plus cher.
Néanmoins, "il n’existe pas d’énergie réellement propre", souligne Philippe Thalmann. La meilleure solution est encore de faire preuve de sobriété.
Sujet Radio : Mathieu Truffer et Bastien von Wyss
Adaptation web : Laure Pagella et Bastien von Wyss
Différents calculs, différents résultats
Entre mesure des gaz à effet de serre et évaluation en "Unités de charge écologique" (UCE), la méthode de calcul peut faire varier considérablement le résultat d’un impact écologique.
D’autres méthodes de calcul, utilisées par des agences internationales, agrègent différemment les multiples variables et arrivent à la conclusion que l’énergie nucléaire est moins impactante que si on la considère sous l’angle des UCE.
Selon Philippe Thalmann, les lobbys peuvent expliquer certaines de ces décisions. Mais c’est surtout la prise en compte complète, dans les calculs suisses, de l’impact des déchets nucléaires qui fait la différence et plombe l’écobilan du nucléaire. Car sur la base de la planification NAGRA – la société coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs – le stockage définitif de ces déchets avec un accès scellé ne sera effectif que dans un siècle.