Comme chaque année à cette période de l'année, plusieurs pays de l'hémisphère nord sont la proie d'incendies de forêts dévastateurs. C'est le cas par exemple actuellement de l'île portugaise de Madère où la situation reste tendue depuis une semaine.
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Pour les seconder dans leur lutte contre les feux de forêts, les pompiers s'appuient toujours davantage sur les innovations technologiques. De l'intelligence artificielle (IA) aux drones en passant par la surveillance par satellites, ces nouveaux outils permettent d'anticiper et détecter de mieux en mieux les incendies, deux étapes clés dans la prise en charge d'un feu de forêt. Bien plus que de simples gadgets, ils visent surtout à gagner du temps et économiser de l'argent, alors que les feux de forêt sont toujours plus fréquents et virulents avec le dérèglement climatique.
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Des drones pour aiguiller les pompiers
Ces dernières années, le drone est devenu un outil indispensable pour aider les pompiers dans leur travail. Plus rapides à déployer et moins chers que les hélicoptères, les drones de reconnaissance sont aussi moins polluants.
Avec des drones équipés de lumières infrarouges, on peut détecter les parties du sol les plus chaudes et qui peuvent héberger des foyers. Ensuite, il faut creuser et les éteindre avec de l'eau. La bonne nouvelle est qu'on a besoin de peu d'eau pour ça
Ces petits engins volants équipés d'une caméra peuvent remplir plusieurs fonctions, comme cartographier les lieux à risque, repérer les départs d'incendies, apporter une visibilité aérienne aux pompiers restés au sol ou encore prioriser les zones d’intervention.
Durant l'été 2023, alors que le Haut-Valais et le Tessin faisaient face à des incendies de forêts importants, Marco Conedera, directeur de l’antenne tessinoise de l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL), expliquait combien les drones étaient devenus importants pour permettre par exemple aux soldats du feu de s'assurer que des braises ne continuent pas de brûler sous le sol une fois que l'incendie semble éteint.
"Avec des drones équipés de lumières infrarouges, on peut détecter les parties du sol les plus chaudes et qui peuvent héberger des foyers. Ensuite, il faut creuser et les éteindre avec de l'eau. La bonne nouvelle est qu'on a besoin de peu d'eau pour ça", a-t-il souligné dans La Matinale du 19 juillet.
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Des drones canadairs
L’Espagne est régulièrement touchée par des incendies dévastateurs, ce qui a poussé les autorités à se tourner vers de nouvelles technologies pour prévenir, détecter et éteindre les flammes.
A Madrid, l'entreprise Drone Hopper a ainsi mis au point un drone faisant office de canadair. Moins cher qu'un avion, ce drone peut transporter 600 litres d’eau. Grâce à ses caméras thermiques, il localise en outre précisément les points chauds.
Pablo Flores, fondateur de Drone Hopper, expliquait en 2021 au micro du 19h30 que ce drone permet de limiter les risques que prennent les soldats du feu. "Le pompier pourra être près de l’incendie, mais pas en plein milieu. Il pourra se trouver à un ou deux kilomètres du feu et donc ne pas prendre de risque."
A noter que des tests sont actuellement menés pour pouvoir s'approcher toujours plus près du feu. C'est le cas par exemple des chercheurs du Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche (Empa) et de l'Imperial College London qui développent un drone résistant à la chaleur qui, en cas d'incendie de bâtiment ou de forêt, pourrait analyser le foyer de danger de très près. Sur la base de ces informations, les pompiers seraient capables d'optimiser leur stratégie avant de s'aventurer près de l'incendie.
"Avant de se rendre directement dans la zone de danger, les pompiers ne savent évidemment pas ce qui les attend exactement et quelles difficultés ils vont rencontrer", explique dans un communiqué Mirko Kovac, directeur du laboratoire Sustainability Robotics de l'Empa et de l'Aerial Robotics Lab de l'Imperial College London.
Les drones équipés de caméras et de capteurs de CO2 (dioxyde de carbone) pourraient fournir des informations sur la répartition des foyers d'incendie, les dangers ou les personnes piégées.
L'intelligence artificielle pour prédire les incendies
Pour anticiper ou maîtriser un feu de forêt, de nombreux paramètres environnementaux doivent être pris en compte. Pour faciliter ce travail, des outils algorithmiques sont actuellement développés, notamment grâce à l'intelligence artificielle (IA). Celle-ci permet par exemple de corréler diverses données sur la typologie des terrains, la météo ou encore les vents pour créer des modèles prédictifs.
