Cette structure en cœur de la planète naine – Pluton a perdu son statut officiel de planète en août 2006 – intrigue les scientifiques depuis plusieurs années par sa forme, sa composition géologique et son élévation. C'est la sonde New Horizons qui, le 14 juillet 2015, qui fut le premier vaisseau spatial à survoler ce petit corps rocheux et à en prendre des mesures géographiques détaillées, révélant cette image poétique.
L'équipe de recherche internationale menée par des astrophysiciennes et physiciens de l'Université de Berne, comportant aussi des scientifiques du programme national de recherche PlanetS et de l'Université d'Arizona, a utilisé des simulations numériques pour enquêter sur les origines de la moitié occidentale de ce fameux cœur.
La moitié ouest, en forme de goutte d'eau, est appelée Sputnik Planitia. Elle a été engendrée, selon les conclusions de l'étude, par une collision cataclysmique avec un corps céleste planétaire d'un diamètre de 700 kilomètres, tôt dans l'histoire de Pluton.
"La forme allongée de Sputnik Planitia suggère fortement que l'impact n'était pas une collision frontale directe, mais plutôt une collision oblique", souligne le Dr Martin Jutzi de l'Université de Berne, à l'origine de l'étude.
Le noyau de l'impacteur intact
L'équipe a utilisé son logiciel de simulation SPH (Smoothed Particle Hydrodynamics) pour recréer des impacts, en faisant varier à la fois la composition de Pluton et de son impacteur, ainsi que la vitesse et l'angle de ce dernier. Ces simulations ont confirmé les soupçons des scientifiques quant à l'angle oblique de la collision.
"Le noyau de Pluton est si froid que les roches sont restées très dures et n'ont pas fondu malgré la chaleur de l'impact. Grâce à l'angle d'impact et à la faible vitesse, le noyau de l'impacteur ne s'est pas enfoncé dans le noyau de Pluton, mais est resté intact comme un monticule ou un amoncellement sur celui-ci", explique le Dr. Harry Ballantyne de l'Université de Berne, premier auteur de l'étude, dans un communiqué de l'institution.
"Quelque part sous Sputnik Planitia se trouve ainsi le noyau résiduel d'un autre corps massif, que Pluton n'a jamais vraiment digéré", ajoute le professeur Erik Asphaug, de l'Université de l'Arizona, coauteur de l'étude. La solidité du noyau de Pluton et la vitesse relativement faible de l'impacteur ont été les clefs du succès de ces simulations: une solidité plus faible entraînerait la formation d'un résidu de surface très symétrique qui ne ressemblerait pas à la forme de goutte d'eau observée par New Horizons.
Le cœur de Pluton, aussi appelé Tombaugh Regio, a capté l'attention dès sa découverte. Il est recouvert d'un matériau à l'albedo élevé – qui reflète plus de lumière que les autres matériaux alentour –, créant sa couleur blanchâtre: il s'agit principalement de glace d'azote. Sputnik Planitia couvre une surface de 2,4 millions de kilomètres carrés, soit l'équivalent d'un quart de l'Europe. Cette zone a la particularité de se situer trois à quatre kilomètres plus bas que le reste de la surface de Pluton.
L'étude, publiée lundi dans Nature Astronomy, suggère également que la structure interne de Pluton serait différente de celle présumée auparavant: elle ne comporterait pas d'océan souterrain.
Après la Lune et Pluton, l'équipe de l'Université de Berne prévoit d'explorer des scénarios similaires pour d'autres corps du Système solaire lointain, comme la planète naine Haumea, très semblable à Pluton.
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sjaq et l'ats