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L'intelligence artificielle fait proliférer la désinformation sur TikTok

TikTok ferait la promotion de contenus de désinformation très populaires
TikTok ferait la promotion de contenus de désinformation très populaires / La Matinale / 4 min. / le 21 mai 2024
TikTok est devenu un des repaires de la désinformation. Le réseau social risque l'interdiction aux Etats-Unis pour limiter la propagande chinoise. La plateforme est aussi truffée de fake news. Des vidéos complotistes créées grâce à l'intelligence artificielle y pullulent.

Une étude de l'organisation américaine MediaMatters démontre la façon dont le réseau social chinois met en avant les vidéos conspirationnistes, au point d'en faire un business très lucratif. Elles génèrent de l'argent depuis le mois de mars grâce au programme de récompenses financières que TikTok propose à ses créateurs les plus assidus.

Depuis, une recette cartonne: musique sombre, voix grave et des images créées par des outils d'intelligence artificielle générative comme Dall-E. Ces vidéos génèrent des millions de vues. Le nouveau programme de TikTok a ainsi favorisé l'émergence d'une nouvelle industrie artisanale.

Les jeunes davantage exposés

L'algorithme de TikTok semble avoir un appétit particulier pour ce type de vidéos. Des études de NewsGuard, organisation spécialisée dans la lutte contre les fake news, montrent qu'environ 20% des résultats de recherche sur les sujets d'actualité sur le réseau chinois sont de l'infox.

C'est difficile pour les utilisateurs de s'y retrouver, parce qu'il n'y a pas de hiérarchie entre les contenus

Chine Labbé, rédactrice en chef de NewsGuard pour l'Europe et le Canada

Le design de TikTok joue un rôle particulier dans cette désinformation, estime dans La Matinale de la RTS Chine Labbé, rédactrice en chef de NewsGuard pour l'Europe et le Canada. "Il n'y a pas de labellisation des contenus. Vous pouvez regarder une vidéo de la RTS, et une seconde plus tard, voir un extrait d'un discours de Vladimir Poutine sans contexte aucun, et puis la seconde d'après tomber sur une vidéo générée par IA. C'est difficile pour les utilisateurs de s'y retrouver, parce qu'il n'y a pas de hiérarchie entre les contenus."

Si la désinformation existait déjà avant l'IA, cette dernière a ajouté de la complexité, explique Chine Labé. ''On voit que malheureusement la modération de TikTok ne fonctionne pas très bien, au sens où les fermes de contenus générés par IA ne sont pas toutes labellisées comme telles, alors qu'elles devraient l'être."

Les jeunes, qui utilisent massivement TikTok, sont davantage perméables aux croyances et fantasmes conspirationnistes que leurs aînés. Un sondage IFOP de 2023 pour la Fondation Jean Jaurès et la Fondation Reboot montre qu'une majorité des jeunes Français entre 18 et 24 ans croient à au moins une théorie fondée sur une contre-vérité.

On sait que là où cet imaginaire complotiste est influent, la démocratie ne se porte pas bien

Rudy Reichstad, directeur de Conspiracy Watch

Pour Rudy Reichstad, directeur de Conspiracy Watch, cela s'explique par le fait qu'ils s'informent en priorité sur les réseaux sociaux. "Plus on est exposé à ce type de contenu et plus on y adhère. C'est un biais d'exposition." Les utilisateurs très réguliers des réseaux sociaux comptent en effet le plus d’adeptes de ces vérités alternatives.

"Nous vivrons par simple remplacement générationnel dans une société où cet imaginaire conspirationniste aura plus de poids qu'il n'en a aujourd'hui. Pourquoi s'en préoccuper? Parce qu'on sait que là où cet imaginaire complotiste est influent, la démocratie ne se porte pas bien."

Encourager l'esprit critique

Pour se prémunir de la désinformation, il faut offrir aux plus jeunes les clés pour décrypter ce qu'ils regardent. Selon Helen Lee Bouygues, présidente de la Fondation Reboot, dédiée à la promotion du raisonnement critique, face à une vidéo sur TikTok, il faut d'abord "se poser la question de la source de ce qu'on écoute ou de ce qu'on regarde.

"Il faut ensuite se poser la question de ses propres biais", rappelle Helen Lee Bouygues. Troisièmement, la spécialiste du raisonnement critique conseille d'envisager le point de vue opposé à ce que l'on voit ou ce que l'on croit.

Miruna Coca-Cozma/asch

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