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La morsure de tique, un danger sous-estimé qui peut chambouler une vie

Les tiques : une piqûre capable de bouleverser une vie
Les tiques : une piqûre capable de bouleverser une vie / Mise au point / 13 min. / le 4 août 2024
Cet été, toute la Suisse romande est considérée comme une zone à risque pour l'encéphalite à tiques. S'il existe un vaccin efficace, les tiques peuvent aussi transmettre la maladie de Lyme, pour laquelle il n'en existe pas. Et ces deux pathologies peuvent bouleverser une vie. Témoignages dans l'émission Mise au Point.

La tique constitue un danger redoutable pour toute personne aimant se promener en forêt. "Elle peut faire un repas prolongé de 7 à 10 jours. Elle va injecter un petit anesthésique local pour ne pas se faire détecter", explique Gilbert Greub, directeur du Centre national de référence pour les tiques, dans Mise au Point.

Le petit acarien suceur de sang se loge souvent dans des endroits peu exposés. "Ça ne gratte pas, ça ne pique pas et donc si vous ne vous examinez pas, vous ne la verrez pas. Or, le risque de transmission de maladies augmente considérablement avec le temps par rapport aux premières 24 heures", poursuit-il.

De plus en plus d'encéphalites

Les tiques sont particulièrement nombreuses cette année, et leur nombre tend à s'accroître sous l'effet du changement climatique. Elle prolifère même désormais jusqu'à 2000m d'altitude. "Avec les hivers plus doux, on a une progéniture qui va survivre. Et puis avec l'humidité et la chaleur, on a une augmentation des zones où on retrouve des tiques", confirme Gilbert Greub.

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Les infections à l'encéphalite à tiques ont ainsi doublé depuis 2015. Environ une sur 100 serait porteuse du virus, et une infection entraîne de graves complications dans environ 10% des cas.

La vie de Daniel, par exemple, a basculé après une simple balade en forêt autour de chez lui. Piqué par une tique, le Fribourgeois est devenu tétraplégique presque du jour au lendemain. "Je n'ai pas le souvenir de la morsure, mais quand les premiers symptômes sont apparus, tout a basculé en quelques jours. Mes forces m'ont abandonné, carrément", témoigne-t-il dans Mise au Point.

J'ai dû réapprendre à avaler correctement, à me concentrer pour que ça passe au bon endroit

Daniel, atteint d'une forme grave d'encéphalite à tiques

Intubé d'urgence, le sexagénaire passe 34 jours aux soins intensifs puis neuf mois au Centre suisse des paraplégiques à Nottwil (LU) pour essayer de retrouver un peu de mobilité. Il doit ensuite tout réapprendre.

"Tous mes muscles de la bouche aux orteils ont été impactés à des degrés différents, mais ils ont tous été impactés", dit-il. "C'était assez fou de réapprendre à avaler. Un nouveau-né avale sans apprendre, c'est instinctif. Moi, j'ai dû apprendre, me concentrer pour avaler correctement, que ça passe vraiment au bon endroit. Mon larynx s'est rétréci, donc il fallait vraiment réapprendre petit à petit."

Bien entouré, Daniel s'est adapté. Malgré sa résilience, ce boulanger de profession ne peut plus exercer son métier, laissant un immense vide dans sa vie. Il reste toutefois positif et s'accroche aux progrès réalisés: "J'essayais l'autre jour de faire des pizzas dans mon four avec ma fille. C'est compliqué mais j'arrive un petit peu. Et j'ai pu montrer à mes petits-enfants comment tresser. C'est déjà ça. Mais voilà, c'est une page qui se tourne."

Vaccination efficace sur dix ans

Il existe un vaccin recommandé pour se protéger de l'encéphalite, qui est désormais remboursé par l'assurance maladie de base. "On voit qu'il y a une prise de conscience de la population", constate Christophe Berger, pharmacien à Lausanne. "On l'a vu dans nos statistiques: en juillet, on avait déjà le même nombre de vaccins que sur toute l'année passée. Donc potentiellement un doublement du nombre de vaccinations."

Trois doses administrées en l'espace d'environ six mois à un an protègent de l'encéphalite durant dix ans, explique le pharmacien.

Il n'existe en revanche pas de vaccins contre la borréliose, la fameuse maladie de Lyme. Chaque année, environ 10'000 personnes contractent cette maladie en Suisse. En cas d'infection, un traitement rapide par antibiotiques est nécessaire, sous peine de développer une forme plus grave.

C'est ce qui est arrivé à Léanne, une résidente de France voisine de 16 ans, qui lutte depuis deux ans contre des symptômes très lourds. "Je suis extrêmement fatiguée au quotidien. J'ai beaucoup de douleurs articulaires, c'est-à-dire que le matin, je peux parfois avoir mal partout et ne pas pouvoir me lever de mon lit", raconte-t-elle.

Ce qui me pèse, c'est de ne pas pouvoir vraiment profiter de ma jeunesse

Léanne, touchée par la maladie de Lyme

La jeune femme n'a pas vu la tique qui l'a piquée. Lors de l'apparition des symptômes, les premiers tests médicaux en France se sont révélés négatifs. La famille a décidé de contacter une clinique privée allemande, se disant spécialisée dans le traitement de la maladie de Lyme, et d'y entamer des traitements à ses frais. Un traitement lourd: elle doit désormais prendre 36 gélules tous les jours.

"En six mois, on en a déjà pour 18'000 euros de frais médicaux à proprement parler, sans compter les frais auxiliaires. Et on sait qu'on part probablement pour jusqu'à deux ans de traitement", explique sa maman.

"C'est compliqué... À mon âge, c'est difficile de réaliser qu'on est malade", confie Léanne. "Ce qui me pèse, c'est aussi ne pas pouvoir vraiment profiter de ma jeunesse comme j'aimerais pouvoir le faire. Et le sport, je ne peux plus en pratiquer, donc c'est difficile aussi."

Sujet TV: Jérôme Galichet

Texte web: Pierrik Jordan

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Des mesures simples pour éviter les complications

Face aux pathologies, en particulier la maladie de Lyme pour laquelle il n'existe pas de vaccin efficace, le pharmacien Christophe Berger recommande des mesures de prévention pour éviter de se faire piquer lors des sorties en forêt.

"On conseille d'utiliser en priorité des habits longs plutôt clairs, qui permettent de voir les tiques et de les enlever avant qu'elles ne nous piquent. Il y a des sprays spécifiques pour les textiles et des sprays répulsifs pour la peau. Il existe aussi différents types de pinces pour enlever les tiques", explique-t-il.

En cas de morsure, il préconise "un mouvement plutôt long et régulier" pour éviter de "casser" la tique en la retirant. Il faut ensuite désinfecter. "Ce n'est pas grave si la tête reste dedans, elle sortira d'elle-même, mais le risque d'infection est un peu augmenté", précise-t-il toutefois.