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La taquinerie chez les grands singes, un trait de caractère très ancien

Un bébé gorille des montagne d'un an dans la forêt du parc national Bwindi Impenetrable, dans le sud-ouest de l'Ouganda, le 3 avril 2021. [Keystone - AP photo]
Les jeunes grands singes peuvent s'avérer taquins / Le Journal horaire / 2 min. / le 14 février 2024
Les jeunes de quatre espèces de grands singes sont, comme les très jeunes humains, adeptes de la taquinerie. C'est ce que montre une étude qui fait remonter ce trait de caractère à un ancêtre commun, il y a plusieurs millions d'années.

Tendre un objet à l'autre, mais le retirer avant qu'il ne s'en saisisse. Faire le contraire de ce qu'on vous demande. Empêcher l'autre de se saisir de quelque chose. Autant de taquineries courantes chez le jeune enfant, dès l'âge de huit mois pour les plus précoces.

A la frontière, ténue, entre le jeu et l'agression, la taquinerie suppose d'anticiper la réaction de l'autre pour créer un moment récréatif, basé sur l'effet de surprise, résume l'étude parue dans la revue Proceedings B de la Royal Society britannique.

"Ce qui est intéressant est qu'elle résulte rarement en un comportement agressif", a expliqué son autrice principale Isabelle Laumer, primatologue et biologiste cognitive à l'Institut allemand Max Planck.

Le chimpanzé particulièrement taquin

La célèbre primatologue Jane Goodall avait déjà remarqué, en étudiant des groupes de chimpanzés en liberté, "que des jeunes dérangeaient parfois des plus âgés qui dormaient en leur sautant dessus, en les mordillant ou en leur tirant les cheveux", rappelle-t-elle. Et que leurs cibles "réagissaient plutôt calmement".

Jane Goodall joue avec Bahati, une femelle chimpanzé de 3 ans, au sanctuaire de Sweetwaters, le 6 décembre 1997. Lorsque de jeunes chimpanzés orphelins arrivent au sanctuaire, ils reçoivent beaucoup d'affection pour compenser la perte de leur mère. [KEYSTONE - JEAN-MARC BOUJU]
Jane Goodall joue avec Bahati, une femelle chimpanzé de 3 ans, au sanctuaire de Sweetwaters, le 6 décembre 1997. Lorsque de jeunes chimpanzés orphelins arrivent au sanctuaire, ils reçoivent beaucoup d'affection pour compenser la perte de leur mère. [KEYSTONE - JEAN-MARC BOUJU]

Avec des chercheuses et chercheurs du département d'anthropologie de l'Université de Californie à Los Angeles, Isabelle Laumer a décrit le phénomène en détail grâce à 75 heures de vidéo des quatre espèces de grands singes en captivité: chimpanzé, bonobo, gorille et orang-outang.

En se concentrant sur l'activité d'un jeune de chaque espèce, âgé de trois à cinq ans, ils ont identifié 18 sortes de comportements taquins.

Le plus actif s'est avéré le chimpanzé, qui adore tapoter un adulte assoupi ou se mettre en travers de son chemin. Tout comme le bonobo ou l'orang-outang, ce dernier mettant volontiers à profit la tignasse fournie d'un adulte pour lui tirer les cheveux. Dans l'expérience, le gorille s'en est tenu à des provocations classiques, dont la bourrade.

Distinct du jeu

La plupart de ces taquineries ont été souvent initiées par un jeune, qui guette aussitôt une réponse de sa victime, avant de répéter son geste jusqu'à obtenir une réaction de l'intéressé. Dans au moins un évènement sur cinq, la taquinerie joue sur l'effet de surprise. Et se déroule presque toujours dans un moment détendu.

Les scientifiques ont observé que ces moments pouvaient déboucher sur un véritable jeu, avec une inversion des rôles, mais dans seulement un quart des situations. C'est la preuve que la taquinerie reste un comportement distinct du jeu, qui est forcément réciproque. Elle a un caractère asymétrique, "avec généralement un jeune qui provoque un adulte", alors que le jeu implique des partenaires de taille semblable.

L'équipe a aussi conclu qu'il y avait peu de différences dans le genre de taquineries pratiquées par les quatre espèces. Avec comme bémol un nombre encore réduit d'observations.

Ancêtre commun

Cette étude a une implication directe dans l'histoire de l'évolution. Elle suggère que la taquinerie – et les capacités cognitives qu'elle nécessite – a pu être présente chez le dernier ancêtre commun à tous les primates actuels, singes ou humains, il y a au moins 13 millions d'années.

Mais à quoi servirait-elle? Isabelle Laumer ne veut pas formuler d'hypothèses, mais elle remarque que chez l'enfant, "elle permet de tester les frontières sociales et apporte une joie mutuelle, permettant de renforcer une relation". La chercheuse n'exclut pas qu'un tel comportement puisse exister chez d'autres primates que les grands singes, voire chez de grands mammifères.

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ats/sjaq

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