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La science évolue à propos de la conscience des animaux

À l'instar des êtres humains, les créatures animales tels que les ânes (ici rafraîchi lors d'une canicule à Gaza) sont douées de sensibilité et peuvent être endeuillées. [Keystone/AP Photo - Adel Hana]
Conscience des animaux: la science évolue / Tout un monde / 9 min. / le 28 mai 2024
L'abeille et la mouche ont-elles une conscience? Des scientifiques appellent à se pencher sur ces questions face aux études récentes qui apportent des preuves de sensibilité chez les insectes et les poissons. A ce jour, ils et elles sont près de 300 à avoir signé la Déclaration de New York du 19 avril sur la Conscience animale.

La conscience est-elle propre à l'être humain? La question est prégnante pour les animaux. Des recherches récentes ont mis en lumière des preuves de sensibilité chez les espèces animales et, par conséquent, de notre perception de leur conscience. Ces études se sont concentrées sur diverses espèces, allant des insectes comme les blattes et les mouches aux poissons ou céphalopodes tels que les poulpes.

Les conclusions scientifiques ont révélé des comportements indiquant une sensibilité à la douleur et des capacités d'apprentissage et de synthèse chez ces animaux. La Déclaration de New York sur la Conscience animale du 19 avril, signée par près de 300 scientifiques, met en avant une sentience, soit la capacité des animaux à percevoir et à éprouver des émotions telles que la joie, le plaisir, la douleur, la peur et même l'empathie.

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Nous, bipèdes avec un cerveau, avons du mal à imaginer qu'une conscience ou des émotions puissent exister chez un être vivant qui ne nous ressemble pas. Un biais que connaît bien Agatha Liévin-Bazin, docteure en comportement animal: "Il y a cette idée que pour être capable de ressentir des émotions, il faut avoir les structures cérébrales nécessaires. Les insectes ne possèdent pas de néocortex, une zone qui, chez les mammifères, est cruciale pour la mémoire, les apprentissages et le ressenti", explique la vulgarisatrice scientifique au micro de Tout un Monde. 

"Mais, même chez les oiseaux, qui ont par ailleurs prouvé pouvoir avoir ces ressentis, il n'y a pas de néocortex. Donc il a fallu remettre tout cela à plat et se rendre compte que même nos drosophiles, qui n'ont pas ce substrat neurologique, pouvaient ressentir des choses équivalentes".

Sensibilité à la douleur

Une vaste étude de 2022 s'est intéressée aux insectes – du scarabée au papillon, en passant par la mouche, le moustique ou encore l'abeille et la fourmi – pour explorer leur sensibilité à la douleur. L'équipe de recherche a trouvé des preuves assez convaincantes, notamment chez les blattes et les mouches qui se frottent une zone douloureuse. Ou encore le bourdon qui choisit d'éviter les feuilles trop chaudes qui lui brûlent les pattes.

Le poulpe est aussi un animal qui ne nous ressemble pas mais à qui l'on reconnaît une sensibilité. Les céphalopodes sont pour l'heure les seuls invertébrés à être protégés de l'expérimentation animale, parce que les scientifiques se sont rendu compte qu'ils réagissaient à la douleur, mais aussi qu'ils avaient des capacités d'apprentissage et une vie émotionnelle. Les pieuvres semblent par exemple aussi rêver, comme nous.

Considérer l'anthropomorphisme

La science s'intéresse aussi au comportement des animaux font face au deuil d'un ou d'une de leur semblable. Il y a parfois des exemples déchirants de mammifères, comme des ânes, semblant pleurer un disparu avec leur braiment ou s'approchant du corps du défunt, lui caressant la tête avec le museau.

L'interprétation de tels comportements peut parfois être biaisée par notre anthropomorphisme. Des études ont montré que certaines réactions, comme celles des corneilles américaines face à un congénère mort, peuvent être liées à des mécanismes de survie plutôt qu'à des émotions de deuil. Les recherches sur le deuil animal restent rares en raison de contraintes éthiques, limitant les méthodes d'observation pour étudier ces émotions.

Repenser notre relation au monde animal et à la Nature

Des avancées récentes ont permis d'observer des manifestations émotionnelles chez les animaux, telles que la réaction de poules rougissant de plaisir ou le langage émotionnel des cochons.

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Chercheuses et chercheurs explorent également les similitudes entre les comportements humains, ceux des primates et des insectes, mettant en lumière des stratégies évolutives partagées entre différentes espèces.

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Scientifiquement, pour la méthode et aussi dans nos esprits, on a fait du chemin depuis Descartes et sa conception de l'animal-machine, même si la ligne est encore fine. La question de la sentience animale soulève des débats éthiques et incite à repenser notre relation avec le monde animal: les scientifiques signataires de la Déclaration de New York appellent à prendre en compte la dimension de la conscience animale dans des domaines tels que l'élevage, l'expérimentation, la recherche médicale et notre interaction avec la Nature.

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Sujet radio: Alexandra Richard

Article web: Stéphanie Jaquet

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