Le télescope Hubble baisse ses heures d'observation suite à un souci technique
L'un des trois gyroscopes qui contrôlent la direction vers laquelle est pointé le télescope spatial a connu des problèmes de stabilité ces derniers mois: "Après une série de tests et un examen minutieux de nos options, nous avons pris la décision de faire en sorte que Hubble n'utilise qu'un seul de ses trois gyroscopes restants", déclare Mark Clampin, directeur du département d'astrophysique de la NASA, cité par SpaceNews. Il sera mis en "safe mode", comme le note l'agence américaine dans un communiqué.
"Cette solution a déjà été utilisée il y a quelques années", remarque la Dre Antonella Nota, directrice exécutive de l'Institut international des sciences de l'espace (ISSI) de Berne, jointe par RTSinfo: "Hubble peut fonctionner avec un seul gyroscope, cela permettra d'étendre sa vie". Une solution maligne qui garde ainsi un gyroscope de secours, puisque le troisième, après avoir hoqueté, est définitivement hors service depuis le 24 mai.
"Je suis confiante: Hubble est très solide! Ses instruments se portent bien et il produit une très bonne science. Il va encore fonctionner pendant de nombreuses années", affirme celle qui a été la responsable scientifique du projet de l'ESA pour les télescopes spatiaux Hubble et James Webb au Space Telescope Institute (STScI) de Baltimore, jusqu'en mai 2022.
L'astronome explique encore qu'il n'est plus possible d'aller entretenir Hubble comme par le passé: "Depuis 2009, la NASA a arrêté le programme des navettes spatiales qui permettaient d'envoyer des personnes effectuer des réparations sur place". De surcroît, la NASA n'est pour l'instant pas entrée en matière pour l'envoi d'opérateurs privés pour ce genre de mission, notamment par crainte qu'ils puissent endommager le télescope.
Une réduction des observations de 12%
La transition vers ce nouveau mode de fonctionnement, qui devrait s'achever d'ici à la mi-juin, réduira la capacité de Hubble à effectuer des observations scientifiques de 12%, avec 74 orbites hebdomadaires autour de la Terre au lieu de 85 actuellement, précise Patrick Crouse, responsable de la mission Hubble.
Au cours des douze prochains mois, le télescope sera toujours capable d'observer la voûte étoilée dans son entièreté, mais ne pourra plus suivre des objets plus proches que la planète Mars, comme des astéroïdes – même si de tels objets sont de toute façon rares, environ 1% des observations –, dit-il, ajoutant: "Nous n'estimons pas que Hubble vive ses derniers instants". Selon la NASA, un mode comportant un seul gyroscope pourra préserver Hubble jusque vers la moitié ou la fin des années 2030.
Hubble et Webb sont complémentaires
Même si Hubble a déjà passé 34 ans dans l'espace, il n'est pas obsolète pour autant, loin de là (lire encadré). Daniel Schaerer, professeur au département d'astronomie de l'Université de Genève, l'utilise régulièrement pour comparer ses données avec celles récoltées par James Webb: "Webb ne voit que dans l'infrarouge alors que Hubble observe dans l'ultraviolet. Les UV permettent de comparer des galaxies plus proches, et de les comparer à celles que l'on peut voir bien plus loin dans le passé avec les fréquences infrarouges du JWST".
Par téléphone, il ajoute: "En plus, Hubble réalise aussi de l'imagerie en lumière visible: c'est parfois plus simple et plus pratique pour nous: ces deux télescopes spatiaux sont vraiment complémentaires!"
Pour l'heure, Hubble est le seul télescope spatial en fonction à avoir la capacité d'observation en infrarouge, lumière visible et ultraviolette. La NASA est en train de travailler sur UVEX, une sonde spatiale spécialisée dans l'ultraviolet: mais elle ne sera pas lancée avant 2030.
Stéphanie Jaquet et l'ats
Hubble a révolutionné l'astronomie
Hubble, lancé en 1990, a révolutionné l'astronomie et bouleversé notre vision de l'Univers, en accumulant les images du Système solaire, de la Voie lactée et de galaxies très lointaines en opérant à 515 kilomètres au-dessus de la Terre.
C'est grâce à lui que les scientifiques ont découvert l'existence d'un trou noir galactique au centre de toutes les galaxies, ou de vapeur d'eau autour d'exoplanètes.
Peut-être l'un des instruments les plus importants dans l'histoire de l'humanité, Hubble continue d'effectuer d'importantes découvertes comme en 2022, quand le télescope avait détecté Earendel, l'étoile la plus lointaine jamais observée.
>> Lire : L'étoile la plus lointaine jamais découverte a été détectée par Hubble
Selon Mark Clampin, malgré des capacités légèrement réduites, Hubble continuera d'enquêter sur des objets dans notre système solaire, d'étudier certaines galaxies lointaines, ou encore de collaborer avec le télescope spatial James Webb, lancé en 2021, pour scruter les atmosphères d'exoplanètes.