En mettant l'accent sur l'espoir, l'autonomisation et les ressources propres aux personnes concernées, elles deviennent actrices de leur propre rétablissement. Ce processus peut concerner une grande variété de troubles mentaux et neurodéveloppementaux, tels que l'autisme, la dépression, les troubles bipolaires ou encore le stress post-traumatique.
Le rétablissement de Tania
Dans le podcast Dingue, Tania raconte son long parcours face à une addiction, principalement à l'alcool. En 20 ans, elle avait perdu tout espoir de se libérer de cette dépendance:
"Je commençais à boire très tôt le matin, je devais me lever la nuit pour consommer, pour pouvoir dormir."
Quand j'ai entendu et rencontré ces personnes, j'ai été bouleversée; en fait, je me suis dit que c'était possible, qu'il y avait encore une chance pour que je m'en sorte
Un jour de 2015, elle croise par hasard une ancienne connaissance, une personne qu'elle qualifie d'"expert des bistros", tout comme elle. Cette personne avait changé: elle ne buvait plus. Elle l'invite à participer à un groupe d'entraide le lendemain, et Tania accepte:
"Quand j'ai entendu et rencontré ces personnes, j'ai été bouleversée; en fait, je me suis dit que c'était possible, qu'il y avait encore une chance pour que je m'en sorte."
L'espoir:
Cet espoir est une étape clé dans le parcours de rétablissement, souvent associé à la fin du déni. Comme le souligne Pascale Ferrari, maître d'enseignement à l'Institut et Haute école de la santé La Source, et infirmière clinicienne spécialisée au service de psychiatrie communautaire du CHUV: "Le déni est normal lorsqu'on annonce à quelqu'un un diagnostic qui peut avoir des conséquences graves sur sa vie. En psychiatrie, on a longtemps considéré le déni comme un symptôme de la maladie."
Pascale Ferrari a développé un MOOC, un cours en ligne ouvert à tous, gratuit et accessible via Internet, dédié au rétablissement.
Rechute:
En 2017, Tania ne consomme plus, mais fait une rechute.
"C'était une déflagration, car il y a eu une rupture amoureuse absolument dévastatrice. Cette expérience a été extrêmement riche: elle m'a permis de comprendre que ma maladie se décline de mille manières. J'ai "bu" une relation qui m'a complètement détruite."
Il y a eu une rupture amoureuse absolument dévastatrice. Cette expérience a été extrêmement riche: elle m'a permis de comprendre que ma maladie se décline de mille manières
Bien que cette rechute ait été violente et dangereuse sur le plan suicidaire, Tania parvient aujourd'hui à voir qu'elle fait partie de son parcours de rétablissement. Elle a appris à mieux connaître sa vulnérabilité. Après avoir surmonté cette épreuve, elle s'engage dans une association venant en aide aux personnes vulnérables, souvent touchées par des addictions:
"Je réalise que je ne porte aucun jugement sur ces personnes en situation de précarité. Je perçois qu'il se passe quelque chose de subtil dans leur vie."
La deuxième vie de Tania
Aujourd'hui, Tania est paire-praticienne en santé mentale, un rôle dans lequel elle utilise son propre vécu pour accompagner et soutenir d'autres personnes en difficulté, contribuant ainsi à leur rétablissement.
Pour Pascale Ferrari, le rôle des pairs-praticiens dans le parcours de rétablissement est encore largement sous-estimé. "Ils peuvent véritablement aider les personnes à amorcer ou poursuivre leur processus de rétablissement. L'intégration des pairs dans les équipes est un enjeu majeur", indique-t-elle.
Un système de santé centré sur le rétablissement
L'intégration du concept du parcours de rétablissement semble avoir de multiples avantages.
Ce qui importe, c'est de soulager cette souffrance et de permettre aux individus de retrouver une place qui ait du sens dans la société
Pascale Ferrari explique ainsi que "les études sur le rétablissement et son impact sur le système de soins montrent une diminution des coûts, car les patients ont moins recours aux soins. Il y a de nombreuses souffrances; que le patient soit d'accord ou non avec le diagnostic médical, ce qui importe, c'est de soulager cette souffrance et de permettre aux individus de retrouver une place qui ait du sens dans la société."
Chaque parcours de rétablissement est unique. Pour Tania, le soutien des pairs a été déterminant; pour d'autres, ce sera le soutien familial, l'engagement bénévole (ce qu'a également fait Tania), ou une gestion autonome de leur trouble, en puisant dans diverses ressources disponibles. Lorsque les systèmes de soins intègrent ce principe, leur efficacité et leur qualité semblent s'améliorer.
Comme le dit Tania:
"On a tous en nous une partie abîmée, et c'est la partie non abîmée qui peut prendre soin de celle qui est abîmée. J'ai l'impression que c'est ce qui s'est passé pour moi. La partie non abîmée a grandi."
Adrien Zerbini