À une époque où les antibiotiques montrent leurs limites, la lutte contre les infections bactériennes peut passer par des bactéries ou des virus. C'est le cas depuis une dizaine d'années pour des infections intestinales liées à un pathogène nommé Clostridium. "C'est un traitement par d'autres microbes, d'autres pathogènes, avec une restauration du microbiote digestif", explique Benoît Guery, médecin-chef du Service des maladies infectieuses au CHUV, dans le 12h30 de la RTS.
Certains microbes sont en effet nos alliés. "Le microbiote intestinal régit à un tas de choses. Et on a bien démontré qu'il y avait une relation avec la réponse immunitaire, des communications avec le cerveau, les poumons. C'est quelque chose d'assez complexe qu'on commence à découvrir", indique Benoît Guery.
Dans la lutte contre des cancers
Cette technique permet même de combattre certains cancers. "En fait, on ne lutte pas contre les cancers, on permet de restaurer la sensibilité à certains médicaments, notamment ceux qui luttent contre ces cancers", précise Benoît Guery.
On a l'impression d'ouvrir la boîte de Pandore, avec de nombreux débouchés thérapeutiques dans les années à venir
Si la recherche n'en est encore qu'à ses balbutiements, on essaie actuellement de comprendre les mécanismes associés au microbiote. Avec un nombre d'implications impressionnant. "On a l'impression d'ouvrir la boîte de Pandore, avec de nombreux débouchés thérapeutiques dans les années à venir", se réjouit Benoît Guery.
Transplantation fécale
Concrètement, il ne s'agit pas de probiotiques ou de bifidus, ces "bonnes" bactéries dont le grand public connaît les vertus sous forme de compléments alimentaires. L'usage actuel le mieux documenté est celui de la transplantation fécale - un centre du CHUV à Lausanne s'est d'ailleurs spécialisé dans la transplantation de microbiote fécal, une première en Suisse.
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"On y transforme la matière fécale en médicaments pour traiter des infections digestives", explique Benoît Guery. "Et derrière, il y a tout ce qu'on pourrait traiter et qui est actuellement à l'étude", pour des champs d'application comme les maladies inflammatoires, les coliques, mais également dans le domaine de la neurologie, pour le traitement de la démence, de l'autisme, et la restauration de la sensibilité au traitement du cancer.
Les limites de ce genre de médicament réside pour l'heure dans sa fabrication. "On utilise pour cela des donneurs sains. Des essais ont été faits avec les industriels, mais fonctionnent beaucoup moins bien que la transplantation de microbiote telle qu'elle est pratiquée au CHUV. Donc derrière, effectivement, il y a plein de choses encore à documenter et à découvrir."
"Microbes, des alliés pour notre santé", ainsi que deux autres conférences sont à écouter mardi soir à 18h30 au Musée de la main à Lausanne.
Dans le cadre du cycle de conférences "Bien vivre avec les microbes?" qui se poursuit jusqu'en avril prochain.
Propos recueillis par Sophie Iselin
Adaptation web: kkub