En Espagne toujours, sur la côte méditerranéenne, le maire d'Olocau, petit village cerné par les pins, a ainsi décidé il y a quelques années de miser sur l'IA. Il a fait installer tout autour de sa localité une soixantaine de capteurs pour mesurer en temps réel la température, l'humidité, le vent et les gaz contenus dans l'air. "En cas d'incendie, ces capteurs envoient une alerte à la protection civile, au maire et aux pompiers. Comme ça, on peut agir le plus vite possible", expliquait-il au micro du 19h30 en 2021.
Les informations sont ensuite analysées dans un centre de contrôle géré par la start-up Pyro, conceptrice de ces capteurs. C'est elle qui est en charge d’alerter les habitants et les autorités en cas d'incendie. "Le capteur peut nous indiquer la force du vent de façon très précise. Les pompiers savent quel capteur a déclenché une alerte et quand. Ces informations sont accessibles sur un téléphone, on peut donc générer un itinéraire jusqu'au capteur", détaillait José Luis Liz, fondateur de Pyro.
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En France aussi, les pompiers s'appuient toujours plus sur l'IA pour les aider dans leur travail. En Gironde, par exemple, l'IA couplée à des caméras permettra à terme de remplacer la présence de pompiers de garde, en service au sommet d'une tour de surveillance (photo ci-dessous), comme l'expliquait l'été dernier dans le 19h30 le commandant Matthieu Jomain.
"Le propre de la surveillance actuelle est fondée sur la capacité de détecter, mais aussi de faire ce qu’on appelle une levée de doute. Il ne s’agit pas de se limiter à voir une fumée, il s’agit de voir si c’est une fumée d’incendie ou une fumée générée par le passage d’un véhicule agricole. Par le biais de l’intelligence artificielle, nous aurons un dispositif de détection et un dispositif de levée de doute."
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Des ballons d’air chaud capteurs de départs de feu
L'autonomie d'un drone de reconnaissance est limitée. C'est pourquoi la société ANSE, spécialisée dans les systèmes aéroportés de surveillance, basée à La Ciotat (F), a décidé de mettre au point un ballon d’air chaud capteur de départs de feu. Flottant à quelque 600 mètres d'altitude, cette sorte de dirigeable relié au sol par des câbles est capable de surveiller à l'aide d’une caméra et de capteurs infrarouges un rayon de 10 kilomètres pour détecter le moindre départ de feu.
Durant l'été 2021, cette innovation a séduit les marins-pompiers de Marseille qui ont expérimenté ce ballon qui avait permis de repérer plusieurs départs d’incendies, notamment la nuit, comme l'avait confié au Parisien le contre-amiral Patrick Augier. "On l’a aussi utilisé pour rechercher des randonneurs perdus. La caméra nous a permis de guider les équipes d’intervention".
La surveillance satellitaire
Comme l'a relayé le quotidien Les échos il y a quelques semaines, la Grèce, l'un des pays européens les plus vulnérables aux incendies et feux de forêt, va se doter d'un réseau de satellites exclusivement dédié à leur détection et surveillance. C'est le ministre grec de la Gouvernance numérique, Dimitris Papastergiou, qui l'a indiqué en ouverture de la conférence IGARSS, l'événement phare des géosciences et de la télédétection qui se tenait à Athènes du 7 au 12 juillet.
Ce projet, présenté comme une première mondiale, est issu d'un appel d'offres de l'Agence spatiale européenne et sera opérationnel d'ici à 2026. Doté d'un budget de 20 millions d'euros, il a été attribué à la start-up allemande OroraTech, spécialisée dans la surveillance continue de la température terrestre grâce à ses caméras infrarouges thermiques.
De vieux Airbus convertis en bombardiers d'eau
En 2022 , Airbus effectuait en Espagne les premiers tests pour transformer son avion militaire A400M en bombardier d'eau à l'aide d'une citerne amovible pouvant transporter trois fois plus d'eau qu'un canadair.
A l'époque, le projet avait attiré beaucoup d'attention de la part des États européens. Cependant, aucun client ne semble vouloir s'engager pour l'instant, comme l'a récemment révélé La Dépêche. Officiellement, l'avionneur indique être en contact avec des clients potentiels et des experts pour progresser dans la validation opérationnelle, mais aucune commande n'a été passée.
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Fabien Grenon